Les tirailleurs n'ayant pas la maîtrise de la langue écrite, nulle trace de leur témoignage ne nous est parvenue... ainsi nos élèves ont accepté de rédiger les lettres que les tirailleurs auraient pu écrire à leur famille en cet hiver 1916-17... en voici une particulièrement explicite, signée Loan Diaz.
Les élèves de 202/203/206/207 inscrits à l'enseignement d'exploration Littérature et Société ont rédigé et publié un article dans l'encyclopédie collaborative Wikipédia. Cet article présente un lieu de mémoire de la Première Guerre Mondiale : la Nécropole nationale du Natus, située sur la commune de La Teste. L'ancien camp militaire du Courneau était destiné à accueillir les troupes françaises venues d'Afrique – les Tirailleurs sénégalais- pour des périodes de repos durant la Première guerre mondiale. Dès l'hiver 1916-17 les conditions d'hébergements, sanitaires et climatiques contribuent à la propagation d'épidémies, essentiellement respiratoires, entraînant le décès de nombreux soldats. Au total ce ne sont pas moins de 927 soldats qui décédèrent, dont 895 tirailleurs. La mémoire de cet événement tragique a été conservée par des documents officiels et quelques témoignages privés, mais uniquement transmis par les gradés blancs du camp.
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Chers parents,
Nous sommes arrivés par centaines au Camp du Courneau. Je décide donc de profiter du peu de temps que j'ai pour moi, pour vous écrire.
Le climat ici est très différent de celui du Mali, l'aridité du désert a été remplacée par l'humidité étouffante des marécages, rendant la plupart d'entre nous malade. Le peu de confort que nous offrent les baraquements ne sont qu'une maigre consolation face à la misère quotidienne.
Les plats que l'on nous sert sont juste assez consistants pour nous rassasier et cela n'arrange rien. Il paraît, selon certains de nos frères, que nous sommes moins bien traités que les animaux du camp. En effet, les chevaux boiraient une eau plus saine que la nôtre, preuve irréfutable du manque de considération que les Blancs ont pour nous !
J'espère de tout cœur revenir très bientôt à la maison. Le camp devient de moins en moins salubre, mais je ne doute pas du fait que nous en partirons bientôt. J'espère aussi pouvoir rentrer avec N'koulou, il est très malade et tousse fréquemment mais j'ai confiance dans le nouveau vaccin mis en place.
Je vous envoie le peu de chaleur qui reste dans mon cœur avec cette lettre, à très bientôt mes parents bien-aimés.
Moussako.
Loan Diaz, Pigeon 2 Poche, lycée Nord Bassin, lycée Andernos (33)