Billet de blog 23 mars 2016

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La déchéance de nationalité, la patate chaude française

Le 13 novembre 2015, une vague d’attentats frappe Paris. Les Français ont peur. Afin de les rassurer, le président François Hollande proclame un discours devant le Congrès, qui est la réunion de l'Assemblée Nationale et du Sénat, au château de Versailles le 16 novembre. Dans ce discours, le président propose… Par Maëllen GERBAUD

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Dans ce discours, le président propose une réforme de la Constitution ainsi qu’un projet de loi sur la possibilité de déchoir de sa nationalité française les personnes nées en France possédant une double nationalité et coupables de crimes ou délits terroristes. Il est alors applaudi par tous les membres du Parlement présents. Peu de temps après, une fracture se crée au sein de la majorité, de la classe politique, mais également au sein du gouvernement lui-même : dans quelles circonstances pourrait-on ôter la nationalité ? Quelles en seront les conséquences ? Qui décidera de cette déchéance ? Le gouvernement est allé jusqu’à étudier la possibilité d'étendre cette déchéance de nationalité à tous les Français.

Illustration 1
© Kevin Rocard

La déchéance de nationalité est déjà possible en France et ceci depuis 1848. A l’époque, elle était utilisée pour les esclavagistes français qui refusaient de libérer leurs esclaves après l’abolition. Pour le moment elle n’est applicable que dans 3 cas : quand une personne commet un acte de trahison au sein de l’armée française, quand elle commet des actes terroristes ou qu’elle porte atteinte à la sécurité de la France. Cette déchéance ne peut s’appliquer qu'aux personnes possédant une double nationalité et ayant la nationalité Française depuis moins de 10 ans. Mais cette sanction est très rarement utilisée car seulement une vingtaine de personnes ont été déchues de leur nationalité française depuis les années 1990.

 Pourquoi ne serait-il pas possible d’utiliser la déchéance de nationalité pour tous les français ? En pratique, la France pourrait appliquer cette sanction à tous. Mais cela lui vaudrait aussitôt les remontrances de tous les pays démocratiques de l’ONU. En effet, dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, que la France a aidé à écrire et a ratifié, l’article 15 précise bien que « Tout individu a droit à une nationalité ». Mais ce texte n’a aucun pouvoir de contrainte réel. Ce texte est plus une liste de buts fixés par l’Assemblée générale des Nations unies qu’un véritable accord international. Il existe bien aussi un texte de la Convention de l’ONU datant de 1961 où il est inscrit « les États contractants ne priveront de leur nationalité aucun individu si cette privation doit le rendre apatride » . Sauf que là non plus ce texte ne peut pas s’appliquer à la France puisque, même si celle-ci a bien signé ce traité, elle ne l’a jamais ratifié. Cela signifie que le chef de l’Etat, Charles de Gaulle à cette époque, n’a pas signé ce document lui-même, ce qui fait qu’il n’est jamais entré dans le droit français.

 La France aurait donc le droit de créer des apatrides si elle voulait, comme le laisse entendre maintenant le gouvernement, en voulant avoir la possibilité d’appliquer cette sanction à tous les Français s’ils sont rendus coupables de terrorisme. Mais le gouvernement pourrait-il faire passer cette loi, sachant qu’il y a déjà des divisions en son sein et au sein de sa majorité ? Parmi les 369 députés et sénateurs interrogés par le Monde, 220 sont contre cette mesure. Appliquer cette mesure à tous les Français voudrait aussi dire que la France, pays des Droits de l’Homme, qui a aidé à la rédaction de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme renierait elle-même ce qu’elle a écrit, ce qui pourrait la discréditer au niveau international.

Déchéance ou non ? Pour tous ou pour les binationaux ? Prendre le risque de perdre notre crédibilité à l’international ou garder notre position actuelle ? Le gouvernement et les français n’ont pas fini de débattre sur le sujet.

 La loi a été votée à l’Assemblée Nationale le 9 février dernier et adoptée à 162 voix pour et 148 contre. On attend maintenant le passage du texte au Sénat et le retour du texte à l’Assemblée Nationale pour savoir ce que devient ce texte.

Et vous, vous êtes pour ou contre ?

Maëllen GERBAUD, Actu en Rab#, lycée Rabelais, Fontenay-Le-Comte (85)

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