Billet de blog 25 juin 2015

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Kibboutz : plongée dans une utopie réelle

Je m'appelle Mathis, j'ai seize ans et je suis en première S Abibac au lycée Kastler à Guebwiller. Je suis parti en novembre dernier en Israël pour un voyage d'un mois sur les Kibboutzim (pluriel de Kibboutz). J’ai profité de cette aventure pour faire une pige pour le journal : et oui, le Cancre est lu jusqu’en Alsace ! Par Mathis Nicole Desmau

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je m'appelle Mathis, j'ai seize ans et je suis en première S Abibac au lycée Kastler à Guebwiller. Je suis parti en novembre dernier en Israël pour un voyage d'un mois sur les Kibboutzim (pluriel de Kibboutz). J’ai profité de cette aventure pour faire une pige pour le journal : et oui, le Cancre est lu jusqu’en Alsace ! Par Mathis Nicole Desmau

Un village où tout est mis en commun

Dans un kibboutz, il n'y a pas de propriété privée. Tous les membres font comme partie d'une « grande famille » comprenant tout le Kibboutz et tout le monde s'y connaît, car les repas sont pris dans la salle commune. Au début, c'est-à-dire dans la première moitié du XXème, les enfants étaient même élevés ensemble dans des maisons d'enfants, et ne voyaient leurs parents que quelques heures l'après-midi ! Aujourd'hui, la réalité est beaucoup plus nuancée : beaucoup de Kibboutzim sont devenus « privatisés », cela veut dire que l'égalité n'y est plus totale. Le nombre de Kibboutznikim (pluriel de Kibboutznik, terme désignant un membre d'un Kibboutz) peut varier d'une petite centaine à presque un millier, mais la moyenne est de trois ou quatre cents habitants. L'objectif des fondateurs du Kibboutz était de créer une société idéale, parfaitement égalitaire et mue par des idéaux de justice et de fraternité.

On a beaucoup parlé de la « mort du Kibboutz » en disant que le fait que beaucoup deviennent « privatisés » prouvait l'impossibilité de ce système communautaire, et c'est pourquoi j'avais envie de voir ce qu'il en était vraiment. Je suis donc allé dans une dizaine de Kibboutz, afin de comprendre ce mode de vie particulier, et pourquoi il était si difficile de le conserver. Il est compliqué de résumer en quelques mots les conclusions auxquelles je suis arrivé, mais j'ai dans l'ensemble été enthousiasmé par la vie dans un Kibboutz, et vu l'extraordinaire dynamisme de ce mouvement (par exemple, depuis quelques années de nombreux Kibboutzim se créent dans les villes, avec comme ambition de « changer la société » : aspirant à plus de justice et d'égalité, ces pionniers des temps modernes croient fermement en l'idéal du Kibboutz et perpétuent son héritage) je pense que le temps de la « mort du Kibboutz » n'est pas encore venu, même s'ils ont de plus en plus de mal à survivre dans un environnement capitaliste.

Illustration 1
Mathis Nicole Desmau en novembre 2014

Une véritable aventure

Ce voyage fut non seulement une formidable occasion de découvrir une autre façon de vivre, mais aussi de rencontrer de nouvelles personnes et de nouvelles choses ; j'en ai gardé des souvenirs extraordinaires. J'ai  parfois eu des péripéties pas toujours agréables, comme avoir dû courir après le bus parce qu'il était parti avec mon sac dans la soute, ou lorsque j'ai failli louper mon avion à l'aéroport à cause d'un contrôle minutieux à la douane, mais il y a aussi eu des moments inoubliables : un lever de soleil dans le désert, une baignade dans la mer Morte, une rencontre avec des bédouins...

J'ai fait de nombreuses rencontres imprévues mais parfois très chaleureuses. Un jour, j'étais en train de faire une longue randonnée dans le désert avec une volontaire allemande rencontrée dans le Kibboutz où j'étais, et nous étions harassés, assoiffés et affamés par notre longue marche sous un soleil brûlant (eh oui, dans le désert il fait chaud même en hiver ! ) lorsqu'au détour d'une falaise nous découvrîmes des jeunes en train de se baigner dans une vasque d'eau dans un creux du rocher, et qui nous invitèrent à partager avec eux leur repas et à venir nous baigner avec eux. Nous avons fait un barbecue, et nous nous y sentions tellement bien que nous sommes restés toute l'après-midi ! Une autre fois, alors que je m'en donnais à cœur joie sur le premier piano sur lequel j'avais l'occasion de jouer depuis des semaines, je fus surpris par des applaudissements venant d'en-bas du bâtiment, par des curieux venus m'écouter. Le lendemain, ils me demandèrent de faire un concert devant tout le Kibboutz, et en une soirée je devins la coqueluche du Kibboutz ! Je suis allé dans une petite dizaine de Kibboutzim, mais à chaque fois que je devais en partir j'étais au moins aussi triste de quitter ceux avec qui j'avais passé quelques jours qu'impatient de découvrir de nouvelles choses. Dans un Kibboutz où je n'ai passé qu'une seule nuit, j'ai sympathisé avec un jeune de mon âge au point que nous nous étions lancé dans un projet de faire un tour du monde sur un bateau qu'il rafistolait depuis des années, sans l'avoir encore essayé.

Partir seul permet d'aller vraiment à la rencontre des gens et de la nouveauté, de s'affranchir des préjugés car on est plus réceptif et plus ouvert. Je pense que cette façon de voyager permet vraiment d'apporter beaucoup. C'est aussi un défi, dont on peut être fier de l'avoir relevé !

Les Kibboutzim, une société idéale ?

 Pourquoi finalement, m'être intéressé aux Kibboutzim ? Vous connaissez sûrement le concept « d'utopie » : un endroit idéal, où tout est le mieux possible. Je me suis dit qu'il existait sûrement des personnes ayant tenté cette expérience, et me suis donc lancé dans des recherches sur les différents endroits où il avait été tenté de construire une société idéale, une utopie. La communauté de ce type la plus connue est sûrement Auroville en Inde, destinée à être « le lieu d'une vie communautaire universelle, où hommes et femmes apprendraient à vivre en paix, en parfaite harmonie ». J'ai hésité à y aller, mais je n'avais pas envie de rester un mois au même endroit, j'avais envie de voyager ! Ai-je trouvé « l'utopie » dans les Kibboutzim ? Bien sûr, tout n'y est pas parfait et tout le monde n'est sûrement pas adapté à la vie dans un Kibboutz. Tous les Kibboutzim n'ont pas le même degré d'utopie (« degré » qui pour moi est défini par le bonheur et l'épanouissement que la vie dans un Kibboutz apporte à ses membres), mais dans les Kibboutzim où les habitants s'y identifient et aiment vraiment leur Kibboutz – tant l'idéal qu'il représente que ceux qui y vivent -, il règne un certain « parfum » d'utopie, qui m'a convaincu que ce système peut être considéré comme idéal.

Samar et l'utopie

 Par exemple, à Samar (au fin fond du désert du Néguev), les Kibboutznikim sont parvenus à un socialisme, voire un anarchisme, poussé au plus haut degré : dans ce Kibboutz, personne n'est théoriquement obligé de travailler – ou peut le faire seulement lorsqu'il en a envie - et il n'y a aucun compte de banque personnel, mais seulement un compte pour tout le Kibboutz où tout le monde peut – toujours théoriquement – utiliser autant d'argent qu'il le désire (même si dans un Kibboutz, tout le nécessaire est censé être fourni par la communauté, il existe normalement un budget pour chaque membre réservé aux vacances, cadeaux, habits...). Ce système fonctionne grâce à la responsabilité mutuelle que chaque membre ressent pour tous les autres, et à la très forte cohésion sociale qu'il y a. Évidemment, je pense que même si pour l'instant, Samar fonctionne depuis plus de quarante ans de cette façon, ce système n'est pas à l'abri de problèmes économiques et ne doit qu'à l'amitié qu'éprouvent tous les samariens les uns envers les autres de persister. C'est à Samar que j'ai eu le plus l'impression d'être dans une véritable utopie, d'autant plus qu'il y règne une ambiance très particulière, en tout cas très chaleureuse (par certains aspects, elle m'a fait penser à une communauté hippie). C'est aussi à Samar que j'ai rencontré pour la première fois un arabe israélien vivant dans un Kibboutz.

Les relations entre juifs et arabes en Israël

 En effet, même si j'ai été dans des villes de druzes, je n'avais jamais vu des arabes vivre dans un Kibboutz. Je pense que ni les juifs jaloux de leur succès économique (attention, lorsque je dis « juif » c'est en parlant du peuple et non des religieux, car sur les 273 Kibboutzim d'Israël seuls 19 sont religieux, les autres n'ont généralement même pas de synagogue), ni les arabes peu attirés par la vie en communauté, ne le regrettent. D'un point de vue général, les arabes israéliens et les juifs vivent séparés et ne cohabitent qu'en de très rares cas. Cependant, je ne sais si cela est dû au fait que j'étais la plupart du temps avec des gens habitant dans des Kibboutzim, orientés politiquement plus à gauche et donc plutôt favorables au rapprochement israélo-arabe, mais j'ai eu l'impression que la plupart des gens regrettent cette incompréhension mutuelle. Beaucoup d'adultes apprennent l'arabe (obligatoire à l'école) afin de pouvoir favoriser ce rapprochement et de nombreuses activités visant à aider à la coexistence israélo-arabe sont organisées, notamment par les Kibboutzim urbains dont j'ai parlé plus haut, et dont les convictions pacifistes sont totalement opposée au gouvernement actuel de Benjamin Netanyahu. Je n'ai pas été dans les zones occupées (bande de Gaza et Cisjordanie), je n'ai donc pas pu me faire une opinion par moi-même sur la situation, mais on m'a dit que si dans la bande de Gaza elle est vraiment explosive, il y a moins de tensions en Cisjordanie. Pour conclure cet aperçu sur le conflit israélo-palestinien, je vais accomplir la promesse que j'ai faite à un Kibboutznikim pendant mon voyage : il voulait que je transmette le message « que les israéliens veulent avant tout la paix », à mon retour. Si cette opinion est partagée par une bonne partie de la société israélienne, le parti actuellement au gouvernement, le « Likoud », est toutefois à ranger dans le camp des « faucons », peu favorables aux compromis et que beaucoup n'hésitent pas à qualifier de « fascistes ».

Les bourses Zellidja

 Les voyages forment la jeunesse : c'est sûrement ce à quoi Jean Walter pensait lorsqu'il fonda en 1939 les bourses Zellidja, "donnant aux jeunes le moyen de compléter leurs études par des connaissances qu’ils n’ont pas acquises dans les établissements scolaires et n’acquerront pas davantage dans les grandes écoles ou en faculté". Ces bourses, qui s'adressent aux jeunes entre seize et vingt ans, leur permettent d'effectuer un voyage sur le sujet de leur choix, qu'ils devront préparer et réaliser seuls, pour une durée d'un ou deux mois. Ces voyages permettent de développer autonomie, esprit d'initiative et de vivre des expériences fantastiques. À son retour, le boursier doit rendre un carnet de comptes, un carnet de bord ainsi qu'un rapport sur le sujet d'études et si ces trois documents sont satisfaisants, il peut être candidat à l'obtention d'une seconde bourse. Si vous êtes intéressés, vous pouvez consulter le site de l'association http://www.zellidja.com/, qui explique en détail les caractéristiques des bourses Zellidja.

Mathis Nicole Desmau, Le Cancre, lycée Jacques Prévert, Boulogne-Billancourt (92)

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