Grâce à ses indics présents dans les plus hautes sphères du pouvoir, Le P'tit Luther s'est introduit le vendredi 19 octobre dans les locaux de Médiapart, le célèbre journal en ligne, pour assister à une conférence de presse avec le ministre de l'éducation nationale, Vincent Peillon. Ce dernier, en répondant aux questions de divers enseignants, journalistes et sociologues, a présenté son projet pour l'école du XXIème siècle. Retour sur ce qu'on a pu comprendre.
L'école de l'inégalité
Tout part d'un constat de plus en plus alarmant : selon le ministre, l'école d'aujourd'hui ne se contente plus de “ reproduire les inégalités, elle les accroît ” ! En clair, les grands lycées parisiens sont toujours plus élitistes, tandis que les collèges de banlieues difficiles sont laissés à eux mêmes. Et quand on pense qu'il y a chaque année 150 000 étudiants “décrocheurs” en France, qui quittent le système scolaire sans aucune qualification, et que l'on se dit que ça pourrait être l'un d'entre nous, ça fait froid dans le dos.
C'est bien pour essayer de remédier à tout ça que “ François Hollande a fait de l'école sa priorité ”, affirme le ministre. Vincent Peillon propose une réforme de l'école de grande ampleur qui “ durera cinq ans et traitera toutes les questions ”. “ Rien ne sera oublié ”, assure-t-il, ni “ le baccalauréat ”, ni “ la question des lycées ”. Nous aurons donc le droit à une nouvelle réforme des lycées, qui, on l'espère, sera plus concluante que la précédente... Mais nous savons déjà que l'histoire-géographie sera rétablie en Terminale S, au risque de renforcer l'impression que les élèves sont les cobayes des expérimentations des gouvernements successifs.
L'armée des 40 000
Interrogé sur le recrutement des enseignants dans les années à venir, M. Peillon a confirmé que l'objectif était la création de 40 000 postes sur cinq ans. En sachant que de moins en moins de candidats se présentent aux concours de professeurs, atteindre ce chiffre risque d'être difficile, à moins de baisser le niveau d'exigence attendu. Mais le ministre soutient que, pendant le précédent quinquennat “ tout était fait pour décourager les étudiants de devenir enseignants ”, et qu'il saura faire renaître les vocations, notamment en fournissant une bourse à ceux qui se destinent au métier de professeur.
Il rappelle en effet qu'aujourd'hui, “ il est très difficile, surtout pour les milieux les plus modestes, de suivre cinq années d'études pour devenir enseignant ”. Et une fois le concours obtenu, les jeunes profs auront de nouveau le droit à une formation pédagogique avant d'être mis en face des élèves 18h par semaine. Par contre, et au grand désespoir d'un professeur invité à la conférence, aucune revalorisation des salaires n'est prévue dans l'immédiat, la priorité étant de donner plus de moyens aux zones les plus difficiles. Il faudra donc se contenter des 2000 € net par mois.
Orienter les désorientés
Le ministre de l'éducation nationale veut en priorité lutter contre le problème de “ l'orientation subie ”. C'est-à-dire le fait qu'on oriente les élèves en fonction de leurs résultats, sans tenir compte de leur envies, qui ne sont d'ailleurs pas tout le temps très bien définies. Et pour ce faire, Vincent Peillon entend bien “ mobiliser des intervenants pour venir parler aux jeunes dans tous les établissements ”, surtout dans les établissements les plus difficiles. Quitte à mettre en place une initiation à l'entreprise dès la 6ème. Aucun doute que le stage en entreprise a une longue vie devant lui...
Mais pour mieux orienter les élèves, il faut aussi qu'ils puissent faire de véritables choix. C'est pourquoi M. Peillon veut “ arrêter l’anoblissement de la filière scientifique ” et “ remettre les choses à plat ”. Il souhaite aussi redonner leur chances aux filières technologiques et professionnelles, qui voient tout le temps la filière générale leur passer devant dans les recrutements post-bac. Ce qui revient “à casser les institutions qui s'auto-reproduisent ” Pour réaliser tout cela, précise Vincent Peillon, sera mis en place un “ conseil national d'orientation indépendant ” .
L'école dans la société
Dans la dernière partie de ce débat de 2h30, un historien de l'école et un spécialiste de la laïcité ont questionné Vincent Peillon sur sa vision de l'école, et sa place dans la société. Atteignant des sommets de lyrisme, ce dernier a répondu que l'école qu'il souhaitait construire, c'est “ une humanité que tous nos élèves peuvent partager ”. Il soutient que l'école, c'est aussi “ une idée de la société ”. Le ministre explique et justifie aussi son idée de “ morale laïque ” : qu'on se rassure, car ce ne serait pas une manière de faire la propagande de l’État auprès des élèves. Ce n'est pas “imposer des valeurs du Bien et du Mal, mais plutôt échanger des arguments. La morale laïque, c'est le raisonnement. ”. Cette description faite par le ministre ressemble furieusement à des cours de philosophie déguisés. Pas tellement étonnant de la part d'un ancien professeur de cette discipline.
Finalement, on peut constater que Vincent Peillon a énormément d'idées concernant la refondation de l'école républicaine. Certaines sont même des bonnes idées ! Mais comment réussira-t-il à réformer l'éducation là où tous ses prédécesseurs ont échoué ? Car l'écart entre les paroles et les actes est souvent important, et particulièrement en politique...
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