Billet de blog 31 octobre 2012

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J'ai passé ma 1° S sur un bateau

Naviguer sur les mers, explorer des terres inconnues, on en a tous rêvé. Mais un obstacle se dresse toujours sur ton chemin : les cours ! Échapper à ce supplice pendant une année entière semble impossible, pourtant Jonathan l’a fait ! Huit ans et quelques années de fac plus tard, il nous raconte son expérience (presque) idyllique.

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Naviguer sur les mers, explorer des terres inconnues, on en a tous rêvé. Mais un obstacle se dresse toujours sur ton chemin : les cours ! Échapper à ce supplice pendant une année entière semble impossible, pourtant Jonathan l’a fait ! Huit ans et quelques années de fac plus tard, il nous raconte son expérience (presque) idyllique.

Bonjour Jonathan, pourrais tu nous dire comment s'est prise cette décision de faire un « tour du monde » en famille et en bateau ?

Avec mes parents, on faisait du bateau depuis longtemps, pendant les vacances et la vie métropolitaine les ennuyait. Ils ont simplement dit : "On part ", on n'a pas réellement eu le choix mais on était ravi, c'était une opportunité phénoménale et unique.

Ton meilleur souvenir ?

De loin ça reste la traversée de l’Atlantique, un moment unique et très particulier: c'est le vide intersidéral autour de toi, il faut trouver des occupations, tu joues de la guitare, tu lis, tu penses.

Et puis, ce qu’on attend en tant qu'être humain pour être satisfait se retrouve considérablement rabaissé dans ce genre d'expérience. Par exemple, une fois, il a plu pendant trois jours d'affilée, on devait barrer sous la pluie car le pilote automatique ne marchait pas bien. J'ai fait une pause et je suis descendu dans le cockpit pour manger une crêpe : c’était la meilleure crêpe de toute ma vie !


Ta pire galère ?
L’escale aux Canaries. On devait aller à Grand Canaria et on a vu, un peu tard, qu'un cyclone approchait de l'île... Il fallait se mettre à l'abri au port, car au mouillage ton bateau ne résiste pas. Le temps que mon père aille négocier une place au port, sur le bateau, le vent commence vraiment à souffler, de très grosses vagues rentrent dans la baie, le bateau chahute, l'ancre chasse : elle ne retient plus le bateau, qui part à la dérive. Quand mon père revient, le bateau est à 10 mètres de s'exploser contre la digue !

Illustration 1

Direction le port, je commence à mettre les pare-battages (bouées) mais de l’eau entre dans les écoutilles ouvertes. Mon père lâche la barre et descend pour les fermer, du coup le bateau dérive et en face de nous, un bateau ! Je gueule « Papa qu'est-ce que tu fous ? » il monte super rapidement, il met un coup de barre, je ne sais même pas comment, et on est passé si près que j'ai vu la personne en face de moi qui me regardait avec des yeux genre « Vous allez me tuer ! ». 50 cm de plus et le voyage s’arrêtait là !

On rejoint le port, on se gare sur une place de fortune, la nuit passe, le cyclone passe : au matin, il y avait huit bateaux coulés dans le port.
Mais quand on regarde tout ça en arrière, on en rigole plus qu'on en pleure. C'est des trucs qui sont formateurs.

Et la scolarité dans tout ça, les cours par correspondance ?

Une 1ère S dans ces conditions, c'est dur ! Quand tu as le choix entre plonger dans une eau paradisiaque pour nager avec les tortues et travailler tes cours, la question ne se pose pas !


Tes parents, tu as réussi à les supporter 24h sur 24h, sans TV, sans ordi ! T'es devenu un ado extra-terrestre ou un ado terrestre-extra ?

Ce sont mes parents qui m’ont éduqué… On était habitué, et puis j’ai passé les 6 premiers mois juste avec mon père.

Évidemment on n'était pas toujours d'accord, mais on sait mettre chacun notre orgueil de coté, et ça s'est plutôt bien passé. Dans ce genre d'expérience, tu grandis vite, donc je n'étais plus un ado avec son père, j'avais le sentiment d'être sur un pied d'égalité. Après, avec l'arrivée de ma sœur et ma mère il a fallu un petit temps d'adaptation, elles venaient de métropole, avec leurs soucis, leurs prises de tête…mais elles ont très vite pris le rythme !

J’ai été tenté de rentrer avec elles après, de revoir mes potes et ma copine, mais traverser l’Atlantique avec mon père, c’était vivre une expérience de fou !


Du coup, dur de se réintégrer dans un lycée ordinaire après ce que tu as vécu ?

Non. Ce qui m’a fait bizarre c'était le mal de terre : après un an sur un bateau, à terre, j’avais la tête qui tournait, j’avais l’impression d’être bourré H24 pendant 3 semaines, c’était impressionnant !

Illustration 2

Quels conseils donnerais-tu à des jeunes s’apprêtant à vivre la même expérience?

Profite ! C’est un moment exceptionnel pour grandir, découvrir de nouvelles choses. Sois curieux ! Quand tu ressors d’une expérience comme ça, t’as dix mille longueurs d’avance sur les gamins de ton âge. T’as visité plein de pays, t’as vécu plein de galères et de situations humaines, c’est un moment où tu peux prendre de l’avance en terme de maturité, de vision du monde.

Et aujourd'hui ? Te sens-tu plus fort, plus beau, plus puissant quand tu te dis que tu as vécu des sensations inoubliables, vu des paysages à couper le souffle, franchi l'Atlantique seul avec ton père ?

Ça m’a apporté un million de choses, déjà d’un point de vue navigation. J’ai aussi appris des choses sur moi-même : seul, tu as du temps pour réfléchir, te recentrer sur ce que tu es, ce que tu veux faire. Plus facile à vivre qu’à raconter !

Propos recueillis par Marion Abecassis & Juliette Baillet,  Le P'tit Luther, lycée Martin Luther King, 77600 Bussy Saint-Georges. Dessin par Anna Le.

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