
Alors que la France vient de vivre l’été le plus chaud de son histoire, alors que les experts du climat ont lancé le 8 août dernier un cri d’alarme contre les conséquences catastrophiques de l’artificialisation des sols, le gouvernement et certains élus du Grand Paris s’entêtent à soutenir la construction sur des terres agricoles d’un gigantesque centre commercial et de loisirs : EuropaCity.
Le groupe Auchan, allié à un investisseur chinois, a jeté son dévolu sur les champs de Gonesse, à 15 kilomètres au nord de Paris. Situées entre les aéroports du Bourget et de Roissy, les terres de ce triangle agricole pourraient, si l’on ne fait rien, bientôt laisser la place à un complexe mêlant boutiques et hôtels de luxe, salles de spectacle et de congrès, centre aquatique climatisé, et même un « parc des neiges » - en fait une piste de ski artificielle sous hangar, comme à Dubaï.
Une gare sur mesure pour le groupe Auchan
L’ensemble, chiffré à 3,1 milliards d’euros, serait financé par la famille Mulliez, propriétaire d’Auchan, et le conglomérat chinois Wanda. A ce budget il faut ajouter la construction d’une gare du Grand Paris Express, promise par l’Etat pour assurer la desserte de ce projet entièrement privé, et d’une vaste zone de bureaux - alors qu’il y a trois millions de mètres carrés vides en Ile-de-France.
Cet été, malgré une contestation citoyenne qui s’amplifie, les travaux préparatoires au chantier de la gare ont démarré : une balafre géante a été tracée à travers champs, des canalisations ont été posées. Ces travaux sont d’autant plus absurdes que le PLU (le Plan local d’urbanisme) de Gonesse a été annulé par le tribunal administratif, qui l’a jugé contraire aux engagements pris par la France pendant la COP 21.
A l’ère du changement climatique, les sols de Gonesse, d’une fertilité naturelle exceptionnelle, représentent un atout stratégique : ce plateau limoneux, qui a nourri la capitale pendant des siècles, emmagasine d’importantes réserves en eau, réduisant ainsi les risques de ruissellement, d'érosion hydrique et d’inondations soudaines.
L’Ile-de-France, saturée de centres commerciaux, n’a pas besoin d’un nouveau temple du consumérisme. En générant encore plus de trafic aérien et encore plus d’embouteillages, le mastodonte EuropaCity générerait encore plus de bruit et de pollution pour les habitante.s - et encore plus de gaz à effet de serre pour nous tous.
Des promesses mensongères de créations d'emplois
Localement, un certain nombre d’élus, aveuglés par les promesses mensongères de créations d’emplois du groupe Auchan, continuent de soutenir ce projet d’artificialisation des sols. Nous savons pourtant que la grande distribution ne crée plus d’emplois : elle se contente de les déplacer - et de les détruire ailleurs.
Nous, citoyennes et citoyens indigné.es par le soutien apporté par nos représentants à ce projet destructeur du climat et de la biodiversité, révolté.es par cette tentative de passage en force, demandons l’abandon d’EuropaCity et de sa gare, financée sur deniers publics.
Nous appelons l’État à respecter les engagements pris lors de l’accord de Paris et demandons tout particulièrement au président de la République, qui se déclare partout champion de la lutte contre le changement climatique, de passer enfin des discours aux actes : il est plus que temps d’arrêter le bétonnage des sols, donc de stopper l’absurde projet EuropaCity et sa gare.
Renoncer à ce méga-complexe commercial, ce n’est pas abandonner le territoire. Au contraire, les 680 hectares du Triangle de Gonesse offrent une opportunité unique pour l’Etat et pour la région Ile-de-France de s’engager concrètement dans un projet ambitieux de transition écologique. Des métropoles européennes comme Milan et Barcelone ont prouvé que l’agriculture péri-urbaine pouvait être une source de prospérité pour un territoire. Des pans entiers de la population française, et tout particulièrement sa jeunesse, l’appellent de leurs vœux.
CARMA, un projet nourricier pour l'Ile-de-France
Il est temps d’organiser une véritable concertation sur l’avenir de la plaine de France. Il est urgent aussi d’examiner le projet CARMA, qui propose, pour un coût bien moindre qu’EuropaCity et sa gare, un centre de formation consacré à l’alimentation durable, des fermes de maraîchage et de céréaliculture, des vergers, de l’élevage, de l’horticulture, des jardins familiaux et associatifs, des conserveries et des brasseries. Un tel projet, qui embellirait le paysage d’un territoire malmené par les infrastructures de transport, permettrait aussi l’ouverture de sentiers accessibles aux promeneurs et aux sportifs et le développement d’un tourisme de proximité.
Le président Macron a récemment dénoncé la complicité du président Bolsonaro dans la destruction de la forêt amazonienne. Mais pourquoi alors se rendre complice de la destruction des dernières terres fertiles aux portes de Paris ? L’Etat français a aujourd’hui la possibilité de prendre une décision historique : il peut choisir dès maintenant de s’engager dans un véritable projet de transition écologique, pour proposer à la jeunesse francilienne l’accès à des emplois utiles, dans les filières d’avenir de l’agriculture péri-urbaine, de l’éco-construction, de la rénovation thermique des bâtiments et de la mobilité durable.
Or, pour le moment, ce sont les bulldozers du Grand Paris qui se profilent à l’horizon : les travaux de la gare, qui visent à rendre irréversible l’urbanisation des terres, pourraient reprendre dès le mois de novembre de cette année.
Nous, citoyennes et citoyens, ne pouvons nous y résigner : si le gouvernement persiste à vouloir nous imposer ce projet à la fois destructeur du climat et du tissu social, nous nous engageons à faire ce qui sera en notre pouvoir pour préserver ces terres, notre bien commun, et qu’il est de notre devoir de transmettre aux générations futures.
Pour signer la pétition :
https://europacity-nonmerci.agirpourlenvironnement.org/
Premiers signataires :
Clémentine Autain, députée de Seine-Saint-Denis
Geneviève Azam, essayiste, membre du conseil scientifique d’ATTAC
Delphine Batho, députée des Deux-Sèvres, ancienne ministre de l’Ecologie
David Belliard, conseiller de Paris
Juliette Binoche, comédienne
Christophe Bonneuil, historien des sciences, éditeur
Jacques Boutault, maire du 2ème arrondissement de Paris
José Bové, paysan, ancien député européen
Daniel Breuiller, vice-président de la métropole du Grand Paris
Dorothée Browaeys, auteure, journaliste
Marie-George Buffet, députée de Seine-Saint-Denis, ancienne ministre de la Jeunesse et des Sports
Simon Burkovic, adjoint au maire d’Arcueil
Xavier Capet, océanographe
Gilles Clément, paysagiste et écrivain
Eric Coquerel, député de Seine-Saint-Denis David Cormand, député européen
Pierre Dardot, philosophe
Karima Delli, députée européenne, présidente de la commission transports
Michel Dubromel, président de France Nature Environnement
Fabien Gay, sénateur de Seine-Saint-Denis
Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne
Raphaël Glucksmann, député européen
Rob Hopkins, fondateur du Mouvement des Villes en transition
Michel Isambert, ingénieur agronome
Yannick Jadot, député européen
Jean Jouzel, climatologue
Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France
Karim Lapp, président d'Agir pour l’environnement
Christian Laval, sociologue
Gilles Lemaire, militant écologiste altermondialiste
Corinne Lepage, avocate, ancienne ministre de l’Environnement
Albert Levy, architecte-urbaniste
Alain Lipietz, ancien député européen
Frédéric Lordon, philosophe
Céline Malaisé, conseillère régionale d’Ile-de France
Christian Métairie, maire d’Arcueil
Didier Mignot, conseiller régional de Seine-Saint-Denis
Fabrice Nicolino, journaliste, « Nous voulons des coquelicots »
Francis Palombi, président de la Confédération des commerçants de France
Michel Pinçon-Charlot, sociologue
Monique Pinçon-Charlot, sociologue
Dominique Potier, député de Meurthe-et-Moselle
Franck Pupunat, fondateur du mouvement Utopia
Marie-Monique Robin, documentariste
François Ruffin, député de la Somme
Ludovic Sanglier, maraîcher
Mounir Satouri, député européen
Pierre Serne, conseiller régional d'Ile-de-France
Danielle Simonnet, conseillère de Paris
Nathalie Simonnet, secrétaire fédérale du Parti communiste français de Seine-Saint-Denis
Bernard Stiegler, philosophe
Marie Toussaint, députée européenne, fondatrice de "Notre affaire à tous »
Henri Trubert, éditeur