« Le nouveau maire de Rome s’appelle Gianni Alemanno, ancien secrétaire national du front de la jeunesse du Mouvement social italien néofasciste, il appartient désormais au parti qui l’a succédé Alliance nationale membre de la coalition de la droite berlusconienne. La campagne municipale a largement insisté sur le thème sécuritaire et sur deux faits divers aux environs de Rome impliquant des suspects roumains issus de la communauté tzigane. Le premier, le décès le 30 octobre d’une femme de 47 ans , Giovanna Reggiani, à la suite d’une agression près d’un campement de Roms avait fait l’objet d’une incroyable couverture médiatique et récupération politique. Veltroni alors maire et fuur chef de la coalition défaite du centre gauche déclarait « l’état d’urgence contre les Roumains ». La fureur politico-médiatqiue fut aussi étourdissante que le silence des institutions européennes censées protéger le droit des minorités. Silence aussi des voisins européens qui naguère (en 2000) s’émouvaient encore quand le parti de Jörg Haider remportait les élections en Autriche. Des mesures exceptionnelles dites d’urgence furent prises par le gouvernement Prodi pour expulser des tziganes Roumains, alors même que la Roumanie est pays membres de l’Union européenne. Le second fait divers plus proche des élections impliquait le viol d’une jeune femme dans la banlieue de Rome et un suspect Rom. Alemanno a promis le "démantèlement des 85 campements roms de Rome" et "l'éloignement" de ceux qui y vivent (Le Monde du 26/04/2008). Le résultat des législatives et le succès inattendu de la Lega d’Umberto Bossi laissent présager de forts soutiens nationaux à cette politique anti-immigrée et anti-Rom, les Roms étant aussi au cœur des débats de politique locale au Nord de l’Italie, à Milan en particulier.Les Roms ne sont pas les seules victimes du « racisme ordinaire » en Italie, les albanais et les marocains pourraient en témoigner mais la question de la minorité Rom est au cœur du débat démocratique. On pourrait citer bien d’autres pays où les Roms font face à des discriminations y compris en France. Le gouvernement français s’est beaucoup servi des roumains pour remplir ses quotas d’expulsion et continue à en rapatrier de nombreux (voir l’article Mediapart de Carine Fouteau publié le 8 avril 2008 : http://www.mediapart.fr/journal/france/080408/roms-des-expulsions-qui-ne-disent-pas-leur-nom). De nombreuses associations ont fait appel à la Commission « garante du traité » qui doit faire respecter le droit à la libre circulation des personnes. La façon dont l’Europe parque dans des camps ou expulse les minorités indésirables est aussi dénoncée (www.migreurop.org).Dans de telles situations où les élus du peuple « discriminent » haut et fort, le rempart contre les mots et les actes ce sont les institutions nées après la deuxième guerre mondiale où les tziganes justement avaient été victimes du nazisme : les constitutions nationales, le Conseil de l’Europe avec la Convention européenne des droits de l’homme, le traité de l’Union européenne qui depuis 1997 inclut un article appelant à des mesures de lutte contre les discriminations. Historiquement, les institutions de protection des droits de l’homme étaient là justement en cas de retour de régimes autoritaires pour défendre les droits individuels et les minorités qui furent persécutés sous les régimes des années 1930.Force est de constater que le droit européen est bien lent, prudent et en fait inadapté pour faire face aux pratiques locaux et nationaux contre les Roms. Une coalition d’organisations non gouvernementales a lancé un appel en mars 2008 pour mettre les institutions de l’Union européenne devant leurs responsabilités, rappelant qu’il y a plusieurs millions de Roms dans l’Union européenne.En effet, le hasard du calendrier a fait que l’émergence des politiques antidiscriminatoires européennes et le processus de l’élargissement à l’Est de l’Union ont été concomitants. Du coup, les discriminations contre les Roms sont inclus dans un programme d'action et des lois cadres européennes –des « directives » approuvées en 2000 dans la foulée des élections autrichiennes— assez vastes puisqu’ils doivent protéger toutes les personnes faisant l’objet de discriminations au motif de race, l’ethnicité, la religion, l’orientation sexuelle, le handicap et l’âge (et dans un autre cadre juridique le genre).Peut-être que l’élection sur une plateforme anti-Rom d’un ancien néo-fasciste à Rome, ville de la signature du traité qui a fondé la Communauté économique européenne, réveillera institutions européennes et Etats membres. La situation des Roms interpelle en tous cas les « minorités en tout genre », et ceux qui se mobilisent en leur sein ou en leur nom. Vont-ils se montrer solidaires comme ce fut le cas des différents mouvements des « sans », ou les mouvements impliqués dans des causes intimement liées entre elles comme Act Up, le Gisti sur la question de l’expulsion des étrangers ? S’ils se sentent solidaires malgré la différence des revendications avec les Roms, sont-ils satisfait du système actuel du « one size fits all » où l’on inclut tout le monde dans le même régime juridique pour se donner moins de moyens pour améliorer la situation de chacun ?
Billet de blog 29 avr. 2008
Mairie de Rome, traité de Rome: que fait-on aujourd'hui pour la minorité Rom en Europe?
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Minorités en tous genres
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