Rentrée Littéraire : Maria Pourchet « Western «
Le septième livre de la quadragénaire Maria Pourchet , deux ans après « Feu », succès de librairie.
Alexis Zagner est un acteur de théâtre en vogue. Il s’apprête à jouer et à revisiter Dom Juan de Molière . Il est aussi investi dans les cours de théâtre, les examens de passage pour jeunes comédiens . C’est, lui même, un prédateur, un Dom Juan moderne, même s’il s’en défend, ou pire, n’a pas l’air de s’en rendre compte. Ni de s’en préoccuper vraiment. Non plus de la jeune Chloé, qu’il remarque, puis reluque, avant d’en tomber follement amoureux, et de s’en détacher pour la jeter sans élégance.
Aurore travaille à Paris, maman isolée d’un petit garçon, dans une grande entreprise de service, un de ces nouveaux métiers, un mix de numérique de relations humaines et de gouvernance de projets fumeux. L’après Covid se gère, mal pour elle, par le télétravail.
Nous suivons tout au long du livre les deux personnages, dans leurs interrogations, la remise en question approximative de leurs vies, de leur travail, le flash-back sur leur enfance. Ils se découvrent accidentellement et de façon improbable dans un Mas qui appartenait à sa mère récemment décédée . Sur les Causses. Dans des circonstances peu crédibles.
Relaté, ainsi, et de façon prosaïque nous sommes en réalité assez éloignés du propos de l’autrice, dont l’objectif est d’analyser, de déstructurer, de faire exploser en éclats irrécupérables le discours mâle dominant, soutien du comportement masculin qui va de pair.
POUR : le livre et l’écriture qui va avec est fascinant, brillant d’intelligence, de drôlerie sarcastique dans sa façon de jauger et de casser les rôles, sans mépris mais avec justesse, sans haine mais sans pitié, sans accuser mais sans pardonner. L’urgence de l’écriture, point fort du livre, confère à ce roman sur un Dom Juan moderne ( ou sur l’homme moderne??) la force digne d’un rouleau compresseur. Impossible qu’il s’en sorte. Inutile de combattre, de convaincre, de biaiser, cet homme (les hommes?) a déjà perdu. Pleutre , lâche, irresponsable, dévolu à sa propre et unique cause, personne, intérêt, image, possédé par sa névrose, sa cyclothymie ou sa schizophrènie (au choix ou les deux à la fois) il est perdu. Le face à face, tel un impensable duel dans un western spaghetti va tourner court pour lui. On reste médusé par tant d’intelligence, d’analyse et d’humour dévastateur de l’auteur , par la pertinence du style qui s’avère être l’outil ultime propre à démonter la mécanique bien huilée, de ce petit Dom Juan, qui frétille dans un monde antiquement patriarcal.
CONTRE ( mon alter ego) : on se perd vite dans une histoire improbable, où les égos tant masculins que féminins se regardent, se retournent et se contournent, et même si le drame est là, au coin du bois, ni homme ni femme ne ressort indemne de cette histoire. Pas d’empathie, pas d’espérance , pas de bonheur, pas d’amour surtout. Cet homme n’est pas amoureux, c’est un consommateur de tout ce que l’on voudra, de plaisir, de sexe, de femmes et d’hommes, de reconnaissance, d’imaginaire pervers , d’autosuffisance, de son art. L’idiot utile de son époque.
Le style est pesant, détestable, boursouflé ou déstructuré comme on voudra, comme on parle aujourd’hui d’un dessert ou d’une tarte qui ne trouve pas son nom. Il se veut moderne parce que l’autrice plombe de façon récurrente nombre de ses phrases, d’un « putain, con, bite ou salope » , ou de scènes sexuelles à volo. Certaines pages ou chapitres s’avèrent même incompréhensibles.
Après 200 pages foutraques et pour tout dire rébarbatives, on reprend espoir en retrouvant le fil du propos par une analyse percutante du discours masculin, au travers de SMS pléthoriquement utilisés par Alexis , ( on ne sait plus communiquer qu’ainsi) , pour hélas retomber dans les travers pénibles du livre. Pour basculer dans une fin invraisemblable , après avoir traversé 200 pages tout aussi peu crédibles. Pas sûr que l’autrice ait beaucoup séjourné sur les Causses ou l’Aubrac. En tous cas, elle ne sait en saisir ni la lumière, ni les odeurs et la beauté de ses paysages, qui ne parviennent jamais à faire de trouée dans un magma humain, égocentré , triste et pauvre à mourir. Enfin, l’analogie avec ce qui fait le titre, pourrait être tout aussi évident avec n’importe quel autre concept de n’importe quel registre. Le propos se suffisait à lui même, sans avoir besoin de l’alourdir davantage.
Ce livre sera , disputé et discuté. Même en chacun. Raison pour moi de le présenter ainsi. C’est un livre agaçant. Où suis je dans ce jugement ? Probablement, comme souvent, au milieu. Si je ne déteste pas, je n’aime pas non plus. Mais plus grave , je suis déçu. Pour dire les choses trivialement, je m’y suis beaucoup « emmerdé », regardant régulièrement à quelle page j’en étais pour mesurer ce qu’il me restait à lire . J’ai bien saisi le propos laborieux de l’auteur. Mais j’ai trouvé sa démonstration, lourde, manichéenne, et trouble dans ses perspectives. Et tellement triste au fond. Désolé, Maria Pourchet, je ne me reconnais pas , comme homme, dans ce monde.
« Le problème avec la violence psychologique, c’est qu’on peut. Le problème avec elle, c’est de lui avoir si longtemps donné d’autres noms. Comme passion, comme liberté. Le problème avec l’emprise, c’est son synonyme, l’amour, et le problème avec lui ce sont ses droits. Le problème avec la douleur c’est qu’elle veut faire savoir. Et alors le problème avec le scandale, ce sont ses conséquences. «
Que reste t’il du monde hommes/ femmes ? Y’a t’il encore de l’amour en ce monde, le sentiment amoureux existe t’il toujours ?
« Désirer la fusion avec l’autre, c’est désirer la garantie de sa sécurité dans l’unité, c’est l’endormir, l’autre «.
Est on à ce point désespéré pour écrire ce genre d’histoire ? Peut-être me répondra t’on que c’est ce que voulait l’autrice.
Mais, un regard, un baiser, l’effleurement des doigts, un serment amoureux, romanesque et romantique, tout ce qui fait la beauté et la profondeur de l’amour a été traité à l’arme lourde. Pas sûr que l’homme s’en remette. Pas sûr pour la femme non plus.
Discutablement recommandé.
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