Billet de blog 15 mars 2024

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L'appel vers Gaza : se rapprocher, mettre fin à l'horreur

Plein de monde ici que je rencontre a eu un appel, profondément dans son cœur, dans sa chair. Nous nous sommes rendus en Égypte avec l'idée, très forte, de Gaza: s'en rapprocher et mettre fin à cette horreur...

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Il y a quelques semaines, j'ai ressenti que je ne pouvais plus attendre, en faisant ce que je faisais : manifester, appeler au boycott, courir avec le drapeau... Tout ça devenait insoutenable. Il me fallait me rapprocher de la Palestine. 

Je ne dormais que peu, me réveillant en sursaut avec des monologues incessants dans ma tête : des monologues pour mes amis, pour les puissants, pour les musulmans, des textes à publier sur les réseaux… Je cherchais le message qui les ferait bouger. J'ai perdu six kg au moins, j'ai eu une éruption cutanée pendant des mois… 

Chaque jour, je faisais des actions supplémentaires pour la Palestine : je courrais avec le drapeau sur les routes de campagne habituelles, puis j’ai mis le drapeau palestinien et le keffieh pour les entraînements de course avec le club - ils ne voulaient pas - , puis je me suis mise à courir sur les routes passantes, puis j’ai rajouté le haut-parleur avec de la musique palestinienne. Un autre jour, je suis restée à agiter le drapeau au feu tricolore principal de ma petite ville avec de la musique, je dansais en agitant mon drapeau... 

Puis j'en ai fait un rituel quotidien : J'emmène mon fils à l'école, puis je passe une heure à agiter le drapeau palestinien au feu de la ville. Heures de pointe. En général les "Blancs" (j'en fais partie) sont sans réaction ou dans l'incompréhension. Quelques hostiles. Quelques soutiens. Et les Arabes et "Non-blancs" sont joyeux et encourageants. Ça me fait plaisir de leur faire plaisir. De nous rappeler qu'on n'est pas insensible. Qu'on n'en veut plus du racisme. Je ne supporte pas le silence, l'invisibilité. 

Quand j’avais demandé au petit magasin bio comment ils se positionnent car ils vendent des dattes israéliennes, la dame m'avait répondu “bien sûr que je suis au courant de ce qui se passe et concernée”. Et je lui avais demandé, "mais pourquoi on ne sait pas ce que vous en pensez ?!". Et à moi-même : "Pourquoi tout le monde reste discret ? Pourquoi ne nous disons-nous pas les uns aux autres qu'on veut préserver l'humanité ? Pourquoi plein de gens ne connaissent pas le drapeau palestinien ?”

Bref, je pétais un plomb, mais c'est la seule chose à faire si tu es sain d'esprit et de cœur ! Personne ne me fera croire que j'exagère. C'est le monde qui exagère de laisser passer ça. Après ça, on va devenir quoi ? Nous tous ! Partout ! Posez-vous la question. On va encore se mentir sur notre sincérité. Et nos enfants nous saurons hypocrites. 

Je n'avais jamais l'impression de faire assez pour arrêter cette horreur dont mes pays, les Etats-Unis et la France, sont coupables. Ils ont toutes les clés pour arrêter ça en un jour. Cela fait presque 160 jours. C'est sûr que je peux faire plus. Si des manifestations massives n'ont que peu d'effet, alors allons manifester notre soutien de plus près ! Je ressentais le besoin d'aller sur place, à Gaza ou à sa frontière, pour exiger son ouverture. J'ai pris des billets pour le Caire et j'y suis partie. Moi, quelques affaires et mon fils de trois ans dont je m'occupe seule. 

Je tombe sur des initiatives qui me motivent, des groupes qui veulent aller vers Rafah. Ils proposent, par exemple, d'accompagner les convois d'aide humanitaire par des convois d'humains humanistes, comme le “Cairo Convoy” (https://gazaconvoy.org/pressure) qui essaye de proposer ça et de le faire réellement. Ils attendent le moment propice. Ils attendent qu'on mette la pression sur les réseaux, dans les rues, afin qu'on laisse les convois humains accompagner l'aide humanitaire. 

Nous sommes quelques-uns à avoir eu cette idée d'aller en Égypte en essayant juste de nous rapprocher au maximum de la Palestine et d'aider concrètement, physiquement, ou d'amener de l'aide, de participer à lever le siège, participer de tout près à un cessez le feu. Ici, j'ai rencontré de merveilleuses personnes. Des gens qui ont été tellement touchés profondément qu'ils ont été obligés de venir. Ils ont eu le même appel à venir ici. C'est très beau... Et je sais que des gens vont nous rejoindre. 

Nous avons essayé avec une initiative de nous rapprocher de Rafah. Du Caire jusqu'à Ismaïlia, pas de soucis. Au-delà, c'est une zone militarisée. On ne peut pas rentrer sans laisser-passer spécial. N’étant qu’une vingtaine nous décidons de faire demi tour. Certains décident donc de trouver des Palestiniens par là - à Ismaïlia, au Caire - et on les aide comme on peut. On construit notre réseau. On cherche la prochaine action pertinente. On cherche les complices, le soutien, le moment, le chemin. Nous suivons l'appel, certains que c'est la seule chose juste pour nous et en espérant qu'il nous mènera vers une action utile et un rôle à jouer. 

On a cette idée d'aller jusqu'à Rafah, y manifester notre dégoût de l'impossibilité de livrer les camions d'aide, notre indignation de l'horreur perpétrée contre le peuple palestinien, maintenant et depuis des générations. Ou bien peut-être qu'on veut même entrer à Gaza, être solidaire de cette misère, de ceux qui subissent cette oppression? Je poursuis l'image de moi et mon fils jouant et chantant avec les enfants de Gaza. Je prie à Al Aqsa. Je vois la victoire de la paix et du droit. J'aimerais leur apporter une petite joie et de l'espoir. Ils m'apporteront bien plus. Je voudrais aller à Gaza y faire de nettoyage ou n'importe quelle tâche de la vie quotidienne qui aide et qui me permette d'apporter mon soutien réel au peuple palestinien, qui me permette d'être sur cette terre sainte avec eux. M'imprégner de leur beauté et de leur piété...

Voilà ce qui m'amène en Égypte, moi, Sarah. Les autres personnes que je rencontre ici ont aussi fait comme un saut dans le vide en venant ici. Ne sachant pas exactement ce qu'ils allaient pouvoir faire mais avec cette même volonté de chercher, de ne pas se résigner, d'être créatif, et avec la conviction que d'autres auraient la même idée...

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