L’Islam serait en guerre contre lui-même, et l’Occident en subirait les dégâts collatéraux. La pilule semble difficile à avaler lorsqu’on pense au 9/11, mais l’histoire corrobore cette thèse présentée par François Nicoullaud, diplomate, actuel président de l’Association Démocratique des Français à l’Etranger, et ancien Ambassadeur de France en Iran.
La thèse de François Nicoullaud est surprenante pour qui ne perçoit que de la part des médias, l’idée de guerre entre l’Islam et l’Occident. « Il y a un conflit de l’Islam contre lui-même dont l’Occident subit les dégâts collatéraux », déclare F.N.
Le diplomate reprend le fil de l’histoire afin de mieux nous faire entendre sa vision des choses. Il évoque pour l’Occident une nécessité de créer une menace. Après la chute du mur de Berlin et du bloc Soviétique, l’Occident doit justifier d’une nouvelle stratégie de défense. Cette idée fait naître une Littérature illustrée par Fernand Braudel, « Grammaire des civilisations » (1987), ouvrage qui inspira la théorie civilisationelle de Samuel Huntington dans un article publié dans la revue « Foreign Affairs » l’été 1993, intitulé « Le choc des civilisations ». S.H. y explique le fonctionnement des relations internationales afin de prédire l'avenir du monde après l'effondrement du bloc soviétique. Il s'appuie sur un découpage arbitraire du monde en de grands ensembles culturels. Par ailleurs, S.H. ne valide pas l’idée d’une civilisation universelle telle que Davos tente de l’affirmer en prônant le rassemblement des hommes autour de mêmes valeurs telles que la Démocratie, les Droits de l’Homme et le Libéralisme Economique, car cela ne rassemblerait qu’une infime partie de la population mondiale. Cette théorie est vivement critiquée par certains qui l’accusent de fortifier l’idéologie de la guerre contre le terrorisme. Après les attentats du 11 septembre 2001, un manifeste est signé par des intellectuels tels que Huntington et Francis Fukoyama, en faveur d’une guerre juste pour la défense de l’Occident. François Nicoullaud n’adhère pas à ce clivage civilisationnel tel qu’il est présenté, notamment par des figures françaises qu’ils citent : « Nicolas Sarkozy parlent de défi au sujet de la confrontation entre l’Islam et l’Occident, voulu par Al Qaïda », et « Rama Yade annonçait dans le journal Le Monde, que nous sommes à un tournant civilisationnel, ce sera eux ou nous ».
Que signifie « Civilisation » ?
Trop souvent, le terme de Civilisation fut lié au Colonialisme, et au Totalitarisme. Et l’Islam confondu avec l’Islamisme. F.N. rappelle à quel point la culture Islamique a apporté au monde, faisant référence à la Science, la philosophie, la Poésie…Le monde arabo-musulman a réellement vécu un âge d’or entre le VIII et le XIV ème siècle, « Un équivalent de notre siècle des lumières » rappelle F.N. Et c’est à partir de là qu’il y a eu interpénétration culturelle entre les civilisations d’Occident et d’Orient.
Les préjugés alimentent les conflits
Or, l’Histoire ne suffit pas à couper la tête aux préjugés, et ce, des deux côtés. F.N nous liste brièvement ces derniers. Du côté de l’Occident, on croit en une Démographie explosive des pays arabes alors qu’en réalité le taux de natalité baisse. On assimile le fanatisme à la Religion alors qu’il est un phénomène social. Du côté du monde arabe, on est vexé par l’ingérence constante de L’Occident dans les conflits (Israël et Palestine), on est triste d’avoir perdu la course à la modernité (Industrialisation). D’après François Nicoullaud, les Elites au XIX ème siècle ont échoué à faire profiter le monde arabo-musulman de la modernité en travaillant à leur profit au lieu de faire évoluer la société.
Une thèse apaisante
Revenons à la thèse de Nicoullaud qui sous-tend l’idée d’un conflit de l’Islam contre lui-même. Al Qaïda par exemple, ne veut pas envahir l’Occident, mais prendre le contrôle de l’Orient par le retour à la pureté mythique. De son côté, l’Occident doit assumer sa part de responsabilité dans l’embrasement des conflits au Moyen-Orient, et rappelons que c’est la première guerre mondiale qui a donné lieu à l’effondrement de l’Empire Ottoman, et que la seconde guerre mondiale à créer l’Etat d’Israël et ses frontières incohérentes.
Bien que F.N. identifie la crise civilisationelle comme longue, et entrevoit l’idée du déclin comme consubstantielle à la nature humaine, il reste toutefois optimiste, car l’Orient à du Pétrole et une Industrie dématérialisée. Il ne croit pas en l’option d’un repli sur soi comme le prône Huntington, ni en l’idée que la mixité culturelle produit le déclin, il croit plutôt en la fin des divisions entre les peuples, et cite pour conclure l’Ayatollah Al Sistani parlant aux Chiites d’Irak en ces termes : « Ne pas répliquer, ne pas considérer les Sunnites comme vos frères, mais comme vous-mêmes ».
D’après une conférence dite par François Nicoullaud au Centre Français de Culture et de Coopération du Caire, le 12 mai 2008.
Bibliographie : « Le turban et la rose », publié chez Ramsay.