Déposition d'AE2D dans le cadre de l'enquête publique de révision du PPI de Brest et de L'Île Longue



La préfecture du Finistère a ouvert, en toute discrétion, une enquête publique de révision du PPI - Plan particulier d'intervention - des installations nucléaires de la défense de Brest et de l'Île Longue, du 6 juin au 5 juillet 2013.
Son but : améliorer l'évaluation des risques et la prise en charge des victimes en cas d'accident nucléaire militaire.

Pas de danger, on maîtrise !
L'État cherche à limiter le risque dans le domaine de la sécurité routière (triangle obligatoire, alcootest, …), la sécurité alimentaire, sanitaire …, n'hésitant pas à avoir recours à des amendes en cas de non-respect de la loi. Et pourtant il nous fait courir des risques autrement plus graves en nous imposant les technologies du nucléaire civil et militaire.
Les citoyens, quant à eux, ne sont pas consultés, ni associés à leur propre sécurité.
Les conséquences sanitaires d'un accident nucléaire peuvent être pourtant considérables :
- une irradiation mortelle à plus ou moins court terme pour les travailleurs de L'Île Longue et du port de Brest, une irradiation aux conséquences plus insidieuses pour les populations et les générations futures ;
- une contamination de la région pour des milliers d'années : jardins et potagers contaminés, agriculture et pêche bretonnes anéanties, activités de plein air proscrites, … exode massif (les gens de Tchernobyl et de Fukushima n'avaient pas non plus envisagé de quitter la terre de leurs ancêtres) … bref, on oublie la vie d'avant !
A Tchernobyl et Fukushima, ils le disaient aussi : pas de danger, on maîtrise !!!
L'accident sur un réacteur nucléaire, un drame « hautement » improbable en France ?!
Après la catastrophe nucléaire de Fukushima, le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) déclare : "personne ne peut garantir qu'il n'y aura jamais un accident grave en France".
L'accident nucléaire de Fukushima, montre à l'évidence qu'en cas d'accident sur des chaufferies de navires équipés d'un réacteur nucléaire, le cercle d'un rayon de 3 000 m prévu dans le cadre du Plan particulier d'intervention (PPI) de Brest et de L’Île Longue, est très largement insuffisant. Les autorités nipponnes ont pris dès les premières heures des mesures (notamment d'évacuation des populations) dans un rayon de 20 km, ensuite largement élargi en raison de la dispersion des matières radioactives.
Ce type d'accident sur un réacteur nucléaire est décrit dans le PPI de Brest et de l'Île Longue en trois phases :
- diminution de la quantité d'eau du circuit primaire du réacteur nucléaire suite à une fuite ou une brèche de l'enveloppe du circuit primaire et à l'échec de la mise en œuvre des dispositifs de sécurité concernés ;
- dégradation de la réfrigération du cœur du réacteur nucléaire et perte d'intégrité de la gaine du combustible nucléaire sous l'effet de la puissance résiduelle ;
- défaillance partielle de l'enceinte de confinement.
Ce scénario du PPI ne fait donc que nous décrire, en termes choisis, la fusion du cœur d'un réacteur nucléaire suite à des problèmes de refroidissement, tels ceux que nous connaissons sur la centrale de Fukushima, au Japon, et dont nous ne pouvons encore qu'entrevoir les conséquences dramatiques.
A la lumière de cet accident qui, lui non plus, ne devait pas survenir, nous ne pouvons accepter dans le PPI l'affirmation que "Seul un enchaînement complexe de circonstances, hautement improbable, pourrait entraîner ce type d'accident qui constitue le scénario majorant pour le calcul du périmètre PPI".
Le drame de Fukushima était-il considéré comme "hautement probable" ?
De même, il nous apparaît simpliste, dérisoire et totalement irresponsable de limiter les conséquences potentielles d'un "accident d'arme" (même réduit selon le scénario officiel, à l'incendie d'un lanceur accompagné de diffusion de plutonium), à un cercle de 2 875 m de rayon.
Qui peut garantir l'absence d'explosion projetant des substances radioactives dans un rayon bien plus vaste ?
Des préconisations officielles concernant les périmètres de « mise à l’abri », mettent pourtant en cause leurs dimensions en reprenant le texte sur la « doctrine nationale pour la gestion post-accidentelle » qui recommande à l’État d’intensifier le processus de préparation et qui suggère que « les périmètres pourraient aller d’une dizaine à plusieurs dizaines de kilomètres » (alors qu’ici on réduit de 125 m !).
Nous osons encore moins imaginer les conséquences d'un accident déclenchant une réaction nucléaire sur un missile, risque écarté radicalement par la Marine nationale en 2009 : "Un accident de type proprement nucléaire n'est pas possible du fait des mesures prises lors de la conception et la conduite d'exploitation des armes nucléaires" (CLI 2009), puis tempéré en 2010 : "la conception des armes nucléaires est effectuée avec le maximum de précautions dans le but d'écarter un tel accident" (CLI 2010), que les autorités se sont refusées à envisager, au motif du "degré de protection mis en œuvre dans le domaine nucléaire, civil ou militaire qui est de haute qualité".
Ce degré de protection était-il moindre au Japon ou aux USA (accident nucléaire de Three Mile Island en 1979) ? A-t-il empêché que nous frôlions à plusieurs reprises des accidents graves dans les centrales nucléaires françaises ? Peut-on exclure totalement la possibilité d'un attentat ? Le Président de l'ASN est-il un catastrophiste patenté ?
Le drame toujours en cours au Japon démontre que les autorités ont largement sous estimé la probabilité et les conséquences ont été sous-estimées par les autorités.
Un PPI simpliste, largement insuffisant et dans l'illégalité
Le plan particulier d'intervention de Brest et de l'Île Longue est en date du 13 décembre 2005.
L'article 8 V du décret 2005-1158 du 13 septembre 2005 prévoit qu'une révision du Plan particulier d'intervention doit intervenir "au moins tous les cinq ans". En dépit de l'annonce de cette révision au cours de l'année 2010, force est de constater qu'elle n'est pas intervenue dans les délais prescrits et qu'elle a été repoussée à 2013. Nous nous étonnons de ce retard, voire de l'illégalité dans laquelle se trouve l'exploitant, ce qui ne nous semble pas témoigner en faveur d'un "haut degré de protection" des populations.
Si nous regrettons de n'avoir pas été associés à l'évaluation de l'essai de deux nouvelles sirènes d'alerte radiologique à Brest le 12 janvier 2011, dans le cadre du Plan particulier d'intervention, les reportages diffusés par les médias ont été suffisamment éloquents pour montrer l'absence totale de réaction des habitants face au déclenchement de ces sirènes. Cela nous amène à poser un certain nombre de questions importantes en cas d'accident :
- les sirènes PPI seront-elles audibles et reconnaissables par tous ?
- 3 signaux sonores de 1 mn et 41 secondes :
- quel habitant de l'agglomération brestoise en est informé ?
- quel habitant aura un chronomètre en main ?
- comment sera prévenu le reste de la population ?
- comment se comportera la population qui n'a jamais lu la plaquette ?
- quelles dispositions sont prévues pour les communes environnantes ?
Quand les conditions seront-elles assurées pour un exercice de simulation d’accident qui n’a encore jamais eu lieu, ni été programmé à Brest ?
Tout va très bien, Madame la Marquise !
Dans le bilan annuel de la CLI, les militaires restent sur la ligne habituelle du « tout va très bien Madame la Marquise ». Les représentants des services de l’État et leurs alliés (c’est-à-dire la quasi totalité des membres) y voient surtout un moyen de faire grandir dans l’opinion publique le niveau d’acceptabilité du nucléaire en faisant valoir des prétentions de transparence, d’excellence, de sûreté dans un enrobage de mensonges et de dissimulations au nom du secret défense : vouloir rassurer, voire « anesthésier » !
Pourtant les hypothèses d'un risque de fusion de combustible avec rupture des « barrières » ont été officiellement prises en compte au cours de la précédente CLI. On apprend juste qu'il est donc proposé des mesures « en rapport ».
Pendant ce temps-là, les demandes associatives exprimées à la CLI restent lettre morte et beaucoup de questions sont éludées ou restées sans réponse :
- Les témoignages des personnels touchés par le cancer : non pris en compte...
- La demande que des représentants des personnels travaillant dans l'environnement proche des armes nucléaires siègent à la CLI : rejetée.
- L'étude commandée au laboratoire l'ACRO par la CLI sur le contrôle de la pollution de la rade n'a pas permis la recherche de tritium, faute de crédits suffisants.
- A la demande : pourquoi le laboratoire de la marine, si moderne et pas démuni, n’en trouve pas ? Pas de réponse.
- A la remarque qu’il y avait plus de césium autour de L’Île Longue qu’ailleurs (facteur 3). Réponse des élus « sollicités » : il y a un phénomène de courant qui le «concentre » !
- A la demande qu’il y ait une réunion publique pour respecter la démocratie et l’esprit de la « Convention d’Aarhus », les co-présidents répondent : vous représentez le public ! Les traités et lois qui préconisent un accroissement de la participation des citoyens nécessitent des décrets d’application qui mettent du temps à être publiés !
- A la demande d'exercice d'alerte avec mise en calfeutrement des logements, évacuation et le transport des populations : pas de réponse.
Quel budget pour l'armement ?
Le programme pour doter les sous-marins de nouveaux missiles M51 s'élève dans sa globalité à plus de 11 milliards d'euros. Un budget qui interpelle en temps de crise.
Quel budget pour la protection des populations ?
Les quelques mesurettes proposées ne devraient pas grever le budget de l'État :
- un périmètre de sécurité de 3 000 m (ramené à 2 875 m en 2012, pourquoi ?)
- la distribution de quelques pastilles d'iode est une mesure insuffisante et dérisoire.
A quand une véritable politique de prise en compte du risque nucléaire à Brest et à L'Île Longue ?
Des vies plus précieuses que d'autres ?
N'oublions pas que, pendant la Guerre Froide, un abri anti-nucléaire (l'Abri Sadi Carnot) avait été aménagé pour l'État-major, sans tenir compte des populations, démontrant déjà que certaines vies sont plus précieuses que d'autres ! Aujourd'hui, l'État-major de la Force Océanique Stratégique, composante principale de la force nucléaire stratégique, possède encore un abri anti-nucléaire sous le château de Brest. Mais quelle protection est prévue pour la population ?
Pas de leçon tirée de l'échec de l'essai du Missile M51
L'échec de l’essai du Missile M51 par le Triomphant le 5 mai dernier, aurait dû entraîner des interrogations, des remises en cause sur la poursuite du programme nucléaire militaire et sur son fonctionnement.
Violation du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP)
A L'Île Longue, la France viole le TNP qu'elle a signé en 1992 comme 188 États.
La course à la modernisation va se poursuivre, avec la mise en œuvre de deux autres versions de ce missile d'ici 2020, encouragée par les experts et les industriels, dans la mesure où elle assure la pérennité des bureaux d'études de ce secteur de l'aérospatiale.
Cette politique de modernisation vient une nouvelle fois d'être décriée par de nombreux États à l'ONU fin avril 2013 à la conférence du Traité de non prolifération nucléaire (TNP). Ils estiment que cette course à la qualité est contraire à l'esprit du (TNP) et ne respecte pas la mesure n°3 du Document final de la Conférence d'examen de 2010 du TNP : "Les États dotés d'armes nucléaires se doivent de redoubler d'efforts pour réduire et, à terme, éliminer tous les types d'armes nucléaires".
En conclusion :
Nous dénonçons une nouvelle fois un état de fait qui illustre une nouvelle fois la sous-information et l’état d’anesthésie de la population dus au manque de transparence et à la pratique du secret et de la dissimulation.
L’état d'impréparation des populations face au risque nucléaire résultant de la présence d'installations nucléaires de base secrètes à Brest et à L'Île Longue, ainsi que l'inadaptation du Plan particulier d'Intervention aux risques réels liés à la présence de ces installations sont une nouvelle fois avérés.
Nous avons eu l'occasion de faire part à de multiples reprises de notre opposition à la reconduction à l'identique, dans le plan révisé, des facteurs de risque que nous estimions minorés.
Aujourd'hui, cette définition des risques à l'identique nous paraît encore plus inacceptable, à la lumière de l'accident nucléaire survenu au Japon et de ses conséquences.
http://www.ae2d.infini.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=16659&Itemid=1
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Article du Télégramme : http://www.letelegramme.fr/local/finistere-nord/brest/ville/risques-nucleaires-il-faut-faire-de-la-prevention-04-07-2013-2159985.php