Beaucoup de débats et d'excitation courent sur le web et dans la presse américaine, à propos des sondages de ce début de semaine, plusieurs d'entre eux (Gallup/USA Today) donnant John McCain devant Barack Obama avec quelques points d'avance. Il est toujours bon de rappeler : 1) que les sondages nationaux n'ont quasiment aucune valeur dans une élection qui se joue État par État ; 2) que le "rebond" (bounce) d'un candidat est classique à la fin de sa convention. Si l'on veut rentrer dans les détails, Gary Younge, le chroniqueur du Guardian de Londres, explique merveilleusement bien les choses en quelques paragraphes très brefs. Pour ceux qui ne lisent pas l'Anglais, je vais me contenter de paraphraser son analyse.
Premier point : même si les deux tiers des Américains pensent que le pays va dans la mauvaise direction, ils ne sont pas tous d'accord pour aller dans la même direction. Et même si George W. Bush n'est plus soutenu que par un tiers des Américains, cela signifie quand même qu'un tiers du pays n'en fait qu'à sa tête, et votera probablement pour le candidat conservateur.
Deuxièmement, si l'on se base sur les analyses et les sondages État par État, Obama possède un gros cran d'avance sur son rival. Le candidat démocrate mène le bal dans tous les États remportés par John Kerry en 2004 et il est compétitif dans au moins une demi-douzaine de ceux remportés par Bush en 2004. Autrement dit, selon Gary Younge, Obama se bat sur le terrain de McCain, et non l'inverse.
Troisième point : la force d'Obama tient dans son escouade de militants locaux qui incitent les gens à se déplacer pour voter. Ils ont fait la différence lors des primaires (même quand les sondages le donnaient perdant), et tenteront de le faire le jour du scrutin, mais leur action est effective « à la dernière minute » et elle n'apparaît pas dans les sondages - la campagne de Bush en 2000 et 2004 a mené le même genre d'opération commando.
Quatrièmement, il ne faut pas sous-estimer la réticence des électeurs blancs à ne pas voter pour un candidat noir, même s'ils ne l'admettent pas aux sondeurs. On appelle cela l'effet Bradley : je dis une chose publiquement et j'en fais une autre dans le secret de l'isoloir. De plus, l'électorat d'Obama se recrute beaucoup chez les jeunes, qui votent traditionnellement moins que leurs aînés.
En conclusion, il est urgent d'attendre et de ne pas s'exciter à la vue d'un sondage ou d'un autre. Ce qui compte c'est la tendance sur le long terme, et les enquêtes d'opinions locales.