Existe-t-il des rugbyphiles abonnés à Mediapart? Alors que s'ouvre la coupe du monde de rugby ce vendredi, que tous les lève-tôt, décalage horaire avec la Nouvelle-Zélande oblige, se manifestent. Commentaires de match, analyses décalées et récits amusés sont attendus! Pas de place ici pour le chauvinisme, seul prime le beau jeu, le cuir qui chante et les combats d'avant enflammés.
Et pour amorcer la pompe à contributions, que nous espérons nombreuses (pour devenir rédacteurs, cliquer ici puis sur "devenir rédacteur"), voici un petit bréviaire pour néophytes, désireux de se retrouver malgré l'heure matinale (les matchs auront lieu entre 4h30 et 10h30 du matin) autour d'une bonne bière. Idéal au moment de tremper son croissant dans la Guiness, histoire de faire illusion et de «se la péter au pub», alors que même les aficionados les plus avertis de l'ovalie sont encore en peine de comprendre la totalité du règlement du jeu de rugby. Ou plutôt du «rubi», en roulant le r, si on veut faire vraiment puriste.
La liste n'est pas exhaustive, loin de là, et s'inspire pour parti du jargon du grand Pierre Albaladéjo, joueur puis commentateur passionné des matchs ayant rythmé notre enfance. A vous de la compléter...
«La Cabane est tombée sur le chien...»
Se dit généralement après un énième essai d'une des deux équipes, synonyme de victoire assurée pour elle et d'abandon de tout espoir pour l'autre.
«... Mais le chien n'est pas mort!»
Toutefois, l'expression peut se compléter, en cas de retour immédiat et imprévu au score de l'équipe laminée. On peut alors évoquer aussi à ce moment «le second souffle» ou «la meilleure préparation physique» du XV revenant.
«Les mouches ont changé d'âne»
S'emploie quand le cours du score s'inverse et qu'une équipe dominée reprend le dessus.
«Le cochon est dans le maïs»
S'utilise quand la débandade s'annonce pour l'une des deux équipes, généralement celle que l'on supporte. Peut s'accompagner d'un bruyant «On met les barbelés, les Bleus!»
«Quel beau cad-deb'!»
Expression familière du «cadrage débordement», soit la percée d'un attaquant en zig-zag, voire en angle droit, qui contourne le défenseur le plus proche.
«Un Deux contre un d'école»
Phase d'attaque classique, mais pas évidente à jouer, consistant à passer la balle au bon moment, après avoir «fixé» le défenseur, sans que ce dernier n'intercepte. Peut s'accompagner de la définition préalablement apprise par cœur, qu'en donne l'excellent Serge Simon: «Situation de jeu diabolique qui peut entraîner de graves troubles neurologiques chez les avants». (in «On est pas là pour être ici», dictionnaire absurde du rugby -Editions Prolongations)
«Le Crunch»
Surnom d'un match entre la France et l'Angleterre. Une opposition qui devrait cette année survenir dès les quarts de finale, et dont le résultat marquera la réussite, ou pas, du XV de France dans la compétition
«Sorry good game»
A n'employer que si on a un Anglais assis à côté de soi et que la France vient de battre l'Angleterre. Il s'agit d'une allusion à la sentence prononcée par l'insupportable Will Carling, capitaine du XV de la Rose, à la fin de chaque Crunch perdu par les Bleus. Si vous êtes normalement constitué, vous devez essayer de le faire sérieusement, avant d'exploser d'un rire gras, encore plus méprisant que ne pouvait l'être Carling à l'encontre des Froggies. Si le même anglais vous le lâche à la fin d'une défaite contre la France, deux choix possibles: partir avant la fin, ou réfléchir à l'option d'une «belle générale» dans le rade...
«Oh ! la belle Générale»
Le moment réjouissant pour qui n'aime pas le politiquement correct. Quand la bagarre générale se déclenche (souvent après qu'une mêlée se soit relevée), ne pas hésiter à crier «Mailloche!» ou, si l'on est d'un caractère plus flegmatique ou avec des gens plus mesurés, prononcer calmement: «On a ouvert la boîte à gifle».
Cuir
Nom donné par les rugbyphiles au ballon. S'emploie notamment dans l'expression «il faut faire chanter le cuir», soit jouer un rugby d'attaque, en multipliant les passes. On peut aussi dire l'ovale ou l'ovoïde, la béchigue ou la rogne...
«Y a hors-jeu, là!»
S'emploie généralement quand on n'a pas compris quelle faute vient de siffler l'arbitre. Une fois sur deux, ça marche.
Latte
S'utilise pour qualifier le deuxième ou troisième ligne (numéros 4 et 5, ou 6,7,8). On dit alors «le deuxième latte» ou le «troisième latte». Ça ne veut pas dire grand chose, mais ça fait genre...
On peut aussi entendre l'expression «il va lui mettre une grosse latte dans la gueule!», mais ça n'a à ce moment-là aucun lien avec le numéro du maillot.
Une 89
Tactique de jeu qui paraît compliquée mais qui est en fait très simple. En mêlée, le troisième latte centre (le n°8) s'empare du ballon et, avant de percuter le défenseur adverse, passe la balle au demi-de-mêlée (le n°9). Il existe aussi la tactique 98. Si vous ne la trouvez pas toute seule, vous pouvez abandonner la lecture de ce lexique.
Cocotte
Quand un maul, c'est-à-dire une mêlée ouverte, c'est-à-dire un gros paquet de mecs collé à un gros paquet d'adversaires, progresse de plusieurs mètres. On peut alors dire «quelle belle cocotte!» ou «quelle belle tortue!». Si l'on est d'humeur chantante, on peut entonner «Allez-y, pousser, pousser, les avants de Bayonne». Mais il faut d'abord s'assurer que l'assistance est aussi alcoolisée que vous.
5/8ème
S'emploie au moment où le premier trois-quart centre (le n°12) s'empare du ballon après deux passes, puis qu'il met un grand coup de tatane dedans et qu'il trouve une belle touche. Après avoir laissé le bar lâcher son «ouuuuuuh, la belle touche», il suffit de déclarer: «c'est une bonne idée d'avoir fait jouer machin en 5/8e». Pour la petite histoire, c'est le terme employé en Nouvelle-Zélande pour qualifier celui qui se trouve entre le ½ et le ¾, donc le premier centre.
«Ooooh la belle ogive que voilà!»
Quand un joueur a gratifié l'assistance d'un grand coup de pied, et que celui-ci se termine en touche. Si la touche n'est pas trouvée, une occasion de relance est offerte à l'adversaire. Donc, mieux vaut se taire.
Eponge magique
S'utilise quand un joueur reste au sol. Durant cette phase de jeu, on peut dire: «ça doit être sérieux, on n'est pas au foot!» ou «on lui a éteint la lumière!» Une fois que le soigneur a accouru auprès du bois mort, on peut alors se fendre d'un «allez, un coup d'éponge magique et ça repart!»
Cathédrale
Sorte de plaquage impressionnant, qui voit le plaqué soulevé par le plaqueur, voir ses jambres passer par-dessus tête, et retomber lourdement. On peut alors hurler «CATHEDRAAAAAAALE!» et enchaîner par un «il lui a fait voir les Alpes !» ou «les Pyrénées !», selon d'où l'on vient et de qui vous entoure. Quand le joueur ne décolle pas les pieds du sol, il faut alors crier: «Ouh le beau bouchon!» Marche aussi avec «tampon» ou «ramponneau». Si le plaqué arrive lancé et est arrêté net, on peut vociférer: «Arrêt-Buffet!!!»
Porte de saloon
En sens inverse, quand un plaqueur se fait balayer en essayant de plaquer un attaquant lancé. On peut lancer un judicieux et imagé «il l'a transformé en porte de saloon!»
«Oh la belle marguerite»
Surnom d'une belle poire ou mandale envoyée sous la mêlée. La marguerite sort de terre et on ne la voit généralement pas éclore.
«A Sochaux, à Sochaux!»
Ne s'emploie que si l'on regarde le match avec des personnes âgées, car l'expression date un peu. Se crie au moment où un joueur décide de poursuivre une action au pied, à la manière d'un footballeur. Pourquoi Sochaux? Peut-être car on est vraiment sûr que le professionnalisme n'amènera jamais le rugby dans le Doubs...
«Aller à Dame»
Quand un joueur «file dans l'en-but adverse» et qu'il marque un essai, on dit qu'«il va à Dame». On peut également la jouer plus christique, en s'exclamant: «il va en terre promise!»
Pilard
Comme pour les deuxième et troisième «latte», plutôt que «ligne», on préfèrera l'usage du mot «pilard» pour parler des piliers. On peut aussi dire «quelle belle pile!»
Pizza
Il ne s'agit pas du met préféré des aficionados de rugby (on n'est pas au foot, on préfère le confit ou le cassoulet). Mais plutôt d'un mauvais lancer en touche de la part du talonneur. On s'exprime à ce moment-là: «mais quel pizzaïolo ce talon! Il a encore envoyé une Royale». Marche aussi avec «parpaing», sans que pour autant l'on n'use du terme de «maçon». Autre variante, la fameuse «passe dans les chaussettes», surtout l'œuvre du n°9 à destination de son ouvreur (le numéro 10).
«Il a les clefs du camion»
S'emploie généralement pour un demi de mêlée (le n°9) qui a l'autorité sur son pack, c'est-à-dire les huit avants qui constituent la mêlée, représentant là "le camion". On reconnaît généralement cette autorité à sa capacité à «claquer le cul des gros».
«Il faut remettre l'Eglise au centre du village!»
Quand le jeu est trop débridé, et que cette désorganisation n'amène à rien de bon, le «rugby champagne» montre ses limites. Il faut alors «remettre l'Eglise au centre du village», soit «revenir aux fondamentaux». Trouver une touche pour faire souffler tout le monde, ou «enterrer le ballon» avec ses avants, car «tout commence devant». Marche aussi en version laïque et républicaine: «remettre la mairie au centre du village».