Billet de blog 14 mars 2015

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Un Concombre Masqué et... Chargé !!!

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Bonjour les Aficionados.

Je sais que je vais provoquer quelques crises de larmes et suicides parmi mes fans mais, malheureusement, je ne pourrai pas commenter le match du Tournoi des VI Nations de dimanche opposant l'Italie à la France car je serais en train de m'occuper de l'équipe que j'entraîne et qui joue également au même moment (mais pas au même endroit ni au même niveau), donc vous ne pourrez pas bénéficier de mes "lumières" rugbystiques.

J'espère quand même que le XV de France relèvera la tête et nous sortira une partie d'un autre niveau que dernièrement afin de finir le Tournoi en beauté et pourquoi pas se redonner un moral avant d'aller affronter le Bouledogue Anglais sur ses terres de Twickenham, Bouledogue Anglais dont on a vu les limites face au Poète-Guerrier Irlandais...

Alors, Haut-les-coeurs et Alegria !!!

Cela étant dit, je vais quand même vous faire part de mon sentiment concernant le dernier ouvrage de Pierre Ballester, à savoir "Rugby à Charges-l'enquête choc" paru dernièrement aux éditions de La Martinière.

Ouvrage qui a fait un peu de bruit dans le landerneau rugbystique mais sans provoquer l'ouragan médiatique escompté non-plus car quelques personnalités du rugby avaient déjà allumé des contre-feux avant la parution dudit bouquin.

Tout d'abord, le lien vers l'incontournable fiche kikipédiesque de Pierre Ballester pour vous le présenter :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Ballester

Pertsonnellement, je le connaissais pour avoir lu son fameux "L.A. Confidentiel" quand il était sorti, bouquin que j'avais trouvé excellent, notamment le chapitre où un physicien associé à des spécialistes de l'effort et notamment des filières aérobies et anaérobies avaient analysé de manière scientifique et rigoureuse la performance de Lance Armstrong sur la totalité de l'une de ses fameuses montées vers l'Alpe d'Huez.

Analyse qui avait démontré qu'il était physiologiquement impossible pour un homme, même superbement entraîné, de déployer l'énergie nécessaire au développement d'une telle puissance sur le temps de la montée qui est d'un peu moins de 40 minutes (record pour le regretté Marco Pantani avec 37'35" à 23,08 km/h) sans l'apport d'une "aide" extérieure, en l'occurence exogène, autrement dit "chargé comme un mulet".

Si je me rappelle bien, la puissance nécessaire pour réaliser cette performance équivalait à celle déployée par un coureur de 400 mètres pendant sa course sauf qu'un 400 mètres c'est à peine plus de 40" d'effort (les athlètes finissent d'ailleurs en tas et plein jusqu'aux oreilles d'acide lactique et merci à Joël Martin au passage pour la rectification) et qu'il faudrait maintenir la même performance 60 fois de suite sans récupérer pour réaliser l'ascension vers l'Alpe d'Huez...

Sans commentaires...

Et c'était vraiment ce chapitre très pointu qui était convainquant dans le livre consacré à Lance Armstrong car les autres chapitres contenaient essentiellement des témoignages qui sont toujours soumis à interprétation et/ou à dénégations et témoignages inverses et ont donc besoin de preuves irréfutables pour être vraiment recevables même si personne n'est dupe.

Je m'attendais donc à trouver un chapitre consacré à la démonstration scientifique démontrant imparablement "l'aide exogène" dans l'amélioration des performances physiques des joueurs de rugby.

Il y a bien un tel chapitre consacré à la prise de poids et de muscles très rapide mais malheureusement rien d'aussi scientifiquement indiscutable que la magistrale démonstration du livre consacré à Lance Armstrong car les avis des spécialistes (médecins-nutritionistes et autres spécialistes de l'effort) sont assez partagés même si certains cas semblent quand même leur poser question.

Maintenant, je comprends leur prudence car on se retrouve vite avec un procès sur le dos et, hormis les joueurs qui se sont faits gauler par la patrouille anti-dopage, sans preuves formelles, mieux vaut être prudent.

Donc le chapitre "scientifique" est moins convaincant mais c'est quand même compréhensible car la performance individuelle du rugbyman est noyée au-milieu d'un collectif contrairement à celle du cycliste qui est seul sur la route pendant son ascension et dont la performance est bien plus aisément mesurable.

Concernant les chapitres consacrés aux témoignages divers, même si tout le monde est très prudent, on sent quand même bien que l'arrivée du professionalisme a changé les mentalités, notamment parce que le rugby permet aussi maintenant de s'en sortir socialement (voir les joueurs des fameuses banlieues chaudes qui commencent à émerger) même si les salaires y sont bien moins élevés que chez les cousins du football, donc, gare aux dérives inhérentes au professionalisme, notamment chez les jeunes joueurs qui seront fragilisés et prêts à tout pour réussir...

Les mécanismes sont bien décrits dans le bouquin qui explique également bien la différence entre le rugby de papa (le mien) et celui de maintenant.

A mon époque de joueur (des années 70 jusqu'en 1997 et le rugby français est devenu pro en 1995), on s'entraînait 2 soirs par semaine, 3 maximum même pour les joueurs de 1ère division car on bossait tous à côté, maintenant c'est tous les jours matin et après-midi et les mecs ne font plus que ça chez les pros donc, naturellement, la performance s'est améliorée au fil du temps mais il reste vrai que certaines progressions hyper-rapides interrogent quand même quelque part au niveau du vécu.

Concernant le rugby de papa, le bouquin revient sur quelques affaires ayant un peu défrayé la chronique à leur époque, notamment le fameux match France-All Blacks de novembre 1986 à Nantes où les Blacks s'étaient fait pulvérisés par les Bleus (16 à 3) alors qu'ils nous avaient eux-même pulvérisé une semaine plus tôt (19 à 7), ce qui est sans doute une partie de l'explication de la révolte de la semaine suivante, mais pas que...

Je me rappelle bien du match que j'avais suivi à la TV et effectivement, ça n'avait pas fait dans la dentelle niveau violence, l'immense Wayne Shelford ayant dû se faire poser des points de suture sur les roubignolles suite à un piétinement sauvage du pack Français, bref, un vrai poème...

Remarquez, les Blacks s'en étaient souvenus et nous avaient rendu la monnaie de notre pièce un an plus tard lors de la finale la 1ère Coupe du Monde en 1987, finale durant laquelle ils nous avaient infligé un indiscutable et sévère 29 à 9...

Pour en revenir à Nantes, le bruit avait couru à l'époque que l'ordinaire du repas d'avant-match avait été amélioré au Maxiton (amphétamine) et que cette pratique était assez en vogue en ces temps bénis dans certains clubs Français histoire d'ajouter encore à la "motivation" déjà naturelle du joueur...

Vous vous attendez peut-être à ce que je vous livre mon expérience personnelle sur le sujet, bande de petits malins que vous êtes ?

Allez, 2 expériences :

1. Fin des années 70, un derby à jouer en 3ème division (ça s'appelait comme ça à l'époque) donc motivation au top, on était tous remontés comme des pendules et voilà t'y pas que l'entraîneur, venu d'un grand club de 1ère division voisin que je ne citerais pas nous sort du Guronsan (interdit car considéré dopant) à s'enfiler à la fin du repas.

Bon, c'est pas non plus de l'EPO, juste de la caféïne concentrée mais enfin, ça fait son petit effet comme vous allez le voir.

J'ai toujours été prudent avec ce genre de produits donc je me contente d'un cachet effervescent par contre mon pilier gauche (je jouais talonneur), qui n'avait pourtant pas besoin de ça niveau méchanceté et excitation, s'en enfile 5 ou 6 dans un verre d'eau !!!

Plus on s'échauffait, plus il rougissait et plus il montait en pression, une vraie cocotte-minute, le match commence et au premier regroupement, ce con enfile un monstrueux coup de pompe à un joueur au sol et devant l'arbitre en plus !!!

Ce n'était pourtant pas sévère à l'époque (pas de cartons blancs, jaunes ou rouges) mais l'attentat était quand même sanctionné par l'expulsion immédiate et ça n'a pas loupé, dehors l'ami Chmil (c'est son surnom) !!!

On a fait tout le match à 14, on l'a perdu, mon abruti de Chmil a pris 6 mois de suspension (pas cher payé) et n'a pas dormi pendant 2 nuits !!!

Résultat : fin de la période Guronsan !!!

Pour le chichon et autres produits dits récréatifs, on observera un silence pudique...

Derrière l'anecdote, c'est quand même la démarche qui est à analyser car, qu'on le veuille ou non, on est bien dans une démarche dopante et je vous rappelle que notre entraîneur venait de 1ère division où circulait peut-être d'autres produits que du guronsan si, contrairment à nous, eux disposaient d'un médecin dans l'entourage du club.

2. Une autre petite expérience, fin des années 80 et la mobilité professionnelle inhérente à mon boulot de l'époque (directeur de supermarché) m'amène à quitter la Bourgogne où je jouais dans un club de 2ème division pour aller en Auvergne où signer pour un club de même niveau qui m'avait contacté m'aurait obligé à me taper 160 bornes aller-retour pour aller m'entraîner et jouer sur des routes pas faciles à l'époque.

Je signe donc dans le petit club de la petite ville qui évoluait au plus petit niveau régional de l'époque, je ne vous explique donc pas le choc culturel pour moi niveau rugby, les mecs étaient pleins de bonne volonté mais n'y comprenait pas grand chose, par contre, niveau bourrins et force physique, des vrais bûcherons !!!

Quoiqu'il en soit, je prends l'entraînement en mains, deviens entraîneur-joueur et on se fait une super saison fnissant champion d'Auvergne et accédant à la série supérieure.

On redémarre une belle saison (2ème titre et montée en série supérieure d'affilée) mais pendant cette nouvelle saison, ma direction générale décide d'agrandir et de rénover le supermarché dont j'avais la direction...

Déjà que ce genre de boulot, en temps normal, c'était plutôt 60 heures/hebdo, là, lorsqu'on refait un magasin, c'est encore autre chose pendant quelques semaines avec nuits au magasin et 2 journées enchaînées de suite (le temps de se doucher et de se manger quand même) par moment.

Quoiqu'il en soit, j'assure sans problèmes niveau boulot et niveau rugby, sur les nerfs comme on dit, on réouvre le magasin (gros succès commercial) et là, une fois la pression descendue, je me prends un énorme coup de mou...

Donc direction mon toubib qui sait bien entendu que je joue au rugby et qui me demande si nous risquons d'être controlés anti-dopage.

Je lui réponds que oui même si ça ne m'est jamais arrivé.

Il me dit alors de toujours garder un double de mon ordonnance avec moi avec les indications thérapeutiques pour justifier au cas où et il me prescrit de l'Ordinator pour une période d'une semaine (les étudiants de ces années-là doivent connaitre).

C'est une amphétamine de la classe des Fénozolone retirée de la vente depuis 1997.

Et bien dis donc, mon pauvre ami, j'étais devenu un véritable avion de chasse suite à mon traitement de 8 jours, je courrai de partout sans fatiguer avec une lucidité et une agressivité (dans le bon sens du terme) décuplées.

Les effets ont été s'atténuant mais ça a duré 2 mois environ et déjà que j'étais craint par les équipes adverses (normal quand on arrive de 2ème division nationale pour jouer en série régionale), là, ça a été le sommet, un adulte au milieu de minimes...

J'en culpabilisais même...

Bon, je n'ai plus jamais eu besoin d'un tel traitement car je ne gagnais pas ma vie avec le rugby qui a toujours été un plaisir pour moi mais je comprends que des mecs qui n'avaient que ça pour s'élever socialement aient repiqué au truc parce que les effets sont assez impressionnants même si j'imagine bien que, comme pour tout, l'accoutumance venant, les effets directs doivent être de moins en moins spectaculaires contrairement aux effets secondaires...

Pour ce qui est des autres histoires du rugby de papa rapportées dans le bouquin, il n'y a rien de vraiment nouveau pour les gens comme moi qui connaissions un peu le milieu à l'époque, çe sont un peu nos "marronniers" mais ça peut être intéressant pour qui ne connait pas trop le rugby et surtout ses moeurs.

J'ai même vu les anabolisants (pour cheval parfois comme rapporté dans le bouquin) investir les salles de musculation qui se sont montées dès le début des années 80 lors de la grande vogue du body-building, dont le bouquin parle aussi, salles de musculation dans lesquelles les rugbymen (dont moi) allions nous entraîner parfois...

En ce qui concerne l'arrivée du professionalisme et les fameux Springboks qui étaient tous asthmatiques, donc sous Ventoline (servant surtout à masquer la prise d'autres produits, notamment les anabolisants), en 1995 lorsqu'ils nous avaient mis une branlée mémorable, là aussi, pas de surprise, je crois que personne n'a jamais été dupe.

Pour le reste du bouquin et les chapitres consacrés à la situation actuelle, je rejoins Pierre Ballester pour alerter quand même parce que même si je ne pense pas qu'on trouve un jour un club organisant sciemment et méthodiquement le dopage de son effectif professionnel, contrairement à ce qu'on a pu voir avec l'équipe cycliste de Lance Armstrong, je pense que pas mal de mecs pas vraiment recommandables trainent autour des structures pros à l'affut de joueurs fragiles en demande de ce genre d'expédients surtout lors de périodes un peu critiques de leur carrière pro (baisse des performances, blessures, etc...).

Le problème avec les clubs pro, c'est que certains ont peut être intérêt à fermer plus ou moins les yeux devant de telles pratiques tant qu'elles restent extérieures et n'impliquent pas le club.

Ben oui, le joueur qui se fait gauler par la patrouille, on le virera sans ménagement en dénonçant l'initiative individuelle et en jurant la main sur le coeur qu'on ne se doutait de rien jusqu'à ce que...

On connait la musique...

Je pense que la Fédération Française de Rugby (secteur amateurs et équipes de France), la Ligue Nationale de Rugby (secteur professionnel) ainsi que le syndicat des joueurs PROVALE on intérêt à se montrer un peu plus soucieux du problème qu'ils ne le sont à l'heure actuelle, comme c'est d'ailleurs très bien décrit dans le bouquin, parce que si ça pète un jour, ça risque quand même de faire de gros dégats, donc gare...

Comme on dit, "mieux vaut prévenir que guérir"...

Bon, je recommande quand même le "Rugby à charges-l'enquête choc" de Pierre Ballester, même si je le trouve moins "scientifiquement léché" que son célèbre "L.A. Confidentiel" mais suffisament documenté pour se faire une idée à peu près juste de la situation dans le rugby actuel.

De plus, il permettra aux néophytes de se faire une bonne idée de cette ambiance un peu particulière, mais pas tant que ça en fait, qu'on prête à ce milieu un peu fermé par certains de ses aspects...

J'en conclurais que s'il n'y a encore pas le feu à la baraque, tous les acteurs de ce sport devraient se montrer très vigilants et surtout déontologiquement irréprochables, notamment auprès des jeunes en formation, dans les mois et les années à venir surtout que les charges de travail de plus en plus importantes fatiguent et fragilisent les organismes et que les mecs se pètent de plus en plus, donc attention, je dirais même "Grosse Méfiate"...

A bon entendeur salut...

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