Swapan Dasgupta est éditorialiste au très conservateur quotidien indien de Calcutta, The Telegraph. Dans l'édition du 18 avril, il a publié un article, sans nuance, intitulé, It is time Africa stopped blaming others for its misfortunes, ce qui signifie: Il est grand temps que l'Afrique cesse de rejeter sur les autres la responsabilité de ses propres malheurs. Cet éditorial commence par un hommage surprenant et appuyé à Lord Mountbatten, oncle de la reine Elizabeth II mort en 1979 dans un attentat organisé par l'IRA. Hommage dont le but, relativement subjectif, est d'affirmer qu'entre la décolonisation en Inde et celle des pays africains qui dépendaient de la couronne britannique, il n'y a pas eu de différence.
Selon Dasgupta, il y a eu, en Asie, une transmission du pouvoir intelligente à des gens intègres, dont Gandhi n'est pas le plus mince exemple. Au contraire, la décolonisation africaine s'est faite par le biais d'hommes qui étaient des admirateurs du Royaume-Uni et de la langue anglaise, mais qui ont ensuite confisqué le pouvoir à des fins personnelles.
Ce fut le cas de Jomo Kenyatta au Kenya, universitaire et anthropologue confirmé, de Hastings Banda au Malawi qui refusait d'entendre et de parler une autre langue que l'anglais – ce qui explique peut-être, en partie, aujourd'hui que, dans ce pays de six millions d'habitants, l'anglais est la seule langue officielle – de Kwame Nkrumah au Ghana qui avait fait ses études aux Etats-Unis. La tragédie de l'Afrique serait donc que tous ces hommes, et d'autres encore, ont prolongé, à leur profit, l'organisation et l'administration coloniale. Dasgupta va même jusqu'à les comparer à Ceaucescu et Hoxha, l'ex-dictateur albanais.
L'exemple sans doute le plus probant et le plus actuel est celui de l'ex-Rhodésie devenue Zimbabwe. Le dictateur Robert Mugabe s'est glissé dans les bottes de son prédécesseur blanc et hautement ségrégationniste, Ian Smith, avec une aisance qui a toujours déconcerté ses plus proches voisins.
C'est une démonstration intéressante, mais singulière et partiale de la part de ce journaliste du Telegraph de Calcutta. Car il ne faut pas oublier que, lorsque l'occupant britannique s'est retiré du pays de Gandhi, il l'avait préalablement mis à sac, alors que c'était le grenier de cette partie de la planète. De plus, les ressources naturelles étaient sans commune mesure avec celles du continent africain, ce qui explique que les puissances colonialistes aient maintenu, sans vergogne, des régimes dans une totale dépendance. Ce détail semble avoir échappé à Swapan Dasgupta, dans sa tentative d'explication historique chauvine.