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C'est une question politique que des milliers de parents se posent : une réforme des congés parentaux verra-t-elle bientôt le jour ? Les gouvernements l’annoncent régulièrement depuis deux ans, et deux commissions planchent sur le sujet à l’Assemblée nationale. Tandis que les décisions se font attendre, les inégalités domestiques et économiques deviennent une source croissante de tensions dans les conversations conjugales.
Car l’égalité progresse, certes, mais trop lentement. On pourrait multiplier les statistiques : elles convergent toutes vers ce constat. Cinq ans après une naissance, les mères salariées du secteur privé continuent de gagner 25% de moins que si elles n’avaient pas eu d’enfant, alors que les pères ne sont quasiment pas affectés. Sur Doctolib, les femmes prennent 85 % des rendez-vous médicaux pour les enfants. Elles se lèvent plus souvent la nuit pour leur bébé, et sept mères sur dix déclarent se sentir seules après une naissance.
La joie et le bonheur qui entourent le plus souvent une naissance sont ainsi trop souvent ternis par un “coût de la maternité” : coût économique mais aussi coût pour la santé, notamment pour la santé mentale des femmes.
Loin d’être une fatalité, ce continuum d’inégalités professionnelles et domestiques est en grande partie le fruit de nos politiques publiques. Aujourd’hui, la structure des congés parentaux impose aux familles un cadre inégalitaire dont il est souvent difficile de se distancier, reflet d’une conception sexiste et archaïque des rôles parentaux dans le couple hétérosexuel : la paternité discrète au travail et auxiliaire à la maison reste la norme sociale dominante.
Un pays qui prône l’égalité dans sa devise et dans sa constitution ne devrait pas pouvoir se satisfaire de cette situation. Une réforme s’impose, mais une réforme juste et émancipatrice, portant des objectifs d’égalité. Une réforme qui poserait deux principes clairs : une égalité des responsabilités parentales à la naissance, et un droit effectif à choisir son rythme après une naissance pour tous les parents qui le souhaitent.
Allonger le congé des coparents, pour une égalité des responsabilités à la naissance
Concrètement, cela suppose d’abord d’allonger le “congé de paternité et d’accueil du jeune enfant”, en profitant au passage pour le renommer car celui-ci n’est pas réservé qu’aux hommes. La part obligatoire de ce congé doit être rapidement étendue à huit semaines (durée de la part obligatoire du congé maternité), et sa durée totale doit tendre vers celle du congé maternité.
Il s’agit d’un préalable indispensable si l’on veut faire progresser l’égalité des responsabilités parentales, tout en renforçant le droit des femmes à se reposer après un accouchement. L’extension de ce congé à 28 jours (dont 7 obligatoires) en 2021 a été un premier pas, qu’il faut poursuivre. 29 jours après leur accouchement, quand le congé du coparent se termine, des milliers de femmes continuent de se retrouver seules avec leur nourrisson, alors que leur corps se remet encore et que 15 à 20% d’entre elles souffrent d’une dépression du post partum.
Dans les familles monoparentales, ce congé pourrait être transféré au parent unique et/ou pourrait être réattribué à un tiers de son choix (grand-parent, oncle ou tante de l’enfant, etc.). Quant au congé maternité, celui-ci doit être renforcé pour que toutes les femmes, notamment les femmes non salariées, en bénéficient dans de bonnes conditions.
Revaloriser le congé parental, pour qu'il devienne un vrai congé émancipateur
Par ailleurs, le congé parental doit être réformé pour devenir un congé émancipateur, celui de la souplesse et du choix, et pour incarner un droit effectif à choisir les conditions dans lesquelles on souhaite s’occuper des jeunes enfants - ce que bell hooks qualifiait de “labeur humanisant”. Le projet de “congé de naissance” proposé par le gouvernement doit être significativement revu.
Parents & Féministes propose un congé rémunéré au niveau de l’assurance chômage les premiers mois puis dégressif, avec un droit au congé long qui doit être maintenu et ne peut plus être indemnisé en-dessous du RSA comme aujourd’hui. Aucune perte de droits ne doit être envisagée.
Pour que ce congé parental soit un droit et non une contrainte, il est nécessaire que les familles aient accès à des solutions d’accueil adéquates pour leurs enfants. On est bien loin de la promesse de campagne vite oubliée d’Emmanuel Macron d’instaurer un “droit opposable au mode de garde”. Un plan de rattrapage doit être établi dans les territoires sous-dotés en mode de garde et les salaires des professionnel.le.s de la petite enfance doivent être revalorisés.
S'inspirer de la Scandinavie et de l'Espagne pour une réforme ambitieuse
Si ces trois mesures étaient mises en œuvre - congé obligatoire à la naissance pour tous les coparents ; revalorisation du congé parental ; sursaut réel du service public de la petite enfance -, l’égalité progresserait vraiment, dans l’intérêt conjoint des enfants, des femmes, des parents et de la société dans son ensemble. Cette ambition est réaliste, y compris sur le plan budgétaire : il s’agit avant tout d’un rattrapage, car les dépenses publiques liées aux congés parentaux sont en chute depuis une décennie, une chute plus rapide que la natalité.
Si la France veut être un pays où il fait bon vivre pour les parents et les enfants et qui s’attaque vraiment aux inégalités entre les femmes et les hommes, il faut rénover notre modèle. La Scandinavie et l’Espagne nous montrent la voie.
Nous voulons une loi qui normalise l’égale implication des deux parents, plutôt qu’un système qui entretient l’inégalité.
Nous voulons l’égalité dans les responsabilités familiales et domestiques.
Nous voulons un droit au repos effectif des mères ayant accouché, et que plus aucune mère ne se retrouve épuisée et isolée.
Nous voulons que la loi exprime que l’implication de chacun·e dans la parentalité est non seulement possible, mais attendue.
Nous voulons des congés paritaires.
Revoyez les congés.
Signataires
Elsa Foucraut et Violaine Dutrop, Parents & Féministes
Anne-Cécile Mailfert, Présidente de la Fondation des Femmes
Collectif #NousToutes
Céline Piques, Porte-parole d’Osez le Féminisme
Elise Marcende, présidente de Maman Blues
Collective des mères isolées
Collectif pour une parentalité féministe Le Pa.F
Association Mam’enSolo
Association La Clef
Collectif Georgette Sand
Collectif Les mères déters
Clémentine Sarlat, journaliste et fondatrice du podcast La Matrescence
Rebecca Amsellem, Les Glorieuses
Julia Kerninon, autrice
Judith Aquien, Autrice
Lucile Quillet, Autrice
Thi Nhu An Pham, Autrice
Solène Pignet Akdag, autrice et podcasteuse (Grossesses d’Entrepreneuses)
Émilie Agnoux, co-fondatrice du Sens du service public, experte associée à la fondation Jean Jaurès
Paul Sanfourche, journaliste
Cédric Rostein, Podcasteur (Papatriarcat)
Julie Hebting, Fondatrice Maydée
Antoine Le Guilloux, fondateur du festival de la paternité et de l’Association devenir papa
Pour en savoir plus et aller plus loin :
Propositions détaillées de l'association Parents & Féministes