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Ecrivain et journaliste syrienne, Hanadi Zahlout, 30 ans, a travaillé sur les droits de l’homme et le sort des femmes et des enfants en Syrie. Elle a couvert des procès contre la liberté d’expression et a oeuvré en tant qu'activiste média durant la révolution syrienne initiée en mars 2011. Le texte présenté ici est un extrait de ses mémoires, en cours d’écriture.
L'extrait relate sa rencontre avec le détenu Lou'ay au début de septembre 2011, lorsqu'elle était détenue dans les geôles des services de sécurité politique, en raison de son travail journalistique et de sa participation à l'organisation de manifestations anti-régime.
La clef
Texte original, traduit de l'arabe par l'équipe d'ASML
Il faisait nuit. Je ne me rappelais plus de l’heure exacte. Je prenais mon diner, c’était le troisième jour de la fête de la fin du mois de jeûne et je me préparais à aller me coucher. C’était la fin de la fête, les enfants dormaient. Il était temps que je dorme moi aussi, car mon rêve s’était perdu sur les balançoires de cette fête !
J’ai entendu le bruit d’un corps que l’on tirait dans le couloir, d’un corps qui prenait des coups de pieds. Je me suis penchée, et je me suis allongée à terre pour découvrir à travers les trous de la serrure de ma porte de cellule trois gardes en train de tirer un homme bien charpenté qui saignait encore des mains et de la tête. Ils ont ouvert la porte de la cellule numéro 12, en face de la mienne, l’y ont poussé dedans et ils sont partis. Son corps semblait épuisé d’avoir résisté à son arrestation. Je surveille sa cellule, mais il n’apparaît pas à travers les trous. Je n’entendais ni gémissements ni cris. Il était inconscient.
L’ont-ils ramené d’une manifestation ? Ou bien d’un autre service de renseignement ? A-t-il des enfants ? Que va-t-il se passer si sa famille l’apprend ? Les manifestants sont ils toujours ainsi tabassés ? Va-t-il mourir ici ?
Un millier de questions élémentaires tourmentaient mon esprit naïf. Des questions qui ne veulent rien dire pour ces gens-là, de même que son sang qui avait maculé son trajet ne voulait rien dire pour eux non plus !
Le matin a annoncé le début du mois du nouvel Hégire, un nouveau jour de détention. J’ai regardé la cellule 12, toujours calme. Un nouveau matin, le troisième, des plats ont été posés pour le détenu. Des détenus partaient, d’autres arrivaient, ici, dans ce petit enfer, sans que je n’entende sa voix ou que je ne perçoive ses mouvements. Je m’étais presque faite à l’idée qu’il était mort.
Je parlais avec le prisonnier de la cellule 13, mon camarade du procès Ghofar ; j’élevais un peu la voix pour lui raconter comment s’était passé mon interrogatoire. J’ai vu une ombre s’approcher du trou de la serrure de la porte de la cellule n°12. Je l’ai observée et j’ai souri, pour lui d’être resté en vie et pour moi d’en avoir gardé l’espoir!
Je lui fais signe, il m’aperçoit et il voit mon visage à travers la lucarne de la cellule. Il s’étonne d’y voir une femme.
Je dessine des lettres avec mon doigt pour qu’il les lise, lettre après lettre, à travers les trous de la lucarne :
- Q.u.e.l … (j’essuie vite de ma main pour lui dire que j’ai terminé le mot) … e.s.t … t.o.n… n.o.m ?
- L.u.’.a.y
- M.o.i… c.’.e.s.t… H.i.a.m
- D.’.o.ù ?
- D.e… L.a.t.t.a.q.u.i.é
- A.l.a.o.u.i.t.e ?
- O.u.i
- A.l.o.u.i.t.e ?!
Je souris. Il a raison de ne pas y croire. Quarante ans d’incompréhension et de non écoute de l’autre. Quarante ans durant lesquels on a semé des pièges sur les chemins de nos maisons dans le même quartier. Oh, que ne sommes-nous devenus des étrangers entre nous dans ce pays !
Nous conversons ainsi pendant des heures. Il me dit qu’il est père d’une petite fille qu’il avait emmenée jouer sur les balançoires, le dernier jour de la fête, quelques heures avant son arrestation. Les trous sombres absorbent son sourire lorsqu’il dessine de l’index de sa main droite les cheveux ondulés de sa fille.
Le lendemain, la lucarne de sa cellule était ouverte !
Le garde qui distribue la nourriture lui demande :
- Qui t’a ouvert la lucarne, connard ?
- Celui qui distribue les médicaments…
Il s’en va, gêné.
Le garde qui distribue les médicaments lui demande :
- Enfin ! Qui t’a ouvert la lucarne ?
- Celui qui distribue la nourriture…
Il s’en va, énervé.
Je jette un coup d’œil par la lucarne. Désormais, nous allons pouvoir nous parler en lisant sur nos lèvres. Il sourit et je luis dis :
- Comment l’as-tu ouverte ?
Il sort un bout de fer plié et dit fièrement :
- Je l’ai fait avec mes dents. Je l’ai insérée et j’ai poussé le verrou vers le haut… petit à petit, il s’est ouvert.
Qui pourra te barrer la route de la liberté, cher compagnon de prison ? Tu détiens la clef de ta cellule !
Un soir, je parlais avec Lu’ay, alors qu’il revenait d’une séance d’interrogatoire, son corps marqué des traces des coups de poings et de pieds reçus. La distribution du dîner a interrompu notre discussion. Ce n’était pas plus mal, car nous avions faim après notre longue conversation.
Le diner : des pommes de terre pourries. Nous n’avons pas mangé. Nous avons refusé de manger mais nous avions faim. Je lui dis alors, prise de colère :
- Rentre à l’intérieur. Il n’y a que les femmes qui savent y faire !
J’ai frappé de ma main faible à la porte de fer de ma cellule. Un garde élégant arrive avec le sourire :
- Que veux-tu ?
- Je veux juste te demander, si tu me le permets, le diner de ce soir, c’était seulement des pommes de terre, n’est-ce pas ?
- Pourquoi tu me le demandes ?
- Pour savoir ce que je vais manger. Parce que je les mange cuites, grillées ou alors je ne sais comment… sauf que les pommes de terre sont pourries et que nous avons faim.
- Mais pourquoi, ils ne vous ont pas distribué du fromage ?
- Non, ils ne l’ont distribué à personne dans les mitards.
- Attend quelques secondes, s’il te plaît.
Il s’absente pendant près d’un quart d’heure. Je parle à Lu’ay du fromage et nous nous réjouissons du fromage promis en tapotant sur nos ventres qui crient famine pour qu’ils se calment.
Le gardien arrive, me jette trois portions de fromage « Abou Al-walad » et s’en va.
Que dire à Lu’ay ? « Ils n’ont ramené du fromage que pour moi ?! »
Lu’ay ne veut pas que je lui lance une part de fromage. Il me dit : « Tu es une femme, mange-les. Moi, je suis un homme, je peux supporter… »
Il ne tient pas longtemps et me dit en colère :
- Rentre à l’intérieur. Maintenant, c’est à mon tour !
Il frappe la porte de sa cellule de son poing
- Qui est-ce ?
- C’est moi !
- Qui es-tu ?
- Je suis un citoyen.
- Et que veux-tu, citoyen ?
- J’ai faim !
Le gardien souriant s’absente et revient au bout de quelques minutes :
- Tiens, citoyen. Pour que tu vois combien nous sommes généreux. Voici du pain et même du halva.
Lu’ay me regarde victorieux et dit :
- Tu as vu ! Tu as entendu ! Je suis un citoyen !
Puis, Il mange tout le halva et moi, je peux manger mes parts de fromage sans le moindre sentiment de culpabilité !
On a changé les détenus dans la cellule 11, en face de moi, beaucoup de détenus. Un soir, j’y ai vu le visage d’un nouveau détenu. On a ouvert la lucarne de sa cellule parce qu’il était malade. Comme d’habitude, Lu’ay m’a demandé de me renseigner sur son nom, peut-être que nous pourrions récupérer quelques informations sur ce qui se passait à l’extérieur.
Il était sidéré lorsque je l’ai informé du nom de l’identité du nouvel occupant de la cellule 11, son ami, de son quartier : Mazen !
Mazen me dit qu’il y a eu quatre martyrs… à S…
- Sayyideh Zaynab ?
- Non, en S…
- Salhiyyeh ?
- Non, en S…
Je passe une heure entière à l’interroger pour enfin comprendre qu’il y a eu quatre martyrs ce vendredi-là, avant son arrestation, sur toute la Syrie !
Je prends une pause avant de continuer ma discussion laborieuse avec lui. Je remue mon assiette comme un éventail pour agiter l’air et avoir un peu de fraîcheur, puis je reprends ma discussion. Lu’ay rit s’amusant de mes difficultés à communiquer avec Mazen.
- Dis à Lu’ay que Fida’ est mort en martyr. Ils lui ont tiré dessus !
Je transmets naïvement l’information à Lu’ay :
- Mazen te dit que que Fida’ est mort.
Il pose sa main droite sur sa bouche, il est sur le point de crier, des larmes coulent de ses yeux comme un enfant.
- Fida’ est mort ? Mon ami Fida’ ? Il est mort !
Je ne savais plus quoi lui dire ! Je t’en supplie, ne pleure pas. Je déteste ces portes de fer, je déteste ces menottes. Si toi tu pleures, qui va me faire rire après ?
Il rentre au fond de sa cellule en pleurant et moi, je vais me coucher.
Les voies du monde des rêves restent closes devant nous, comme devant tous les Syriens, même si j’ai la certitude que nous en possédons les clefs.
Hanadi Zahlout
Paris
المفتاح
الوقت ليل، لم أعد أذكر الساعة بالضبط، أتناول طعام العشاء حينها، في ثالث أيام عيد الفطر، وأذهب للنوم، لقد انتهى العيد، ونام الأطفال، وآن لي أن أنام أنا أيضا فقد ضاع حلمي بالتأرجح في أراجيح هذا العيد!
أسمع صوت جسد يجر في الممر، جسد يركل، أنزل بسرعة، وأتمدد على الأرض لأرى من خلال الثقوب في باب زنزانتي ثلاثة عناصر يجرون رجلا ضخم الجثة ما زالت جراحه تنزف من يديه ورأسه، يفتحون باب الزنزانة 12، في الصف المقابل لي، ويحشرونه فيها ويمضون!
يبدو على جسده أنه منهك من مقاومتهم اعتقاله، أرقب زنزانته لكنه لم يطل من الثقوب، لم أسمع أناته ولا صراخه، كان مغشيا عليه!
ترى هل أتوا به من مظاهرة؟هل أتوا به من فرع آخر؟ ألديه أطفال؟ ماذا سيحصل إن علم أهله؟ وهل يتخلل الاعتقال من التظاهر كل هذا الضرب، هل سيموت هنا؟
ألف سؤال بديهي عصف بعقلي البسيط، لكنها بالطبع أسئلة لا تعني لهؤلاء شيئا، كما لا تعني لهم دماؤه التي عمدت طريقه!
وأعلن الصباح بداية شهر هجري جديد، يوم اعتقال آخر، أنظر للزنزانة 12، الهادئة دوما، صباح آخر، وصباح ثالث، وجبات طعام توضع للمعتقل، معتقلون يذهبون، وآخرون يأتى بهم إلى هذا الجحيم الصغير، دون أن أسمع صوته أو أشعر بحركته، وكدت أستسلم لفكرة موته!
كنت أتحدث إلى المعتقل في الزنزانة 13، زميلي في القضية غفار، أرفع صوتي قليلا لأحدثه عن مجرى التحقيق معي، أرى شبحا يقترب من ثقوب باب الزنزانة 12، أراقبه، أبتسم لبقائه على قيد الحياة، وإبقائي على قيد الأمل!
أشير له ملوّحة، ينتبه لي، يرى وجهي من طاقة الزنزانة، يفاجأ بفتاة هنا!
أكتب له فيرى كتابتي باصبعي حرفا حرفا على الثقوب:
- ش .. و .... ( أمسح بيدي بسرعة على الثقوب لأقول له أن الكلمة انتهت) .. ا .. س.. م.. ك؟
- ل.. ؤ.. ي..
- أ.. ن.. ا.. .... ه.. ي.. ا.. م.. ...
- م..ن.. .... و.. ي.. ن..؟
- ا.. ل.. ل.. ا.. ذ .. ق.. ي.. ة..
- ع.. ل.. و.. ي.. ة..؟
- ا.. ي..
- ع.. ل.. و.. ي.. ة..؟ !
أبتسم، معه حق ألا يصدق، إنها أربعون عاما من عدم فهم الآخر، وعدم الاستماع له، أربعون عاما من تفخيخ الطرق بين بيوتنا في الحارة الواحدة، ياه كم نحن غرباء عن بعضنا في هذا الوطن!
يستمر الحديث لساعات، يخبرني أنه أب لطفلة كان قد أنزلها لتلعب بالمراجيح في آخر نهار لعيد الفطر، قبل اعتقاله بساعات، تبتلع الثقوب المظلمة معظم ابتسامته وهو يشير مستخدما سبابته اليمنى راسما شعرها المتموج!
في اليوم التالي كانت طاقة زنزانته مفتوحة!
العنصر الذي يوزع الطعام سأله:
- مين فتحلك الطاقة ولاااا؟
- الشب اللي بيوزع الدوا..
فانصرف ممتعضا
العنصر الذي يوزع الدواء سأله:
- مين فتحلك الطاقة ولاااا؟
- الشب اللي عطاني الأكل..
انصرف غاضبا..
أُطِل من طاقتي، أصبح بامكاننا الحديث عبر قراءة حركة الشفاه، كان يبتسم، أشرت له:
- كيف فتحتها؟
أخرج قطعة حديد معقوفة، وقال فخورا:
- طعّجتها بسناني.. مديتها ورفعت القفل.. شوي شوي.. وفتحتها..
من سيقف في طريق حريتك يا رفيق زنزانتي؟ أنت تمتلك مفتاح زنزانتك!
وكان مساء أحد أيام الاعتقال، أنا أتحدث مع لؤي بعد مجيئه من جلسه تحقيق، وجسده مزدان ببعض الصفعات والركلات، يوزعون العشاء فيقطعون حديثنا، لا بأس، فنحن جائعان لطول ما تحدثنا!
العشاء حبة بطاطا فاسدة، لا نأكل، رفضنا أن نأكل، جعنا، قلت له وقد تملكني الغضب:
- فوت لجوا.. ما بيجيبوها غير النسوان..
طرقت باب الزنزانة الحديدي بيدي الضعيفة، أتى عنصر مبتسم، متأنق:
- شو بدك؟
- هلق بدي اسألك بس لو سمحت.. العشا اليوم بطاطا بس مو هيك؟
- ليه عم تسألي؟
- منشان أعرف شو بدي آكل.. يعني آكلها مشوية واللا مسلوقة واللا شو؟ البطاطا بس منزوعة ونحنا جوعانين..
- ليش ما جابولكن جبنة؟
- لأ.. ما جابوا لحدا بالمنفردات.....
- ثواني بس..
يغيب لربع ساعة تقريبا، أخبر لؤي عن الجبنة، نبتسم للجبنة الموعودة، نطبطب على معداتنا الصارخة أن تصمت..
يعود العنصر راميا في يدي الصغيرة بثلاث مثلثات من جبنة أبو الولد، ويمضي!
وماذا أقول الآن لـ لؤي؟ "جابولي جبنة الي أنا بس؟"
لا يرضى لؤي بأن أرمي له مثلث جبنة، يقول لي: انتي بنت.. كليهون.. أنا زلمة.. بتحمل!
لم يتحمل طويلا، يقول لي غاضبا:
- فوتي لجوا.. هلق صار دوري أنا!
يطرق باب زنزانته بقبضته القوية:
- مييييييييييييييييين؟
- أنا..
- مين أنت..
- أنا مواطن..
- وشو بدك يا مواطن؟
- جوعان!
غاب العنصر المبتسم وأتاه بعد دقائق:
- تفضل يا مواطن.. منشان تشوف قديش نحنا كريمين.. وهي خبزة.. وحلاوة كمان..
ينظر لؤي إليّ منتصرا ويقول: شفتي! سمعتيه؟ أنا مواطن!
وأكل الحلاوة كلها، فتمكنت من التهام مثلثات الجبنة دون أدنى إحساس بتأنيب الضمير!
يتبدّل على الزنزانة 11، المواجهة لي تماما، كثير من المعتقلين، وفي أحد المساءات أرى وجه معتقل "جديد" فيها، فتحوا طاقته لأنه كان مريضا، وكالعادة يسألني لؤي أن أستفسر عن اسم المعتقل الجديد، علّنا نستطيع معرفة بعض المعلومات عما يجري في الخارج..
ويصعق حين أخبره عن اسم نزيل 11، إنه صديقه وابن حارته: مازن!
يخبرني مازن أن هنالك 4 أربعة شهداء.. في سـ...
- السيدة زينب؟
-لأ.. ب سـ..
- الصالحية؟
- لأ.. ب سـ..
ويأخذ السؤال مني ساعة كاملة لأفهم منه أن عدد الشهداء لهذه الجمعة قبل اعتقاله هم أربعة، في سوريــــــــــــــة كلها!
آخذ استراحة قبل أن أتابع حديثي المضني معه، ألوّح بصحني ليتحرك الهواء قليلا ويخفف من الحر، أعود لأكمل حديثي، ولؤي يضحك شامتا من معاناتي في الحديث مع مازن..
- قولي لـ لؤي أنه فداء استشهد.. قوصوا عليه..
وبسذاجتي أنقل الخبر لـ لؤي:
- عم يقلك مازن أنه فداء استشهد..
يضع يده اليمنى على فمه، يكاد أن يصرخ، تدمع عيناه كطفل:
- فداء استشهد؟ فداء رفيقي؟ استشهد؟
لم أعرف ماذا أقول له، أرجوك لا تبك، تبا لهذه الأبواب الحديدية، تبا لكل القيود، إن بكيت أنت من سيضحكني بعد اليوم؟
يدخل إلى زنزانته باكيا، وأذهب أنا إلى النوم، لكن الطرق إلى عوالم الأحلام تبقى مقفلة أمامنا، كما جميع السوريين، رغم ثقتي أننا نمتلك مفاتيحها..