Nous avions eu le plaisir de vous présenter au mois de janvier le premier extrait traduit des mémoires de Hanadi Zahlout, activiste et journaliste syrienne, emprisonnée a l'été 2011 dans les geôles du régime. Nous vous proposons ici un deuxième extrait de ses mémoires qui nous relate son expérience de transfert vers un hôpital.
La cellule 18 transportée à l’hôpital
Texte original, traduit de l'Arabe par l'équipe d'ASML
On frappe à ma porte pour m’emmener, une fois encore, à l’interrogatoire. Alors que mon dos me fait mal depuis des jours, la douleur est maintenant descendue vers mon pied droit et m’empêche de marcher. Je dois traîner cette jambe pour pouvoir avancer. Quand j’entre dans son bureau, l’homme qui m’interroge s’étonne de voir mon état de santé détérioré à ce point, en deux semaines seulement d’emprisonnement.
Il m’interroge sur certains détails de mes aveux, je lui réponds brièvement car j’ai envie de crier tellement j’ai mal. Etre assise n’aide pas du tout à supporter la douleur. Il écrit quelques mots et ordonne au gardien de me ramener de cette pièce propre et climatisée vers ma cellule obscure.
Quand j’ai fait quelques pas, il m’arrête et me dit, avec un sourire moqueur : « Demain tu iras à l’hôpital, on ne va pas attendre plus longtemps, avec tes camarades qui disent que vous risquez de mourir sous la torture ! »
Mes camarades écriraient donc sur facebook que je suis soumise à la torture… Certes, ils savent parfaitement le danger de ma situation ici, en tant que femme - en tant que « faible femme » -, et en tant que journaliste. Mais savent-ils que je suis forte ?
Je me demande qui a créé ma page facebook pour la liberté ? Je pense que c’est lui, peut-être a-t-il su finalement que j’ai été arrêtée ? Car personne ne savait que je me trouvais là-bas. J’ai été arrêtée alors que j’allais boire un café avec mes camarades. Et finalement, je l’ai bue, cette tasse de café, mais ici, en prison. J’en buvais même une chaque fois que j’allais à l’interrogatoire… Je souris : ici, le café, n’importe quelle sorte de café, prend le goût du luxe véritable, il prend le goût de l’air, de l’air normal que l’on respire dehors à tout moment - il a le goût de la liberté.
Le lendemain, peu après midi, le responsable de la distribution des médicaments vient me sortir de ma cellule. J’attends dans le corridor, entre le bureau et la chambre d’interrogatoire, entourée de trois gardiens. Un quatrième vient me mettre les menottes et ils me font monter les escaliers. Le plus jeune, Hussein, qui fait le double de ma taille, me dit d’un air sévère : « allez viens !»
Je monte en chancelant, à chaque marche ma jambe me fait de plus en plus mal. Et je ne peux même pas, avec mes mains attachées, m’aider de la balustrade… Escalier maudit !
A peine franchie la porte donnant sur l’extérieur, mes yeux sont aveuglés par le soleil et un des gardien hurle : « Baisse la tête ! Allez , baisse!».
Je m’enfonce sur le siège arrière entre deux gardiens, les deux autres prennent place devant. La voiture démarre et je peux voir la ville… Ah ! Comme tu m’as manqué, Damas ! Mon cher Damas – la place de Mayssate, de Sabaa Buherat, al-Adawi, comme ces endroits me sont devenus chers !
Nous arrivons à l’hôpital, le plus moderne du pays. Ais-je l’air pistonnée, avec ces hommes qui m’escortent comme s’ils étaient mes gardes privés ?! Ils me font entrer aux urgences. On arrive à la section de chirurgie et ils demandent à une infirmière de m’amener le médecin.
L’odeur d’alcool me revigore, j’en oublie presque ma jambe et serais prête à courir dans les jardins de l’hôpital. Mais le froid des menottes et leur poids me ramènent vite à la réalité…
Je regarde tous les patients qui attendent, cherchant des visages connus, ceux de mes camarades, de mes avocats, de ma famille. Mais il n’y a que des inconnus qui regardent, apeurés, mes mains menottées. Ils ne regardent que mes mains, personne ne s’intéresse à la douleur dans mes yeux…
L’infirmière, elle, est choquée à la vue des menottes : « Vous êtes venus tous les quatre, là, pour la garder ?! » La réponse fuse : « Eh ! ne crois pas qu’elle soit si faible, elle est très dangereuse ! »
Ah bon, je suis aussi dangereuse, pas seulement pistonnée, me dis-je avec soulagement…
Le médecin n’apprécie pas de me voir debout pendant qu’eux sont assis. Ils m’installent sur une chaise, je lui explique que j’ai mal du dos jusqu’au genou, une douleur continue. Je passe devant un autre médecin, puis on me fait une radio, ensuite on me passe au scanner, mais pas une seule fois on ne demande mon nom. Je suis enregistrée comme le « numéro 18 ».
En prison, tu oublies vraiment ton nom. Tu souffres seul et quand tu es emmené à l’hôpital, le médecin, qui ne sait pas qui tu es, te pose des questions rapides, auxquelles tu réponds en réprimant les larmes qui te montent aux yeux.
Le médecin écrit un rapport détaillé, demandant, entre autre, que la direction de la prison me fournisse un matelas ferme ! – Il plaisante, non ?
On me fait une piqûre contre la douleur et on me ramène aussitôt après à ma cellule. Mais avant de quitter l’hôpital, Hussein s’approche de moi, se penche un peu pour remettre les menottes sur mes minces poignets et me dit tout bas : « je suis désolé… c’est pour la forme »
Hanadi Zahlout
Paris, France
Texte original en Arabe
الزنزانة 18 تنقل إلى المستشفى
يقرع بابي للذهاب إلى التحقيق مرة أخرى، الألم الذي لم يبارح ظهري منذ أيام نزل إلى قدمي اليمنى ومنعني من المشي، فصرت أجرّ رجلي اليمنى لتلحق بحركة جسدي، أدخل غرفة المحقق فيدهش لما آلت إليه حالتي الصحية من تدهور سريع بعد أسبوعين فقط على اعتقالي.
يسألني عن بضعة تفاصيل حول اعترافاتي، أجيبه بسرعة، يكاد الألم يجعلني أصرخ، الجلوس ليس مطلقا وضعية مريحة لآلامي، يدون بضعة كلمات، ويأمر العنصر بأخذي من هذه الغرفة النظيفة المكيّفة إلى زنزانتي المتمة المظلمة.
يستوقفني بعد بضع خطوات لي:
- ستذهبين غدا إلى المستشفى، لن ننتظر أكثر، يكفي أن رفاقك يقولون أنكم مهددون بالموت تحت التعذيب!
يبتسم ساخرا..
إذا فرفاقي يكتبون على صفحات الفيس بوك أنني ألاقي التعذيب، أجل، إنهم يعرفون بدقة خطورة وضعي هنا، كفتاة، وكصحفية، وكبنية ضعيفة، ولكن هل يعلمون صلابتي؟
ترى من أنشأ صفحة الحرية خاصتي على الفيس بوك؟ أعتقد أنه هو، ربما وصله خبر اعتقالي بعد أيام، لا أحد كان يعلم بتواجدي هناك، ذهبت لأشرب فنجان قهوة مع رفاقي فاعتقلت، لكنني شربت فنجان القهوة على كل حال هنا، في الفرع، لا بل إنني كنت أشربه في كل مرة أذهب فيها للتحقيق، وأبتسم!
هنا يصبح للقهوة، أي نوع قهوة، طعم الرفاهية الحقيقية، بل يغدو للهواء، الهواء العادي ذاته الذي نتنفسه خارجا في كل لحظة، رائحة الحرية!!
في اليوم التالي، وبينما كان الوقت يقارب الظهيرة، أتى العنصر المسؤول عن توزيع الدواء على المعتقلين باصطحابي خارج زنزانتي، أنتظر في البهو بين الديوان وغرفة التحقيق، ثلاثة عناصر يحيطون بي، ورابعهم يضع الأصفاد في يدي، يصعدون الدرج فيما العنصر الأصغر سنا، والذي يبلغ حجمه ضعفي حجمي يقول لي "حسين" عابسا: تعي!
أصعد الدرج مترنحة، قدمي تؤلمني أكثر مع كل درجة أصعدها، ويداي مقيدتان دون أن أستطيع الاستعانة بهما أثناء صعودي هذا الدرج اللعين!
وما إن أخرج إلى الباب الخارجي ويغمرني ضوء الشمس حتى يصرخ بي أحد العناصر: راسك لتحت.. لتحت!
أحشر في المقعد الخلفي بين عنصرين، وعنصران آخران في الأمام، وتنطلق السيارة وأنا أحاول فقط النظر خارجا..
ياااااااااااااه، يا شام شو اشتقتلك، يا حبيبتي انتي، ساحة الميسات، السبع بحرات، العدوي، اشتقت لكل سنتي..
نصل إلى المستشفى، المستشفى الأحدث في القطر: والله مدعومة!
ومثل حراس، شخصيين جدا، يلازمونني، يدخلونني الإسعاف، وأجد نفسي في عيادة الجراحة العصبية أمام الممرضة، وهم يطلبون الطبيب لي!
أنتشي برائحة الكحول، أكاد أنسى قدمي المعطوبة وأركض في حدائق المستشفى، وتعيدني برودة الأصفاد وثقلها إلى حقيقة الاعتقال!
أنقّل عيني بين المراجعين، أبحث عن وجوه رفاقي ومحاميّ وأهلي، وجوه غريبة ينظرون بخوف إلى يديّ، يديّ فقط، دون أن يلتفت أحد إلى ألم عينيّ!
يصعق الممرضة منظر الأصفاد في يدي، تقول لهم: أربعتكون جايين منشانها؟
-أي ما تشوفيها ضعيفة هيك.. هي خطيرة كتير!
وخطيرة كمان، مش بس مدعومة، أحدّث نفسي..
يستنكر الطبيب وقوفي وجلوسهم، يجلسونني على كرسي، أشرح له آلامي الممتدة من أسفل ظهري إلى ركبتي، ألم مستمر، وأمرّ على طبيب آخر، وغرف التصوير البسيط والطبقي المحوري، دون أن يسجل أحد اسمي، ويبقى اسمي الرقم 18!
في السجن تنسى اسمك حقا، تتألم وحدك،وعندما تنقل إلى المستشفى تجيب الطبيب الذي يجهل من تكون عن أسئلته المقتضبة، دون أن تسمح للدمعة بأن تتدحرج، من قلبك!
يكتب الطبيب تقريرا طبيا مفصلا، يطلب إلى إدارة الفرع من بين ما يطلبه إسفنجا بضغط عال لنومي!
_ عم يمزح مو؟
يعطيني إبرة مسكن ألم، ويتم اصطحابي على الفور إلى الفرع.
وقبل أن نغادر عيادة الطبيب يقترب "حسين" مني، وينحني قليلا ليتمكن من إعادة الأصفاد إلى يدي النحيلتين ويهمس قائلا:
- أنا آسف.. بس هدول بريستيج!