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Pas si sapiens

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Billet de blog 1 mai 2012

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idéologie diffuse 2

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Vous souvenez-vous de "rien que..." ? et de ""ça n'a rien à voir avec..."?

Aujourd'hui, une troisième figure apparaît, que nous allons appeler "tout est...". Vous l'avez déjà rencontrée . Moi, c'était en 68 : on criait, affichait, discutait "tout est politique".Encore un "rien que", mais cette fois, non plus du point de vue d'un angle de vue, d'une compétence, d'une recherche de connaissances ; cette fois, il s'agit d'une préoccupation dominante, d'une "paire de lunettes colorées".

Allons-y : "tout est éducatif". Il est facile de montrer la solidité de cette affirmation. Chaque moment de notre vie d'humains est fait d'interactions entre individus, entre individus et groupes, entre groupes, et d'un individu avec lui-même ("je me demande si je déjeune d'abord, ou..."). C'est dans le décours de ces interactions, que chacun rencontre des prescriptions et des interdits, qu'il acquiert des savoir-faire et des savoirs, qu'il ébauche et confirme ou abolit des croyances et des convictions, qu'il bâtit et fait évoluer sa personnalité. Et qu'en même temps, il exerce le même type d'actions sur ceux qu'il rencontre. C'est l'ubiquité et la constance de cette dynamique qui me fait dire que nous sommes "tous élèves, tous maîtres, toujours".

Mais alors, on bute sur le "rien que..." : malaise...Parce que, aussitôt, surviennent, en même temps ou l'un derrière l'autre, "ça n'a rien à voir", et "mon souci, ma liberté". Autrefois, avec un ami, nous nous gaussions du "tout esr politique", et nous glosions : "Mais, alors, il doit y avoir une manière marxiste d'enfiler ses chaussettes..." Et de rire...parce qu'"ilest évident que ça n'a rien à voir...". Et le "tout est éducatif" est chargé de prescriptions, de contraintes, et/ou de sentiments lourds de responsabilité, selon le côté "élève" ou "maître" qui apparaît.

L'idéologie diffuse, là-dessus, est à la fois lourde et sournoise. Elle va proclamer, s'agissant des enfants (dépendants et sans pouvoir social):

1/ que l'éducation, c'est l'affaire des parents. Qui sont civilement responsables, qui sont libres de choisir la nourriture, les règles de vie ensemble, la religion, l'école...Qui sont sanctionnables si l'enfant est "mal élevé", commet des délits, tombe malade, ou est accidenté par négligence parentale...

2/ que l'éducation, c'est l'affaire de l'école (donc de l'Etat). Qui doit veiller à l'instruction, à la connaissance et au respect des lois (de la "morale commune", mais aussi de la circulation, par exemple...). Qui se préoccupe de fournir à chaque jeune un "socle commun",le rendant apte à exercer ses droits et accomplir ses devoirs de membre de sa société, de citoyen de son pays. Qui doit et peut exiger des parents une aide dans cette perspective.Qui doit prévoir les futures relations du jeune avec un employeur, un bailleur, un prêteur ; avec les pouvoirs publics ...

3/ que l'éducation, c'est l'emprise du milieu social local et/ou large sur chacun. Qu'il est difficile de reconnaître et respecter les lois communes lorsqu'on est confiné dans un lieu de non-droit, lorsqu'on a des parents qui ignorent ou enfreignent habituellement ces lois. Lorsqu'il semble évident que les rapports de forces élémentaires l'emportent sur les lois, là où l'on vit. Ou bien, au contraire, que d'autres forces , l'emportant sur celles de la loi, vous protègeront quoique vous fassiez ; que c'est question de chance, de liens avec des puissants...

4/ que l'éducation, c'est l'affaire de lois "qui ne sont pas de ce monde". Que les prescriptions et interdits religieux l'emportent sur toutes les lois humaines , et que les textes sacrés sont plus vrais que les savoirs scientifiques.

Et le "tout est éducatif" bute sur ces "rien que", dont chacun, à un moment ou à un autre, d'une façon ou d'une autre, va chercher à nier ou limiter les autres. L'idéologie diffuse oscille entre ces pôles, sans toujours les appeler par leur nom. Et les batailles peuvent être rudes, nous en avons tous en mémoire des images, de conflits personnels, locaux, ou même enflammant toute la société.

Autre paysage du "tout est éducatif" (ou "rien ne l'est", qui n'est que son négatif) : les miroirs aux alouettes, les inhibitions. Si tout est éducatif, alors un enfant qui joue s'éduque (et/ou est éduqué). Il serait difficile de prouver le contraire...D'où le "créneau" de vente bien connu ; d'où les "laxismes" dénoncés, ou les "ouvertures" encouragées. Dans l'autre sens, "est-ce que le laisser lire des bandes dessinées ne va pas compromettre ses futurs goûts artistiques?" "est-ce qu'il ne va pas devenir accro aux jeux d'arcade?" : les responsabilités sont à fleur de peau...

Ici, ce n'est pas l'iceberg qui serait l'image suggestive ; mais plutôt la débâcle, avec ses forces d'autant plus redoutables qu'on ne parvient pas à y déceler un dessin, à s'y reconnaître...

Nous n'avons pas fini cette exploration : la prochaine fois, nous essaierons de commencer à déchiffrer l'énigme de l'"apprendre à apprendre" qui hante l'éducation.

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