Rappel :
1/ le physicien me dit :"Tu n'es que de l'énergie, sous ses deux formes canoniques : champs, particules." Il me l'apprend, et je ne peux le contredire. Je n'ai vu, moi, que des images et des films ...Lui, c'est un savant, et ils sont tous d'accord là-dessus ...
2/ mais ça n'a rien à voir avec ce qui m'occupe : ma fin de mois. Et je sais bien qu'il faut que je m'en occupe...est-ce que le gouvernement va "mettre un coup de pouce", peser sur les salaires, les prix...Je voudrais bien le savoir...énergie ou pas.
3/et là, voilà que le gouvernement me dit : "Tout dépend de l'état du marché, et de mon triple A." Les économistes m'expliquent pourquoi, et comment...Alors, tout est économie? ou tout est politique? Un peu les deux, je crois...
Voilà comment des gens m'apprennent des choses, comment je les apprends, ce que j'en crois...
Et puis, j'apprends (encore), sur le journal, à la télé, que, pour que l'école marche mieux, il faudrait y "apprendre à apprendre". Ca veut dire quoi? D'abord, c'est quoi, apprendre? Je croyais le savoir, mais "apprendre à apprendre"...Réfléchissons :
-je vois des choses, on me dit des choses : deux façons d'apprendre. Et, parfois, ce que je vois et ce qu'on me dit ont l'air d'aller ensemble ; parfois non (le physicien). et ce n'est pas parce qu'on me dit, parce que je vois, que je sais les mêmes choses que ceux qui me disent, qui me montrent...L'énergie, je sais ce que c'est : la force que j'ai pour faire quelque chose ; ou le courant que j'ai pris dans les doigts l'autre jour. Ah? c'est pareil?
- autrefois, mon père me disait, quand j'avais fait une bêtise : "Je vais t'apprendre, moi!" Je comprenais très bien...mais rien à voir avec apprendre ...je savais déjà...
- au lieu de "apprenez-moi!", on dit souvent :"Montrez-moi, faites-moi voir." On dirait bien que ça n'a rien à voir...
-alors, comment apprend-on? En écoutant, en regardant, bien sûr! Mais pas toujours, pas seulement...En faisant (le "coup de jus" dans les doigts)). Mais je sais seulement qu'il faut se méfier, je n'ai pas compris "comment ça marche". Et quand j'ai appris "qu' il y a de l'énergie électrique qui circule dans les fils", je comprends seulement un petit peu, pas tout ce que je voudrais savoir, pour pouvoir bricoler...
-tiens, je n'y avais jamais pensé, mais à propos d'énergie qui circule, "apprendre", ça circule dans les deux sens ...et même trois. J'apprends du physicien, j'apprends à mon gamin, et j'apprends tout seul, je m'apprends à moi-même.
Essayons de mettre tout cela en mots, non pas savants, mais moins "rase-mottes" :
Comment on apprend : par répétition, par imitation, par "réduction d'écart au modèle". façons de faire très anciennes, dont les deux premières sont apanage de beaucoup d'êtres vivants. La troisième a été observée chez nos plus proches cousins : elle conjugue l'imitation et la sollicitation de l'imitation par un "enseignant". Une certaine idéologie y confinerait les façons d'enseigner (apprendre à autrui).
On apprend, aussi, "par essais et erreurs". Dans une situation non familière, ou bien on renonce à agir ; ou bien, poussé par un "mobile", une "motivation", on emploie une façon de faire déjà connue. Le choix de cet "essai" repose sur une "analogie avec du connu" repérée", à tort ou à raison, consciemment ou pas. Si "ça marche", on recommencera, et l'apprentissage reprendra les voies de la réitération "gratifiée". Sinon, on renonce, ou on essaie autrement ; tout dépend de la force du mobile...Dans la succession d'essais différents, c'est la tâche qui devient décisive, et non le modèle défaillant. Et "l'idée qu'on se fait "des actions à effectuer pour réussir. On retrouve le fonctionnement idéologique, l'a priori mental, le "croire savoir".
Mais les essais et erreurs comportent des formes plus sophistiquées , dès que les a priori deviennent conscients. Les essais peuvent être orientés par un examen préalable : on "tourne autour" de l'objet de la future action, pour s'en faire une idée plus complète, plus susceptible de suggérer le recours à un choix d'action "motivé". Cette sophistication peut aller jusqu'au recours à un système, non plus de repères perceptifs, mais d'idées : une "théorie" que l'on cherchera à "appliquer" dans l'action. Le sommet du raffinement s'appelle la "démarche expérimentale", qui combine une délimitation nette de l'objet, une "construction hypothétique" créatrice (et non une "théorie" déjà existante), et un système d'observation explicite, instrumenté. L'idéologie langagière confond volontiers le vécu et l'expérimenté dans le mot "expérience".
Enfin, l'on peut apprendre d'une façon encore plus subtile. Elle consiste à examiner "le vécu", sans autre mobile que la préoccupation de le "comprendre",de lui donner place pertinente dans l'image du monde qui est la vôtre. Ce que J.Marsenach a appelé "théorisation des pratiques". D'une certaine façon, c'esr l'opposé de l'application d'une théorie. Sous un autre angle, c'est la reprise pour analyse critique "tranquille", sans mobile autre que d'explicitation, des essais et erreurs divers, couronnés de réussite ou non. On entre là dans l'"apprendre à apprendre", et du côté du "maître", et du côté de l"'élève". cette démarche sert aussi bien l'un que l'autre...
Pour ne pas être trop long, j'arrête ici pour aujourd'hui. Un prochain article, d'"idéologie 3", passera en revue les a priori les plus courants liés à l'apprendre à apprendre, et leurs effets les plus dommageables.