Tous, nous sommes journellement confrontés à la nécessité de remplir des tâches, de jouer des rôles, d'assumer un statut d'éducateur (trice). C'est-à-dire, de personne humaine consciente du fait que chacune de ses actions, chacune de ses pensées, contribue à le changer et à changer autrui, sans qu'il puisse toujours le savoir,sans le vouloir, souvent, mais inexorablement. Albert Jacquard a exprimé une part de cela, lorsqu'il a écrit :"Je suis les liens que je tisse."
Autrement dit, nous sommes en situation permanente d'auto, co, hétéro-éducation. Telle est ma conviction, et rien de ce que j'ai pu vivre, apprendre, débattre ne l'a contredite.
Passons en revue, brièvement, trois types de situations banales, rencontrées répétitivement par chacun :
1/PASSANT : dans une rue, sur un chemin, au travers d'un parc ou d'une plage, je vois et je suis vu. Je croise des gens, je fais signe à certains, je m'adresse à d'autres, je modifie mon parcours en fonction de ce qu'ils font. Mes conduites sont alors modelées sur un certain nombre d'habitudes machinales, de règles explicites ou implicites, de préoccupations du moment. Elles révèlent , au moins en partie, mes appartenances sociales, mes manières de vivre avec les autres, mes goûts, certaines de mes compétences. Il en va de même de tous les présents. Chemin faisant, nous manifestons tout cela, chacun à sa manière ; et les incidents rencontrés renforcent ou modifient nos interprétations, nos jugements, nos objectifs, nous éduquent...que nous en soyions conscients ou non.
2/PARENT: je suis attaché à mes enfants, personnellement et socialement. Je suis, à mes propres yeux et aux yeux de tous, responsable de leur accession au statut d'adulte.Chacun de mes gestes, chacune de mes paroles en leur présence , qu'ils s'adressent ou non à eux, pèse sur leur conception de ce qu'est un enfant, de ce qu'est un adulte, de ce que sont -ou devraient être- les façons de vivre ensemble des enfants et des adultes.. Mes responsabilités d'éducateur sont tous azimuts. En particulier, je dois être assez attentif, et me rendre assez compétent, pour m'adresser de façon responsable aux compétences de spécialistes (enseignants, médecins, formateurs,etc..) et interagir avec eux, dans l'intérêt du développement de mon enfant, jusqu'à ce qu'il soit en état de recourir lui-même à leurs spécialités. Et je dois être toujours vigilant, modifier mes façons d'être, et les règles de notre vie ensemble, à mesure qu'il devient lui-même capable et désireux d'assumer plus de responsabilités.
Il me faut donc prendre position sur des domaines où je ne suis pas compétent, mais responsable ; faire, bon gré mal gré, comme si j'étais omni compétent, tout en sachant biien que je ne le suis pas...
3/ CITOYEN : je le sais, je ne suis pas, à la fois, démographe, urbaniste, économiste,psychologue, sociologue, historien, enseignant, gestionnaire, médecin, policier, juge, analyste politique, etc.,etc...
Et cependant, je suis responsable des décisions qui seront prises dans ces domaines et de leur application, dans ma ville, ma région, mon pays, mon continent ...et, si j'y réfléchis bien, dans le monde entier. Cette responsabilité ne se limite pas au dépôt d'un bulletin dans une urne, de temps à autre ; ni au respect lucide des lois et règlements de mon lieu de vie. Je me dois de me tenir au courant des décisions prises par ceux que j'ai contribué à faire élire, des manières dont elles sont interprétées et appliquées. Je me dois de signaler aux élus les lacunes, erreurs de leur information ; les biais entraînés par leurs décisions ; d'en débattre avec mes concitoyens, entre deux scrutins successifs.
Ici encore, tâches de responsable, c'est-à-dire de non-spécialiste obligé d'intervenir tous azimuts, d'agir pour changer , et soi-même , et les autres, pour un meilleur vivre ensemble ...d'éducateur.
Nous sommes ainsi, bon gré mal gré, le sachant ou non, éducateurs permanents, et de nous-mêmes, et d'autrui, en toutes circonstances, en, tous domaines . Nous ne pouvons qu'être, nous nous devons d'être, des spécialistes de la non-spécialité.