Pas original pour deux ronds, cette idée...En tire-t-on la moitié du quart des conséquences? Que suis-je? J'avais dit, l'autre jour, "rien que", une ribambelle de "rien que" difficiles à accorder entre eux, découverts en essayant de "découper" le bonhomme (atomes, molécules, cellules, tissus, organes, et puis le "tout").
Aujourd'hui, rien de si brutal...mais la même question :"Que suis-je?", avec une énumération affolante...Je suis :
-un individu humain, masculin, (plus qu') adulte
- un Français, à cheval sur les XXè et XXIè siècles. Né parisien, de parents parisiens. Mais ne remontons pas...
- si on remonte quand même, on trouve du Picard, du Limousin ...et ça se gâte : de l'Espagnol, du Russe, je n'ose pas aller plus haut...
- Parisien, mais pas à perpète : banlieusard, briard, voyageur,et Sétois pièce rapportée
-élève, enseignant, sportif, éducateur , militant (associatif, syndical, politique), dirigeant (id), autodidacte, universitaire, pêcheur, peintre,joueur, essayiste, poète (si!), mari, père, grand-père et arrière, ami, voisin, citoyen, sapiens (pas tant...)
- avec des antécédents traumatologiques, pathologiques (pas trop logiques, comme dit le Canard)
-lecteur insatiable, tous terrains, bricoleur, amateur de jeux (bridge, échecs, go, énigmes et casse-tête, "cadavres exquis" et "écrevisse" (j'expliquerai aux amateurs, on peut y jouer sur Mediapart) )
Pourquoi cet autoportrait indécent? Parce que je me considère comme "lambda", et que je suis sûr que tous mes congénères sont aussi "plusieurs" que moi, et doivent avoir les mêmes difficultés à accorder les violons de leurs orchestres cacophoniques. parce que tous ont, comme moi, soif de clarté, d'unité, d'accord avec soi-même. Avec les autres, c'est encore plus compliqué...
Comment fait-on, en pratique? On choisit! Et voilà les "rien que" qui reviennent en force. A tel moment, je suis pêcheur, et rien d'autre. Et si un autre "moi" se pointe, je le renvoie sèchement :"Fais pas chier!". Si on me demande de me présenter, je ne le fais pas toujours de la même façon :"Votre nouveau voisin.", "L'assuré n°...", "Le père de...", "Le prof de...". Jamais on ne m'a traité de menteur, et jamais on ne m'en demande plus (ou presque jamais) ; je le répète, je viens d'être indécent -ou au minimum encombrant, ennuyeux.
Le drame à répétition, c'est que mes choix me reviennent en boomerang . "Comment, tu oses te conduire en prof, alors que tu sais bien que cet élève est...(autre chose qu'un élève, choisissez vous-mêmes)" "Tu es père, et neuf soirs sur dix, neuf week-ends sur dix, pas à la maison..." L'accord des violons, problème insoluble. Les choix? Aucun ne tient la route tout du long .
Et moi, jamais complètement d'accord avec moi-même, il me faut me mettre d'accord avec mes congénères, aussi pluriels que moi? Alors qu'en plus, avec eux, je n'ai pas beaucoup le temps d'accorder soigneusement : on a des choses à faire ensemble, pas à discuter de ce qu'on est, ou pas ; pas à démêler les dialogues de sourds. Pour tout ça, qui serait si important, il faudrait dégager des sessions tranquilles et longues, être exigeants, vétilleux. On ne le fait jamais...Alors que, un grand nombre de mélodies différentes qui s'accordent, ça ferait une si belle symphonie...
Nouvel argument pour la diminution du temps de travail hebdomadaire, me souffle mon "moi" militant. Comment lui donner tort? Et mon "moi" professionnel intervient :"Tu sais bien qu'on est enseignant à temps complet, et qu'il y a toujours un savoir quii te manque, une analyse de tes observations pas assez poussée, un cas particulier qui traîne.". Il a raison aussi...
On finit par admirer ceux qui ont dressé des cloisons étanches entre leurs kyrielles de "moi". Et par plaindre ceux qui ont vraiment choisi, et qui "ne pensent qu'à ça" (je les ai trouvés plutôt côté fric, ou pouvoir, ou les deux :là, pas de contradiction ni de concurrence déloyale. Mais ceci est une autre histoire...