The Infinite Pleasures of the Great Unknown : voilà une pièce sur laquelle il est difficile d’écrire : enchevêtrement de corps, enchevêtrement d’idées et de degrés de lecture, enchevêtrement de sentiments. Simon Vincenzi nous introduit dans un monde où la fiction et la réalité se confrontent sans cesse, où les sentiments de terreur et de grâce se combinent à en perdre ses repères.
Dans cette pièce au rythme lent, basée sur une relecture du Testament du Dr. Mabuse de Fritz Lang, le spectateur est plongé dans un univers sombre et semi-mort. Une fois entrés dans la pénombre au compte-goutte, les éléments apparaissent les uns après les autres : fleurs défraîchies, lits de camps, présences étranges de dormeurs, déchets de toute sorte, le tout sous la surveillance permanente d’un agent de sécurité.
Sur scène, impossible de décrire si nous assistons à du théâtre, de la danse, du cinéma, ou à une installation plastique : c’est tout cela à la fois. Les danseurs jouent d’un double langage, en réponse au Testament du Dr. Mabuse, diffusé sur une vieille télévision dont l’écran ne peut être vu que par les performers. Ces derniers s’enchevêtrent alors comme un chœur, terrorisé par la figure de Mabuse comme par le media lui-même, rejouant le film en un seul personnage, entre identification et peur. Et brusquement, surgissent des instants chorégraphiques contaminés, hantés et emprisonnés par la terreur elle-même, l’abîme profond de l’être vivant. Le chœur explose alors, pour se regrouper quand le film reprend ses droits.
Mais le cœur de l’installation, demeure ce medium qui fait basculer la performance dans la fiction, medium central qui renforce cet aller-retour entre le vivant et la représentation, la réalité et la fiction. Les danseurs apparaissent en effet sur scène derrière un écran noir, qui concentre à la fois la projection même et l’origine de la captation, comme un miroir sans teint. Accumulation vertigineuse des langages et des sens de lecture.
Au milieu de cette frénésie retenue et contenue par le media cinématographique, une figure apparaît, comme la conscience personnifiée de la Troupe Mabuse, livrant une version de Beginning to see the light, d’un cynisme à faire froid dans le dos, allié à une grâce indescriptible, au plaisir cathartique.
Voir le site www.operationinfinity.org
Crée au Tramway , Glasgow / les 6-7 juin 2008 //En tournée : Toynbee Studios , Londres, 19-21 juin // inteatro , Polverigi, 28 juin 2008 // Theater der Welt , Halle, 2-3 juillet 2008