Le dernier jour c’est nostalgie en instantané, moment renversé sous le ciel, c’est fini mais pas tout à fait, elle a sept ans. Elle aime déjà la nostalgie en instantané elle dit : on reste tard, hein, ce soir ?
Oui, on va traîner sur la plage jusqu’à pas d’heure, ombres devant l’eau étale. La mer est là, juste derrière la dune, les fleurs rases qui sentent le curry, ganivelles et blancs œillets des sables. Les peaux ont chauffé, cet après-midi, sur le sentier étroit, elle dit : « Je veux faire pipi ».
« Va », dis-je, geste ample qui englobe l’Atlantique, et le carré sableux à ses pieds.
Le petit ,déjà loin, crie: « elle est haute ! »
Elle danse d’un pied sur l’autre, avec son air offensé, beauté brassée lissée entre vent et mer, genou salé écorché qui récuse le rose et les volants qui lui semblent être parfois le lot obligé des filles.
« Peux pas », dit-elle, lointaine.
C’est une petite fille qui se méfie des adultes. Les adultes mentent, m’a-t’elle dit un jour. C’est quoi, l’abstrait, a t-elle demandé un autre jour. Depuis elle dessine et peint, de temps en temps, des formes violentes et colorées. Le reste du temps, bien sûr, elle montre ses princesses, raides et éclatantes.
« Peux pas », dit-elle, un effort tout de même.
Le ressac, pas loin.
Remonte un souvenir ancien, impression, intuition, c’est le dernier jour.
« Debout ? »
« Mmm », dit-elle. « Vouiii ».
Debout, c’est face à la mer, par delà la dune, c’est au-dessus. Elle envoie promener
le short, le maillot, elle se campe, vue sur l’océan.
« Tu fais quoi ? », crie le petit là bas.
Elle court, elle dit « pipi », elle se retourne un doigt sur les lèvres, elle articule silencieusement « debout », et elle rit, elle rit.
C’est le dernier jour, le soleil a plongé, tiens, le sable est encore tiède, je suis une adulte qui ment, sûr, la tête calée près d’un filet qui sent la marée, j’écoute son rire, l’instant s’inscrit ailleurs, vers la frange lumineuse du continent noir, là bas : « debout ! ».