Billet de blog 8 novembre 2011

patrick rodel

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Le vol des grues

Les journées sont bousculées, lourdes, grises pour qui écoute les nouvelles du monde et s'y ajoutent les souffrances des uns et des autres, les maladies, les deuils, les divorces - et c'est un cri qui, hier, m'a redonné courage et fait sortir, dans la nuit, sur le pas de la porte du jardin. Celui des grues qui passaient au-dessus de la maison - comme chaque année à la même saison - très haut dans le ciel mais pas assez pour que nous n'entendions pas le battement régulier de leurs ailes.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les journées sont bousculées, lourdes, grises pour qui écoute les nouvelles du monde et s'y ajoutent les souffrances des uns et des autres, les maladies, les deuils, les divorces - et c'est un cri qui, hier, m'a redonné courage et fait sortir, dans la nuit, sur le pas de la porte du jardin. Celui des grues qui passaient au-dessus de la maison - comme chaque année à la même saison - très haut dans le ciel mais pas assez pour que nous n'entendions pas le battement régulier de leurs ailes. Je ne les voyais pas bien, leur silhouette se détachait mal sur les nuages qui s'éclairaient aux lumières de la ville, mais j'entendais leur appel. Leur formation est moins régulière qu'on le dit, elles tournent parfois en rond pour attendre quelques retardataires ou comme si elles hésitaient sur la directions à prendre - mais c'est pure coquetterie de leur part car leur voie est toujours tracée et elles s'en éloignent rarement : elles coupent la Garonne entre le Pont de pierre et le Pont Saint-Jean et elles filent au-dessus de Saint-Michel vers Bègles et les Landes.

Comme chaque année, à la même saison, elles accomplissent leur rite de grande migration, quittent les régions du nord à l'approche de l'hiver pour se diriger vers le Maroc d'où elles reviendront au printemps. J'aime cette régularité, cette scansion des passages saisonniers des migrateurs, alors que tout s'agite en nous et autour de nous dans le plus grand désordre;c'est un rythme rassurant et apaisant et je me sens triste si elles ne me préviennent pas qu'elles sont là, au-dessus de ma tête. J'aime aussi que les chasseurs ne s'y intéressent pas et ne cherchent pas à les prendre dans le filet de leurs ruses.

Je me souviens du Merveilleux voyage de Nils Holgersson de Selma Lagerlof qui me faisait rêver quand j'étais môme. Ce n'était pas le voyage en tant que tel qui m'attirait, mais le moyen de transport, la douceur des plumes du grand jars, son col duveteux qu'enserraient les bras de Nils, la possibilité de voir non pas un autre monde mais le monde que je connaissais sous un autre point de vue. De toute manière, ce n'était qu'un livre, je ne quittais pas ma chambre.

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