Les cigognes de mon enfance étaient des oiseaux sauvages et migrateurs.
Elles venaient chaque année passer l'été avec nous, vacancières un peu hautaines, un peu fières. Depuis leur nid, en haut d'un clocher, d'une cheminée, d'un peuplier, elles nous regardaient de haut. Ce nid, il ne fallait pas y toucher, de peur qu'elles ne reviennent plus. A la fin du mois d'août, avec les hirondelles, elles repartaient en Afrique.
L'hiver passé, quand la première cigogne apparaîssait dans le ciel, le bruit courait dans le village, à la vitesse d'un feu de poudre: "Elles sont là!"
Les grand'mères prenaient leurs petits-enfants dans les bras et sortaient dans la rue pour leur montrer la cigogne. Il y avait des rires, des cris. Dans les champs, ceux qui travaillaient, s'arrêtaient un long moment, la tête en l'air, appuyés sur leur outil, observant les cercles que dessinait dans le ciel le grand oiseau blanc. Puis ils se regardaient. Ils n'avaient rien à se dire. Il suffisait d'un grand sourire.