C’est une lassitude sans nom. Je sors du travail et il fait déjà nuit. Je n’aime pas sortir du travail quand il fait nuit. Penchée sur le clavier et les yeux rivés sur l’écran de l’ordinateur, je n’ai pas vu cette journée. Je n’ai pas senti la douce tiédeur d’automne effleurer ma peau, pénétrer mes narines, réchauffer mon corps anesthésié dans ce local bocal.
Je remarque à peine les files lumineuses d’autos sur le boulevard, ma voiture est comme une monture qui retrouve seule la route qui mène sur la colline. Seul un premier quartier de lune commence à délayer le chloroforme de ce vendredi fin de journée qui bondit vers le début de soirée. La clé ouvre la serrure de la maison et je suis lasse. Ma tête est pleine d’inutilités du jour qui n'ont pas voulu rester au bureau. Le silence de l’obscurité m’accueille mais les ombres disparaissent d’un coup d’interrupteur. Le silence aussi disparaît, je suis aux aguets et tous mes sens sont en éveil. Je l’entends. Il craquette. Un grillon est caché dans la pièce et ne cesse de badiner. J’avance, rien ne l’arrête, il conte fleurette à mes pas qui le cherchent.
J’ai fureté, je ne l’ai pas trouvé, il a continué à chanter et j'ai souri. C’était il y a une heure et il craquette encore à qui mieux mieux. Il fredonne dans ma tête. Ce grillon chanteur et enchanteur m’affranchit de cette journée.