«Renonce à toute chose qui vient de la raison. À présent est venu le temps de la folie.» (Djalal-Ed-Din Rûmi)
"Sublimes paroles de Nasr Eddin Hodja".
Pour ceux qui ne connaissent pas ce personnage mythique célèbre dans tout le monde musulman, des Balkans jusqu'en Chine, je vais tâcher de vous distiller quelques unes de ses histoires rocambolesques.
Nasr Eddin Hodja c'est l'idiot complet, ou plutôt l'idiot "accompli", qui aurait atteint le stade sublime de l'idiotie.
Ses histoires sont comme des énigmes où l'accent serait mis sur le dérisoire, sur le risible de toute situation de conflit, et qui nous inviterait, par delà, à rire de notre prétendue capacité à appréhender la réalité sous prétexte que nous sommes à même d'en mesurer les apparences.
Un jour Nasr Eddin trouve par terre un morceau de miroir. Il le ramasse, s'y regarde et s'y trouve laid. Il le lance alors violemment au loin en lui criant: " Hors de ma vue! Je comprends, à présent, pourquoi on t'a jeté!"
On aimait bien embarrasser Nasr Eddin avec des questions oiseuses, ou carrément impossibles à trancher. Un jour on lui demande :
Nasr Eddin, toi qui es versé dans les sciences et les mystères, dis nous quel est le plus utile, du soleil ou de la lune.
La lune, sans aucun doute. Elle éclaire quand il fait nuit, alors que ce stupide soleil luit quand il fait jour.
Un soir à la maison de thé, des anciens combattants, vantards et braillards, se racontent leurs campagnes.
Avisant le Hodja qui semble les regarder dans son coin avec ironie, l'un d'eux le prend à partie :
Ô Nasr Eddin, gros impotent! Raconte-nous donc aussi tes exploits.
L'assemblée part d'un grand éclat de rire.
Par Allah le Véridique! répond Nasr Eddin, écoutez bien ce haut fait : un jour, sur le champ de bataille, je me jette sur un Tartare et d'un seul coup de sabre je lui tranche les deux jambes.
Mais si tu es si fort, lui rétorque le fier à bras, ce ne sont pas les jambes qu'il fallait lui trancher, c'est la tête.
Impossible. Quelqu'un l'avait déjà fait avant moi.
Voilà, si les élucubrations de ce génial idiot vous plaisent, je pourrai vous en distiller quelques autres qui vous démontreront l'inanité, la futilité du monde où nous vivons...
("Sublimes paroles de Nasr Eddin Hodja", recueillies et présentées par Jean-Louis Maunoury, Phébus-libretto, 2002. Mon introduction est tirée de celle de J-L Maunoury.)