Deux heures de marche dans un enchevêtrement de fougères, de ronces et d'arbres pourrissants, mal protégés contre les averses qui semblent se concentrer au-dessus de nos têtes, des articulations rouillées à force d'humidité, des toiles d'araignée méchamment tendues au beau milieu d'un passage qui paraît libre. Et rien, désespérément rien ; un pannier vide. Pas une chanterelle, pas une girolle, pas une trompette de la mort - la mort, c'est moi qui vais la chopper.
Retour à la voiture, la tête basse, bredouilles nous sommes ! l'humiliation absolue pour des gens qui prétendent trouver des cèpes sur un terrain de croquet ! Mais, il y a encore ce coin, là-bas, à l'écart. Nous en avions trouvé, la dernière fois - cela remonte à trois ans ! - pourquoi ne pas tenter, encore une fois, notre chance ? Petit bois de chênes rabougris, au sol bien dégagé. L'oeil est à l'aguet. Ils sont là, ils nous attendaient, ils étaient faits pour nous, cinq ou six cèpes, massifs, charnus, obèses presque, bien campés sur leur pied énorme, le chapeau luisant à peine écorné par une limace gloutonne. Cris, rires, joie d'enfant, on battrait des mains, fiers comme si nous les avions faits...