Bamako, la semaine dernière, après-midi enrobée de chaleur sèche, quarante et deux degrés centigrade, larges pierres de pavage rouges, poussière, bitume traversé à la hâte entre les passages de voitures et motos, pieds d’ocre.
Sur ce chemin entre l’habitation et le restaurant, à peine dépassés 4 jeunes gaillards prenant le repos en discutant, voici que ma semelle se décolle et ne tient plus que sous le talon.
Zut, que fait-on, pousser jusqu’au resto, rebrousser chemin ? Deux fois 200 mètres, ou 350 ? Bah, de toute façon, enlever mes sandales, ça c’est sûr, et marcher à pied.
Quelques rires et commentaires se détachent dans mon dos…ah, la jeunesse en profite pour une petite moquerie distrayante, bien venue sous cette chaleur ...
Puis : « Madame !… Madame ! ».
Je me retourne et vois l’un de ces magnifiques jeunes hommes me tendre en toute simplicité la paire de tongs de son copain, assis pieds nus sur une courte chaise de bois. « Tenez Madame, mettez-les, c’est mieux ! », avec quatre grands sourires.
Moi, grands yeux ouverts : ces tongs ont vécu, mais peuvent vivre encore longtemps. Elles coûtent un jour de salaire, et qui sait depuis quand celui là n’a pas eu de salaire …
Je prends les tongs après avoir assuré de les ramener (« si tu veux, gardes les, pas de problème »), et ainsi chaussée, rejoins ma chambre où je changerai pour ma deuxième paire de sandales.
Dix minutes après, retour des tongs à leur propriétaire légitime, heureux de son prêt. Effusions réciproques, amples et simples, respect mutuel, remerciement, rires, l’évènement était bon, tout le monde est content.
Voila, c’était une scène de la vie ordinaire, dans un pays où les gens n’ont rien, tout en sachant encore l’offrir.