D'un modèle économique basé sur la raréfaction matérielle, nous pouvons observer de quelle manière la raréfaction sociale détermine davantage aujourd'hui l'émancipation individuelle. Alors que nous accumulions des objets pour constituer un patrimoine transmissible pour les générations futures, dans le but de produire un capital économique, nous préférons investir dans un capital culturel diversifié. Généré par un spectre de relations sociales diverses.
Si l'industrie met en œuvre des procédés de reproductibilité, et permet de cette manière une normalisation du domaine privé, elle s'attache en priorité aux objets en tant que tels. Cependant, nous pouvons constater l’appauvrissement qualitatif des relations sociales tissées par ces acquisitions matérielles.
Sortis de nos lieux de résidence respectifs, nous sommes face à un héritage quelconque d'objets qui nous renvoient une image de nous même tout aussi peu particulière. Face à cet état de fait, nous pouvons continuer à préférer une singularisation véhiculée par des objets possédant une infra-mince différence, raréfiés matériellement et autonomes par leur faible quantité, et leur nombre restreint de spectateurs. Mais il est possible de prendre le problème de façon différente et d'utiliser la répétition comme moteur de la différence. À partir d'objets génériques, nous pouvons avoir des usages qui changent radicalement leur contenu. En faisant de la répétition une simple apparence qui permet de dissimuler ce qu'est l'objet, nous pouvons différencier par notre interprétation et notre usage ce qui était identique.
Si nous considérons les produits, autant les objets que les images, fabriqués de façon industrielle comme des supports standardisés, rien ne nous empêche de leur attribuer une fonction, une signification telle qu'ils puissent être valorisés dans un système symbolique de proximité, restreint.
En somme, il s'agit de produire des systèmes symboliques dans lesquels nous modifions le fonctionnement d'objets génériques. Plutôt que produire des objets particuliers en fonction d'un système symbolique hégémonique.
L'autonomisation de l'art, permettant de légitimer sa position de pôle critique, est indépendante d'une reconnaissance massive. Mais cela accorde d'autant plus d'importance à l'opinion exprimée par les membres proches de la communauté. Cet effet est assez similaire à l'hypothèse que je formule et permet, par effet d'exclusion et donc de cohésion, de produire différentes communautés d'usagers. Définies par les différentes formes de vie pratiquées à travers des usages, des fonctionnements d'objets différents. La valeur d'usage des objets est alors augmentée lorsque nous pouvons leur injecter illusoirement un large éventail de qualités. On pourrai résumer cela en disant que plus l'objet possède un sens étroit et spécifique, plus il est particulier et singulièrement différent, alors plus il perd en valeur d'usage. Sans doute perd t il aussi de son capital culturel, mais cela reste à définir.
Considérant la production d'objets uniques, singuliers, comme obsolète, j'observe que la production d'objets génériques et standardisés ne permet toujours pas de vraiment aller vers une économie culturelle plus riche, complexe et diversifiée. En fait, la question n'est pas de savoir quoi produire mais de savoir comment réemployer ce qui à déjà été produit. C'est une sorte de postproduction ou la singularité ne se dégage pas suite à un agencement d'objets génériques, mais dans les usages de ces objets. Sans qu'il soit question de parvenir à en créer un autre.
Le principal intérêt de la culture de masse, c'est qu'elle puisse utiliser des moyens standardisés pour produire de la reconnaissance à l’intérieur de communautés bien spécifiques et cesse de faire de la reconnaissance large sa finalité. Ainsi elle devient moins hégémonique.