Hier soir, Edwy Plenel, cofondateur du site d’information Médiapart (mais qu’on ne présente plus), tenait une conférence dans l’auditorium du Musée de l’Arles antique à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie. On y était.

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Seules deux chaises sont installées sur la scène alors qu’Edwy Plenel intervient tout seul ce soir au Musée Bleu. Tout de suite, un symbole : « c’est une vieille coutume rurale qui laisse toujours une place pour un étranger de passage. » La conférence ‘’Vérité et réconciliation : pour une nouvelle fraternité franco-algérienne’’ commence tout en subtilité. Le grand ponte Plenel entame son exposé exactement dans la même position que l’année dernière à la même heure. A croire qu’il n’a pas bougé depuis l’été dernier. Les mêmes gestes, les mêmes yeux pétillants, il parle sans s’arrêter.
« Exorciser les fantômes du passé qui font surgir les diables du présent »
Le cinquantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie était au cœur de la discussion mais pour le cofondateur de Médiapart, il s’agit aussi de celui d’une « véritable déchirure française », qui a déterminé l’avenir de la France.
Comment parler de cette guerre d’Algérie, si longtemps considérée comme de simples ‘’évènements’’, qui a « travaillé la France en profondeur ? » Comment guérir de cette haine pour « recréer un imaginaire collectif » sans donner de leçons à ceux qui existent déjà et exorciser « les fantômes du passé qui font surgir les diables du présent » ? Toutes ces réflexions structurent la réflexion proposée ce soir et la question de l’histoire est centrale : non pas en tant que tribunal moral mais plutôt comme un travail sur la mémoire, sur ces mémoires blessées. Et puis tenter de comprendre comment la guerre d’Algérie a structuré la France d’aujourd’hui : plus d’empire colonial, une nouvelle constitution accouchée par le général De Gaulle, prophète de la Vème République et puis des valeurs érodées à travers les conversions de nombreux hommes politiques de tous bords à l’Algérie française.
« Dans le colonialisme, tout n’est pas bon mais tout n’est pas mauvais non plus »
Edwy Plenel en appelle enfin à « notre devoir : inventer un passé vivant, plein de contradictions et de nuances » pour éviter « une mise sous cloche de l’histoire : dans le colonialisme, tout n’est pas bon mais tout n’est pas mauvais non plus. » Le problème de la responsabilité de la France a posteriori n’est pas vraiment abordé et on reste un peu sur notre fin. Pas de « tribunal moral » mais une simple reconnaissance des faits par les autorités françaises et enseignée aux quatre coins de l’Hexagone pour que tentent de se faire la « vérité et la réconciliation » sur le modèle sud-africain du post-apartheid : créer des instances où tous les acteurs viennent raconter aux victimes leur vision des choses, échanger et comprendre sans craindre le couperet de la loi qui se fera aussi mais dans un autre lieu. Simplement tenter de s’écouter et de reconstruire un socle de valeurs communes.
Hélène Servel, du Gai Savoir