Les Suds traversent au fil des jours toutes les cultures, les rythmes et les couleurs. Durant ces dernières 24h, deux concerts peu ordinaires joués au théâtre Antique mettent en lumière les contrastes du festival : Anouar Brahem, le virtuose du oud tunisien et Emir Kusturica avec son rock balkanique débridé.
Anouar Brahem
Joueur de oud tunisien très réputé, il modernise avec brio la musique traditionnelle arabe avec du jazz et des musiques nouvelles.
Anouar Brahem, qui signe sur le prestigieux label de jazz ECM, est très méticuleux sur le rendu sonore, tout semble millimétré et mesuré parfaitement.



Concert particulier à Arles, puisque chose rare, il a accepté de jouer en extérieur, sur la grande scène du théâtre Antique.
Le spectacle est poignant. Les musiciens du quartet sont discrets, effleurant leurs cordes, presque invisibles sur l’immense scène du théâtre. Et pourtant, cette musique transporte par sa subtilité et sa grandeur.
Anouar Brahem mène cette traversée, les autres musiciens l’entourent sur scène, échangent parfois des regards ou quelques sourires avec lui. Mais l’échange le plus intense se fait entre les notes de la clarinette basse, de la darbouka, de la basse et du oud.

En 2008, un 14 juillet aussi, les Suds recevait sur cette même scène le poète palestinien Mahmoud Darwich pour un récital en musique accompagné du Trio Joubran. Trois semaines plus tard, il décèdera dans un hôpital à Houston après une intervention chirurgicale.
Anouar Brahem lui dédie son dernier projet « The Astounding Eyes of Rita », qui fait référence à « Rita et le fusil » issu de l'œuvre du poète palestinien.
Il ne le connaissait pas personnellement mais souhaitait rendre hommage « au poète, au Palestinien et au grand humaniste qu'il était. » confiait-il au Monde.
Le oudiste tunisien ne prendra le micro que pour présenter les trois musiciens et cet hommage, une révérence émouvante envers le poète palestinien qui nous souligne une nouvelle fois ces liens tissés malgré les frontières.

Emir Kusturica and The No Smoking Orchestra
Changement d’ambiance mais pas de décor avec le concert qui s’est déroulé la veille d'Emir Kusturica and The No Smoking Orchestra.

Des musiques balkaniques frénétiques à la sauce garage que huit mecs s’éclatent à faire sur scène. Ils n’ont pas l’air sérieux une minute, ça se marre, ça bouge beaucoup.
Dès le troisième morceau, plusieurs invitées exclusivement féminines montent sur scène. Emir Kusturica fait l’animateur, la grand frère joueur, le lourdingue.

Mais l’énergie attendue dans ce concert se fait attendre pour n’exploser que sur la dernière partie. Et elle provient indéniablement du groupe The No Smoking Orchestra, pas si non fumeurs que ça par ailleurs.
Longtemps considéré comme un groupe marginal, No Smoking Orchestra, initialement appelés Zabranjeno pušenje a toujours eu à cœur de se démarquer du rock’n’roll occidental. L’emprunte balkanique et soviétique est bien là, avec ce jeu de scène qui semble désorganisé, cet humour corrosif, tout en dénonçant la face cachée de la Yougoslavie communiste – univers dans lequel le cinéaste puise lui aussi son inspiration.


La filmographie de Kusturica est centrale tout au long du concert, où on parcourt de morceaux en morceaux ses films « La vie est un miracle », « Le temps des gitans », « Chat noir-Chat blanc » ou encore son dernier film « On the milky road ».
Entre chaque morceau, un interlude du thème la panthère rose, fil conducteur loufoque de ce concert. C’est tout aussi saugrenu que ces 3 notes des Pink Floyd jouées avant de partir sur leur fameux « Fuck you MTV », dont Emir Kusturica prend un malin plaisir à faire répéter le public.

Hommage à la culture de l'autre et légère saveur d'anarchie pour ces deux concerts bien différents au sein de ce même lieu magistral.