Annoncés mi-juillet, des espaces de protestation avaient été prévus pendant les Jeux Olympiques: trois parcs de la capitale où les manifestants peuvent sur inscription crier librement leur colère et défendre leur cause. Premier bilan mitigé: ces parcs restent vides alors que les inscrits remplissent les commissariats.
C'est Rowan Callick, journaliste australien à Pékin qui dresse le bilan de fréquentation de ces zones de protestations, un modèle éprouvé à Athènes en 2004 et aux j.o. d'hiver de Salt Lake City en 2002. Sans surprise, la plupart des demandes de manifestations pékinoises ont été rejetées
Signe qui ne trompe pas: les chauffeurs de taxi ont recu la consigne du département de la sécurité publique à Pékin de mentionner tout passager qui souhaiterait se rendre dans l'un de ces trois "parcs de la colère": le parc du Ritan, le parc du Monde et le parc du Bambou violet. Les informations recueillies sont le nombre de passagers, une description physique, la nationalité, l'endroit où ils ont pris le taxi et toute conversation intéressante qu'aurait pu comprendre le chauffeur. Par conséquent, des chauffeurs préfèrent refuser la course, prenant le risque d'une amende.
Chaque demande de manifestation doit être établie cinq jours à l'avance et inclure l'identité, l'adresse et les slogans des organisateurs. Comme l'explique le New York Times, les manifestants ne peuvent pas remettre en question l’unité nationale ni la stabilité sociale. Du coup, toutes les demandes de manifestations se voient refusées.
Parmi ceux qui avaient prévu de manifester, on trouve les membres de la Ligue des Patriotes qui ont souhaité s'insurger contre l'arrivée aux Jeux du premier ministre japonais Yasuo Fukuda, à bord d'un avion militaire japonais. Leur demande a été rejetée. Autre exemple: Ge Yifei, médecin de 48 ans. Elle souhaitait manifester sa colère contre l'attitude de fonctionnaires de Suzhou, sa ville natale près de Shanghai, à propos d'un terrain à bâtir. Alors qu'elle négociait sa "manif" avec les policiers de Pékin, des policiers de Suzhou se sont rendus sur place la ramener à la maison. Les portes-parole des parents des enfants victimes de l'effondrement de leurs écoles pendant le tremblement de terre du Sichuan qui devaient manifester légalement contre la corruption de leur gouvernement local, ont été bloqués à l'aéroport de Chengdu (capitale du Sichuan) par les policiers locaux. Dernier exemple: Tang Xuecheng, originaire du Henan. Il s'est inscrit il y a une semaine afin de protester seul contre un autre cas de corruption locale. Il vient d'être arrêté et escorté vers sa région natale. Ce genre de manifestations est monnaie courante en "province". Elles sont couvertes par les médias chinois mais ne trouvent jamais de relais à Pékin, lieu du pouvoir central.
Le journaliste australien Rowan Callick s'est enfin rendu dans le magnifique parc de Ritan Gongyuan, vieux de 478 ans et l'une des trois espaces dédiés aux manifestants légaux. Il n'y a vu aucun manifestant, aucun panneau pour signaler l'endroit mais seulement quelques policiers et des vieilles dames adeptes du tai chi, des musiciens à la retraite, des joueurs de cartes. Le directeur du parc Dong Liyang, qui emploie 100 ouvriers, lui a expliqué qu'il n'avait recu aucune consigne de la part de ses supérieurs concernant d'éventuels rassemblements et qu'il n'avait, de fait, rien aménagé de particulier.
Quoiqu'il en soit, je donnerais beaucoup pour assister à l'une des réunions des membres du PCC qui aboutissent à ce genre de décision absurde. J'imagine qu'il doit y avoir deux camps. D'un côté, les vieux apparatchiks amoureux de Mao qui se fichent pas mal des protestations des pays étrangers et les autres, plus jeunes et partisans d'une ouverture aux idées de l'occident, par conviction ou peur de perdre la face.
*La vidéo montre l'arrestation de Christiane Chan qui manifeste régulièrement pour le Tibet. Ici à Hong Kong, lors d'une compétition équestre.