Gérard Desportes

Journaliste à Mediapart

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Billet de blog 4 novembre 2009

Gérard Desportes

Journaliste à Mediapart

François Fillon en facteur d'ordre de la droite et du gouvernement

La cloche vient juste de sonner. Il n'est pas encore 15 heures, ce mercredi 4 novembre, et l'hémicycle de l'Assemblée nationale est encore vide de députés.

Gérard Desportes

Journaliste à Mediapart

La cloche vient juste de sonner. Il n'est pas encore 15 heures, ce mercredi 4 novembre, et l'hémicycle de l'Assemblée nationale est encore vide de députés. Sur le banc du gouvernement, il y a Valérie Pécresse qui gribouille une note, Roselyne Bachelot qui pense et – assis l'un à côté de l'autre – Fadela Amara, la bébé-Julien Dray élevée en politique au lait des potes et de SOS-Racisme, et Christian Estrosi, le bébé-Médecin éveillé à la vie par ce qui se fait de plus dur dans la droite niçoise. Ils se parlent. Et tout à coup, Fadela Amara éclate de rire, à gorge déployée. Un rire qui tranche dans le paysage gouvernemental. Oui, quelque chose cloche. Qu'on ignore et qui - de la tribune de presse - sonne bizarrement.

Depuis vingt-quatre heures, comme Mediapart l'a raconté mardi 3 novembre, l'exécutif est dans la tourmente et les parlementaires de la majorité n'en finissent plus de faire entendre désaccord et désarroi. Entre l'Elysée et le Palais-Bourbon, ce ne sont que grimaces et rictus crispés, gravité et serrage de boulons. La violence des affrontements se lit dans les journaux comme elle se devine sur les visages. Et elle rit, elle, la fille des banlieues, et lui le macho de la Côte.

Quelques heures avant, durant le conseil des ministres, Nicolas Sarkozy avait cru devoir se fendre d'un rappel au règlement: so-li-da-ri-té. Rama Yade, Henri Guaino, tous les membres du gouvernement et, au-delà, tous les chefs de la majorité qui ruent dans les brancards étaient appelés à rentrer dans le rang. A la sortie du conseil, on interroge le porte-parole, Luc Chatel, pour connaître les termes de l'admonestation: «Il n'a cité personne mais il s'est adressé à tout le monde. Le rappel concerne tout le monde. Il faut de la solidarité.» On a connu le porte-parole plus convaincant.

Quelque chose cloche mais quoi? L'équipe de la belle époque du sarkozisme triomphant qui continue de s'étioler avec le départ confirmé de Patrick Ouart, le conseil justice du chef de l'Etat, qui retourne pantoufler chez LVMH? Le fait que la «frilosité» dont parle Nicolas Sarkozy à l'adresse de sa majorité finit par modifier les comportements, brouiller les repères et gripper la machine?

Donc, la réservée Fadela s'éclaffe. Ce qui lui arrive rarement. Et au moment des questions au gouvernement, dans un hémicycle cette fois chauffé à blanc pour une scéance musclée entre la gauche et la droite, que penser de tous ces ministres – Valérie Pécresse, Patrick Devedjian, Roselyne Bachelot, Bruno Le Maire – qui prennent soin d'associer dans leur réponse François Fillon, alors qu'il y a encore peu il n'y en avait que pour Nicolas Sarkozy et pour lui seul.

Et que penser de la standing ovation qui a ponctué la réponse du Premier ministre à l'attaque de Jean-Marc Ayrault? Le patron des députés du PS venait de clouer au pilori l'action du gouvernement et le bilan du président de la République depuis qu'il occupe le palais de l'Elysée.

Après une réponse tout aussi virulente («Je confesse qu'un échec, c'est de n'avoir pas réussi à remettre en mouvement le PS»), François Fillon s'est taillé un succès, qui en dit long sur sa cote de popularité actuelle chez les députés (et ses propres ministres).

La politique a horreur du vide. Elle fonctionne aussi selon le bon vieux principe des vases communicants. Le rire de Fadela, comme la claque des députés de la majorité, disaient, mercredi, la difficulté de Nicolas Sarkozy à s'imposer dans un jeu qui lui échappe.