Mercredi 21 octobre, à l'Assemblée nationale, il était moins important d'être en séance que de traîner dans les couloirs. Petite journée dans l'hémicycle, jusqu'à la suspension du soir, avec tout du long le budget en plat de résistance. Jérome Chartier pour l'UMP et Pierre-Alain Muet pour le PS n'ont pas apporté leur pierre à l'édifice. L'un votera le budget, l'autre pas. Les deux sont d'accord pour dire que demain (ou un autre jour), il faudra s'attaquer au déficit et à la dette qui explose. En revanche, grande journée en coulisses où la condamnation requise contre Dominique de Villepin a aiguisé les rancœurs au sein de l'UMP autant que les attaques répétées contre le bouclier fiscal.
La vengeance en politique se réduit-elle à un croc de boucher? Réponse: non. Il fallait voir, salle des quatre colonnes, la légère escadrille des villepinistes – Georges Tron, Hervé Mariton, Jean-Pierre Grand – fondre sur les journalistes pour expliquer à peu près dans les mêmes termes que le procureur Jean-Claude Marin – qui avait requis la veille contre Dominique de Villepin – avait agi «sur commande».
Et qu'il en était sur-le-champ remercié puisque «si personne ne lit le JO, il y a encore des gens pour acheter le vrai journal officiel, le Figaro, dans lequel il est imprimé ce matin que Marin serait bientôt nommé procureur général de Paris». Que ni l'impétrant, ni celui qui le gratifie au plus haut sommet de l'Etat, n'emporteront «cette vilénie» au paradis. Et que d'ailleurs, «l'affaire remuait les collègues». Il y avait du dépit, de la hargne et au final une gigantesque envie d'en découdre. La vengeance appelle la vengeance.
Il y a eu une autre chiraquienne qui s'est distinguée hier, Marie-Anne Montchamp, la député UMP du Val-de-Marne qui est à l'origine d'une grande première: ayant refusé de voter le projet de loi de finances de la Sécurité sociale, s'abstenant donc avec quelques élus du Nouveau Centre, voilà que la commission des finances s'est retrouvée à part égale entre les oui et les non et n'a pas pu donner son avis sur le texte! Du jamais vu.
Certes, le projet n'est pas arrêté pour autant mais pour la majorité c'est évidemment un avertissement parce que, derrière cette anecdote, c'est toute la politique fiscale du gouvernement qui s'en trouve encore un peu plus affaiblie. La raison officielle du geste de Marie-Anne Montchamp? La vengeance, celle qu'on revendique, la légitime.
Mardi 20 octobre, son amendement visant à exclure la contribution au remboursement de la dette sociale ( CRDS) de l'assiette du bouclier fiscal avait été retoqué. Et puis, il y a la vengeance que l'on garde pour soi, celle que l'on tait. La circonscription de Marie-Anne Montchamp a fait l'objet d'un soin particulier de la part de la commission Marleix chargée du redécoupage des circonscriptions. La sienne, la 7e du Val-de-Marne, fait partie des quinze à droite (et des 18 à gauche), qui vont disparaître. Pas assez sarkozyste la députée. Toujours la vengeance.
Le groupe socialiste a préféré voir le bon côté des choses saluant le «courage politique» et le «sens de l'Etat» de Marie-Anne Montchamp «dans cette période où les députés de la majorité sont muselés par le président de leur groupe». Ils sont gentils, les socialistes.
Il va avoir du boulot Jean-François Copé, le patron des députés UMP. D'abord pour passer un savon à ceux qui ne sont pas venus, mercredi, en commission, laissant la gauche faire son petit coup de pub, et Marie-Anne Montchamp son coup de semonce. Ensuite parce qu'ils sont quelques-uns à vouloir assouplir le bouclier fiscal, compte tenu du fait que le déficit de l'Etat dépassera les 116 milliards et celui de la Sécu approchera les 34 en 2010.
Mais si la vengeance donne du courage et fait pousser des ailes, on ne peut pas dire que ce sentiment soit largement partagé. Dans les couloirs, oui, il se trouve des députés UMP pour raconter que, dans leur circonscription, «depuis la taxe carbone, le bouclier fiscal, ça passe plus». Mais en séance, pour le moment, on ne se précipite pas au portillon. C'est même l'inverse. La vengeance, parfois, engendre le repentir.
Ainsi, quelques heures après cette mémorable séance en commission, mais à la tribune cette fois, un autre gentil, Charles de Courson, du Nouveau Centre, a voulu gommer la méchante impression laissée le matin par son parti. S'il a redit qu'il fallait que les plus fortunés financent la solidarité, il a tout de même affirmé qu'il ne fallait pas toucher au bouclier fiscal et que le Nouveau Centre voterait le budget. Eric Woerth, le ministre concerné, a apprécié.
A noter que la commission des affaires sociales a voté une hausse de 6% du prix des cigarettes. Jean-François Copé et Xavier Bertrand ont gagné. Le lobby du tabac aussi. Roselyne Bachelot, elle, mange son chapeau qui souhaitait une augmentation de 10% par an chaque année sur cinq ans pour financer le deuxième plan cancer. Et nouveau problème pour le gouvernement: où trouver l'argent qui va manquer pour attaquer le crabe? Un détail dans cette océan de dettes et de déficit.