Et de quatre. Jean-Marie Le Pen a de nouveau qualifié, à deux reprises, mercredi 25 mars, de «détail» de l'histoire les chambres à gaz, cette fois-ci devant le Parlement européen. Rien de tel qu'une bonne vieille provoc' pour relancer sa médiatisation à quatre mois des européennes. Surtout quand on est protégé par son immunité parlementaire.
Le président du Front national a estimé avoir été victime «d'accusations diffamatoires» de la part du président du groupe socialiste du Parlement dont il est un élu, Martin Schulz. Ce dernier l'avait qualifié mardi de «vieux fasciste» et de «négationniste de l'Holocauste». «Je me suis borné à dire que les chambres à gaz étaient un détail de l'Histoire de la guerre mondiale, ce qui est une évidence», a déclaré Le Pen mercredi au Parlement européen, sous les huées.
Un dérapage incontrôlé? Pas du tout. Le fondateur du FN le sait, en tant que député européen, il est protégé par l'immunité parlementaire.

En 1989 pourtant, cette même immunité avait été levée (voir le reportage de l'époque ici), après ses propos sur le ministre de la fonction publique, Michel Durafour - qu'il avait surnommé «Durafour-crématoire».

Jean-Marie Le Pen avait alors dénoncé «une maneouvre du gouvernement pour le faire taire». «Je ne suis pas antisémite, se défendait-il au micro de la Cinquième (voir les images ici). Le parlement européen n'a pas à juger de cette question, il n'y a pas de déni dans ce domaine. La liberté d'expression politique est faite pour des citoyens qui sont égaux (...). J'ai droit aux mêmes protections que les autres citoyens».

Le dérapage est d'autant plus volontaire que Le Pen est en mal de médiatisation et tente de reprendre le contrôle d'un navire qui chavire, à quelques mois des européennes. Vidé de ses cadres historiques - beaucoup ont rejoint le mouvement de Carl Lang -, déchiré par une guerre de succession, endetté jusqu'au cou, le FN survit difficilement. Rien de tel qu'un retour aux vieilles formules et provocations pour lancer sa campagne aux européennes, donc.
Une recette qu'il a encore appliquée le 8 février dernier, lorsque, en visite à Marseille, où il est tête de liste pour les régionales, il a déclaré qu'«il y a 300.000 musulmans» dans la ville et que «le jour où ils seront 800.000, le maire ne s'appellera plus Gaudin mais peut-être Ben Gaudin» - ,
«L’idéologie du FN est plus une idéologie de circonstances qu’une idéologie structurée, confiait à Mediapart le chercheur Joël Gombin, en marge de notre enquête. Le Pen doit donner des gages à son électorat. Dieudonné et Soral sont des postures qui renvoient à la nécessité vitale du FN de faire parler de lui, d’être sur le devant de la scène, mais aussi à un goût très prononcé de la provocation.»
Des provocations qui commencent à lui coûter cher. Après le «détail» de l'histoire (des propos tenus sur RTL en septembre 1987 puis répétés en 2005 et en 2008 - lire notre article du 25 avril), il avait été condamné à verser 1,2 million de francs (183.200 euros) d'amende.
Cette nouvelle sortie intervient alors que Le Pen est au centre d'une polémique agitant le Parlement européen. Etant le doyen d'âge du Parlement (il a 80 ans), le fondateur du FN pourrait avoir à présider la prochaine session inaugurale de l'assemblée. Plusieurs groupes, dont les socialistes, s'y opposent et demandent la modification du règlement du Parlement.
En juillet 1989, l'ex-cinéaste français Claude Autant-Lara avait déjà provoqué un scandale au Parlement européen. Elu sur une liste du FN et doyen de l'assemblée, il avait prononcé un discours à l'occasion duquel une grande partie de l'hémicycle s'était vidée en signe de protestation.
Mercredi après-midi, pour être sûr d'être entendu, Le Pen en a remis une couche au Parlement européen. Le «détail» est désormais un refrain. Pas sûr que sa fille Marine, qui avait déjà condamné ces propos, apprécie.