Les pauvres savent bien que les protéines les moins chers sont les œufs et le thon en boites. Sauf que quand t’as plus une thune et que le jour béni du 6 tombe dans une semaine, c’est la dèche. Avoir faim, il faut l’avoir vécu pour savoir…
Je ramasse toutes les piécettes que je peux trouver. Dans les plis du canapé, sous le lit, je fouille toutes les poches de mes vêtements. Je vais au Franprix, et devant une file de gens pressés et agacés je dépose avec honte, sous l’œil fatigué et réprobateur de la caissière, une pile de petite monnaie en espérant avoir bien compté les 2€65 nécessaires à l’achat de la boite d’une douzaine d’œufs. En rentrant chez moi, mon estomac comprend qu’il y a de l’espoir et se met à gargouiller furieusement.
Arrivé à la maison, 10 minutes de cuissons pour les œufs durs ! (Je préfère les œufs au plat mais pour cela faut de l’huile ou du beurre). Et après... un instant de bonheur. Je gobe huit œufs avec voracité. Mon estomac se met à faire tout un tintamarre. Au début il est content, mon estomac. Mais quand, il comprend que je viens de bouffer huit œufs d’un coup il me signifie sa désapprobation par une sensation de nausée écœurante. J’ai envie de vomir mais je lutte. Mon corps a besoin de ses protéines. Je ne vais pas les gâcher bêtement en les gerbant dans la cuvette des chiottes.
Alors j’attends. Pris en otage par le mal au cœur, je m’allonge…
Le temps. Beaucoup en manque, moi j’en ai trop. Mais que faire ? Je suis à coté de vous pas loin, mais en dehors de ma propre histoire. Je vous entends de ma fenêtre entre-ouverte. J’entends la vie : Vibrante et tourbillonnantes. Je vous entends rire et crier. J’entends les enfants piailler au parc d’à coté.
J’entends et j’attends.
Plus que six jours à tenir. Il me reste quatre œufs durs…