Quand au bout d’une demi-heure d’attente, on aperçoit enfin Sara Silveira, la productrice brésilienne du film en compétition Girimunho, c’est une petite dame à la voix rauque s’exprimant dans un français à l’accent chantant qui nous accueille, manifestement ravie d’être là. Dès lors, son retard est vite oublié, tant sa bonne humeur est communicative.
Elle semble fascinée par l’ambiance qui règne à Nantes pour ce festival. « Je sens que les gens s’intéressent, ici, ils font preuve de la patience nécessaire. » Si le festival vient tout juste de commencer, elle semble déjà avoir pris ses marques puisqu’elle ne peut faire un pas sans rencontrer une connaissance. « Oui, comme je disais, c’est la première fois que je viens à Cannes ! » plaisante-t-elle. Comme un poisson dans l’eau.
L’enfance de l’art
Son premier souvenir de cinéma remonte à l’enfance : « Mon cousin était gérant d’une salle à Porto Alegre. Le week-end, ma mère nous y jetait, mes frères et moi, et elle partait faire des courses. » Déjà, le cinéma tenait une place de choix dans ses jeux d’enfants : « On découpait les BD pour ensuite les coller sur une bande, comme une pellicule, qu’on faisait ensuite défiler dans une petite boîte. » Bien plus tard, comme beaucoup de jeunes en Amérique Latine pendant les années 70, elle fuit la dictature et part pour l’Europe.
Une vocation acharnée
Lorsqu’elle revient au Brésil, après des études de droit à la Sorbonne et une thèse jamais terminée, elle annonce à son père sa grande décision : « Je lui ai dit : je veux faire du cinéma. Il ne m’a pas parlé pendant un an. » Sous ses airs fantasques, on discerne bien vite une détermination à toute épreuve. Prête à aller au bout de ses ambitions, elle est finalement engagée comme assistante de production au Brésil, devient ensuite technicienne, puis travaille dans la production exécutive. Une productrice est née.
La danse des équilibres
En 1991, elle monte sa première maison de production, Dezenove, avec celui qu’elle appelle son grand amour cinématographique, Carlos Reichenbach. « Beaucoup de boîtes de production se diversifient dans la publicité ou la télévision. Au Brésil, on est très peu à se focaliser essentiellement sur le cinéma. » Et dans le cas de Dezenove, c’est le cinéma d’auteur qui est en ligne de mire. « Ce qui m’intéresse particulièrement, c’est de faire des premiers films ». Néanmoins, un de ses projets à venir est un film plus commercial, une production pour la télévision. « C’est un vrai challenge » précise-t-elle, visiblement aux anges d’avoir un nouveau défi à relever. En jonglant avec deux à trois films par an, Sara Silveira compare son métier à un bal : « Il faut que je danse, que j’arrive à garder l’équilibre ! »
Une place parmi les hommes
Si elle considère le cinéma comme un monde plus libre, au Brésil comme ailleurs, il n’en demeure pas moins que ce sont encore les hommes qui, la plupart du temps, ont le rôle des décideurs : « Même dans ce métier, on affronte toujours…le mâle ! » s’exclame-t-elle. Et lorsqu’elle affirme que malgré les difficultés, elle lutte et se bat toujours pour ses films, on la croit sur parole tant sa ténacité transparaît à travers son énergie et son enthousiasme débordants. « Je fais, je signe, je donne des ordres, je décide : j’arrive à obtenir du respect ! »
Maëlle Le Corre, M2 InfoCom Nantes