Après Franck Pupunat (motion F) et Jean-Louis Bianco (motion A), Eric Loiselet répond pour la motion B (pôle écologique), soumise aux suffrages des militants socialistes ce 6 novembre, aux «cinq questions qui sont régulièrement posées aux mandataires des motions lors des débats dans les sections et fédérations du PS».
1. Que vous inspire la crise financière actuelle ?
Elle s'inscrit dans une longue suite de phénomènes de bulles spéculatives qui finissent toutes par éclater. Cette fois-ci la crise a d'abord été immobilière et sociale : la cupidité des acteurs financiers aux Etats-Unis les a poussés à provoquer le surendettement de ménages qui espéraient pouvoir, un jour être propriétaires de leur maison. La pression sur les salaires les empêchait d'envisager d'acquérir le logement de leurs rêves ou simplement un logement décent. Plutôt que de rechercher une hausse des salaires, le système économique et financier américain a privilégié le recours à l'emprunt dans des conditions catastrophiques pour les ménages ainsi piégés. Le cumul de la hausse des cours de l'énergie et la pression à la baisse des salaires a provoqué, à compter de l'année 2007, une réaction en chaîne qui a ébranlé tout l'édifice des banques et institutions financières impliquées jusqu'au cou dans ces dérives inqualifiable.
Le déséquilibre de l'ensemble du secteur bancaire et financier a révélé que les règles prudentielles en vigueur étaient contournées, sans que les organes de surveillance interviennent en quoi que ce soit. A ces carences des pouvoirs publics et des autorités de régulation se sont ajouté les effets dommageables de la globalisation très avancée de la finance de marché.
Clairement le laisser faire - laisser aller a touché là, une fois de plus ses limites. Les dommages sociaux sont et seront considérables. Il faut en effet que les pots cassés soient payés. Ce sont les plus modestes qui seront mis à contribution.
Les socialistes sont en partie désarmés, car depuis le début des années 1980, ils ont contribué aux vagues successives de dérégulation qui ont permis l'essor, nouveau dans l'Histoire, de la finance de marché globalisée.
Le grand retour de l'actionnaire au cours des années 1990, s'est traduit par l'accentuation du partage de la valeur ajoutée au bénéfice du capital et au détriment du travail. La « norme » des 15% de rendement sur capitaux propres, imposée par certains actionnaires à un nombre croissant d'entreprises cotées en bourse, s'est muée en standard, prédateur tant de la cohésion sociale que des ressources naturelles.
Il est temps de replacer la finance sous contrôle démocratique. Les socialistes ont à réarmer le politique en ce sens. Ils ont aussi à travailler à restaurer les conditions d'un partage de la valeur ajoutée qui soit favorable au travail. Pour cela il leur faudrait trouver la voie pour libérer les entreprises cotées en bourse de la contrainte des 15% de rendement sur capitaux propres. Cela commence par l'ouverture du débat avec toutes les parties concernées, afin que ce qui s'est produit ne se reproduise plus. La finance est une affaire trop sérieuse pour être laissée aux mains des seuls financiers. La question du plafonnement du rendement des capitaux propres, ce que nous appelons « limiter la vitesse sur les autoroutes de la finance » mérite d'être posée.
Notre motion suggère que l'expérience accumulée dans le domaine de l'investissement socialement responsable, souvent à l'initiative de gouvernements socialistes ou socio démocrate, serve de point d'appui à une reconstruction sur des bases nouvelles des systèmes de financement de l'économie.
Au-delà de la crise financière, subsiste la crise écologique. L'une et l'autre s'entretiennent mutuellement. Les français, un sondage récent publié par LH2, montre que nos concitoyens sont au moins autant inquiets devant les conséquences de l'une que de l'autre.
Devant cette situation nouvelle, où toutes les crises convergent, il importe d'inventer de nouvelles réponses politiques. En France d'abord, c'est pourquoi nous avons proposé un plan de relance écologique de l'emploi et du pouvoir d'achat. En Europe ensuite et nous appelons le PSE a élaborer son programme pour les élections européennes de 2009 autour d'un axe fort : développer les protections publiques afin de préserver le mieux possibles les peuples d'Europe des conséquences négatives des crises financières et écologique.
La victoire de Barack Obama met un terme aux 25 années des Reaganomics, et ouvre un nouveau cycle politique où il sera possible de ne plus, sous couvert de modernité, céder aux mirages des politiques de l'offre et de l'ultra libéralisme financier débridé.
2. Quel rôle pour le futur premier secrétaire ?
Il ou elle sera forcément soutenu par une alliance majoritaire puisqu'aucun des prétendants actuels ne peut envisager que la motion qui lui sert de rampe de lancement emporte seule la majorité au Congrès. L'enjeu de ce Congrès est que s'engage enfin la rénovation qui a été impossible au Congrès de Dijon, qui a été bloquée au Congrès du Mans, que la présidentielle n'a pas permis et que près de 18 mois d'attente après l'échec du printemps 2007 auront enlisée. Pour que s'engage cette rénovation, il faudra un 1er secrétaire qui soit un passeur, pour que le « vieux » parti finisse par accepter de mourir afin de laisser la place, à travers la crise où se trouve le PS, au « neuf » qui peine encore à naître. Nous avons besoin d'un 1er secrétaire qui entraîne, qui mette le PS au travail, c'est-à-dire qui accepte le risque de la confrontation des idées, non pas autour de faux débats, mais autour des attentes des français. Ce que les socialistes doivent réapprendre c'est à débattre vraiment pour ensuite trancher. La parole politique est dévalorisée au point que le PS porte en lui, sans se l'avouer, la nostalgie des années Jospin entre 1995 et 1997, où le PS disait ce qu'il ferait et faisait ce qu'il disait qu'il ferait.
Nous devons reconstruire les conditions de la crédibilité de la parole publique, crédibilité sérieusement obérée par la Présidence de Nicolas Sarkozy. Ce sera la tâche principale du nouveau 1er secrétaire. Il aura trois ans pour engager la reconquête idéologique. Cette dernière est la condition préalable au succès à la Présidentielle de 2012. Le 1re secrétaire aura aussi, dans cette perspective, à proposer d'innover pour désigner dans trois ans notre candidat(e) à travers des primaires ouvertes.
Une question se pose : le ou la 1re secrétaire pourra-t-il / elle incarner l'opposition sans être membre du Parlement ?
3. Quel fonctionnement pour le PS demain?
Notre motion propose de replacer le PS sous tension démocratique. A travers des conventions thématiques nationales, précédées de conventions locales, largement ouvertes à la société et aux français, afin d'y co produire les propositions qui feraient tant défaut au PS. Nous avons besoin d'un PS aux portes grandes ouvertes. Nous avons besoin d'un PS où le respect soit d'abord celui de nos idées et de nos valeurs communes, ce qui suppose de rendre notre déclaration de principes « opposable », c'est-à-dire qu'au cas où une décision de la direction nationale apparaîtrait contraire à la déclaration de principes que nous avons adoptée en juin dernier, il serait possible à 10% des militants ou des membres du Conseil National d'obtenir la tenue d'un Conseil national extraordinaire pour trancher la question.
4. Quelles relations envisager avec le MoDem ?
Soyons clairs sur ce qu'est le MoDem. Il n'est pas un parti ancré dans les territoires et la vie de notre Pays. Il est un comité électoral entièrement au service de la candidature à la Présidentielle de François Bayou. Ce dernier est un concurrent direct et frontal pour le ou la future candidat(e) du PS à la présidentielle. L'objectif stratégique de M. Bayrou est de passer devant le candidat socialiste au 1er tour de la prochaine présidentielle. Ce ne peut donc être un allié au plan national.
Pour gagner, il nous faudra donc porter le PS à plus de 30% des voix au 1er tour d'une élection nationale pour ensuite rassembler la gauche (des primaires présidentielles peuvent y aider) et toutes celles et tous ceux qui voudront vaincre Nicolas Sarkozy.
Arrêtons donc les faux débats d'avant Congrès.
Si on pose la question au plan territorial, force est de constater que, dans toutes les motions, des élus ont fait alliance avec des membres du MoDem, sur des bases définies en commun : acceptation de tous nos alliés, convergence programmatique, opposition claire à Nicolas Sarkozy. C'est sur ces mêmes bases que d'autres alliances pourraient s'envisager dans le futur pour des élections territoriales avec des candidats ou des élus membres du MoDem.
5. Citez trois propositions concrètes de votre motion.
Notre motion comporte douze orientations elle-même déclinées en propositions concrètes. En voici 3, bien distinctes. Elles donnent un bref aperçu de nos propositions. Pour en savoir plus, le mieux est d'aller visiter www.monpoleecologique.fr
- Adopter une politique de pouvoir d'achat concentrée sur les salaires et les retraites les plus faibles.
Notre pays connaît une forte hausse des prix et des bas salaires faibles. Un cadre adapté de négociation doit être fixé avec les partenaires sociaux, permettant un rééquilibrage du partage de la valeur ajoutée en faveur du revenu du travail, de l'investissement et du coût d'utilisation des ressources naturelles. Une conditionnalité sociale, salariale et écologique aux diminutions de charges sociales pourrait être prévue, en particulier pour les grandes entreprises. Compte tenu de son rôle dans nos sociétés, le travail doit être correctement valorisé.
L'écologie peut et doit être en outre un véritable gisement de pouvoir d'achat par les économies d'énergie et la réorientation du mode de production et de consommation vers des produits plus durables.
- Un investissement massif en matière de recherche, d'innovation et d'enseignement supérieur sur le développement durable
De multiples domaines sont concernés, pour la mise au point de technologies vertes autant préventives que curatives. Il faut en outre réformer les dispositifs de soutien à l'innovation industrielle dans le sens de l'excellence environnementale et de la durabilité.
Un effort important pour la recherche et l'innovation est nécessaire dans toutes les technologies permettant de s'affranchir des hydrocarbures, que ce soit le véhicule électrique ou hybride, les biocarburants de deuxième génération, les techniques agricoles ou les nouveaux matériaux et l'architecture climatique. Les résultats de cette action ne seront ni immédiats, ni suffisants pour nous exonérer d'un changement profond de comportement dans notre société.
Les relations entre la santé et l'environnement doivent en outre faire l'objet d'une attention particulière. Elles restent peu connus, sont souvent très complexes et parfois contradictoires (ex : augmentation des voitures à moteurs diesels pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais qui génèrent aussi des émissions de particules dangereuses pour la santé)
Une réforme du système des brevets et le refus de breveter le vivant
Le brevetage systématique des logiciels, des méthodes intellectuelles et du vivant, s'est imposé à toute la planète, via les accords de l'OMC de 1994 sur la propriété intellectuelle. Ceci contribue à l'intériorisation dans le milieu scientifique des normes et cibles de la valorisation industrielle. Dans les sciences du vivant, le régime du brevet large a ainsi conduit à une course aux gènes et à une concentration oligopolistique non seulement des parts de marché mais aussi de la recherche.
Les nouveaux brevets sur le vivant ont tendance à protéger non seulement des applications industrielles précises mais tout un ensemble d'utilisations, voire la totalité des usages prévisibles d'une découverte comme dans le cas des brevets sur les séquences génétiques. Les situations de monopole ainsi créées limitent non seulement la commercialisation par un tiers, mais aussi la poursuite d'autres recherches.
Cette suprématie des logiques de rentabilité sur la recherche limite la capacité collective de nos sociétés à produire des connaissances libres, à élaborer une expertise publique indépendante et à développer des innovations d'intérêt général (logiciel libre, santé publique au Nord et au Sud, développement et agriculture durables...).
- Notre fiscalité doit être profondément réformée.
Trois considérations sont primordiales : il faut dorénavant une fiscalité écologique, qui répercute le coût des pollutions et des atteintes aux espaces naturels, et qui contribue à la réorientation de notre système économique ; la mise en place de cette fiscalité doit permettre de réactualiser les notions de progressivité, de redistribution et de solidarité, totalement mises à mal par les évolutions enregistrées ces dernières années. Elle doit contribuer à l'établissement d'un meilleur équilibre entre les prélèvements sur le capital et le travail.
Un des objectifs sera de transférer une partie des taxes sur l'utilisation des ressources naturelles, qui sont rares et dont l'usage doit être découragé. La fiscalité doit pénaliser davantage les pollutions, et mieux encourager, en revanche, la fabrication et l'usage des biens et services les plus propres.
Des choix clairs sur la fiscalité énergétique
S'agissant du sujet très actuel de la fiscalité pétrolière, nous devons partir de trois considérations : la hausse du prix du pétrole, fruit en particulier de la rareté croissante de la ressource, est structurelle et durable ; la préparation de l'après pétrole, indispensable notamment pour lutter contre le changement climatique, suppose un signal prix clair et net pour tous ; cette augmentation des prix est une source massive de création des inégalités, les plus démunis en étant les plus victimes.
Pour être cohérent avec le double objectif de réduction des inégalités et de préparation de l'après pétrole, nous pensons qu'il faut privilégier des mesures spécifiques permettant de réduire les inégalités et de préparer l'avenir. Il convient d'écarter ainsi toute mesure de réduction générale de la fiscalité pétrolière qui favoriserait d'abord les riches, ceux qui consomment le plus d'hydrocarbures, et ne pourrait contribuer que de manière très limitée à la réduction de la facture pétrolière pour les ménages.
Des mesures fortes pour aider les plus modestes à faire face à la hausse des prix de l'énergie
Il est en revanche indispensable, pour les plus modestes, de compenser la hausse des prix des hydrocarbures par des mesures favorisant l'augmentation du pouvoir d'achat (chèque transport et plan de déplacement d'entreprise amenant ces dernières à prendre en charge la majeure partie du surcoût pour les trajets du domicile au lieu de travail, revalorisation des minima sociaux et des aides à la mobilité pour les personnes en recherche d'emploi, ...).
Le financement de ces mesures, et d'un plan ambitieux d'économies d'énergie et de développement du recours aux énergies renouvelables, serait notamment assuré par un prélèvement sur les bénéfices des compagnies pétrolières.