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Billet de blog 22 décembre 2009

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Doctorant Centre Alexandre Koyré (EHESS/CNRS)

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Copenhague, un sommet réussi ?

Il existe de nombreuses raisons d'être déçu par les résultats des négociations conduites sous l'égide des Nations-Unies : manque cruel d'ambition d'une simple déclaration politique, contradictions flagrantes entre l'objectif affiché (rester en dessous des 2°C) et l'absence de mesures pour y parvenir, incapacité à dépasser les traditionnelles rivalités qui prévalent dans les relations internationales, etc... « C'est la même chose depuis 15 ans, cela n'avance absolument pas » lâchaient parfois des observateurs impliqués de longue date dans le processus. Pourtant, ce sommet marque également une avancée majeure : une mobilisation de la société civile sans équivalent jusqu'ici.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il existe de nombreuses raisons d'être déçu par les résultats des négociations conduites sous l'égide des Nations-Unies : manque cruel d'ambition d'une simple déclaration politique, contradictions flagrantes entre l'objectif affiché (rester en dessous des 2°C) et l'absence de mesures pour y parvenir, incapacité à dépasser les traditionnelles rivalités qui prévalent dans les relations internationales, etc... « C'est la même chose depuis 15 ans, cela n'avance absolument pas » lâchaient parfois des observateurs impliqués de longue date dans le processus. Pourtant, ce sommet marque également une avancée majeure : une mobilisation de la société civile sans équivalent jusqu'ici.

Lieux de mobilisations

De nombreux lieux ont en effet concrétisé à Copenhague une mobilisation qui a progressivement pris de l'ampleur tout au long de l'année 2009 dans le monde entier et mis en lien des acteurs aux combats auparavant séparés et parallèles.

Le premier de ces lieux est sans conteste la manifestation du samedi 12 décembre : au-delà de son ampleur impressionnante, elle est également inédite dans sa composition, mêlant ONG environnementales, humanitaires et de développement, mouvements altermondialistes, syndicats, et « simples » individus unis dans la même volonté que les négociateurs parviennent à un accord « équitable, ambitieux et juridiquement contraignant » (« Fair, ambitious and binding »). Les craintes de débordements violents et d'un Bella Center assiégé dans une ambiance chaotique de G20 ne se sont heureusement pas concrétisées - à la fois du fait de lois quelques peu douteuses qui permettent des arrestations préventives, mais également grâce aux manifestants eux-mêmes, qui confiaient à la police les pavés placés de manière stratégiques par les black blocs le long du trajet de manifestation. Au final, plus de 100 000 personnes sont venus interpeler sur place les dirigeants politiques, dépassant très largement le cadre « traditionnel » des militants environnementaux.

Autre lieu d'expression de la société civile, le KlimaForum était organisé par une vingtaine d'ONG danoises pour accueillir leurs homologues internationales, grâce à une subvention de 8 millions d'euros du ministère danois des affaires étrangères. Il s'agissait d'une première pour une COP : jusqu'ici, les ONG ne disposaient en effet pas de lieu spécifique en dehors des « side-events », conférences intégrées au système des Nations-Unies dans le cadre de son dialogue avec la société civile. De fait, les discours tenus au Klimaforum était plus radicaux, le lieu se présentant comme le « sommet des peuples », et il comprenait également expositions, documentaires, concerts... Le Klimaforum a également servi de lieu de repli pour les ONG dont l'accès au Bella Center a été progressivement réduit. Cela a ainsi permis de réunir l'ensemble des ONG et de poursuivre en commun des manifestations symboliques telles que le prix « Fossil of the day », l'élection du pays bloquant le plus les négociations.

Enfin, on peut noter également la réussite des « Climate and Development days », organisés par le think tank environnemental IIED. Durant quatre jours, enjeux locaux et globaux se sont entremêlés, les présentations passant des programmes d'adaptation au niveau communautaire à des critiques étayées et constructives du Fonds Mondial pour l'Environnement - au point qu'un membre du Conseil d'Administration de ce même Fonds prenne la parole pour remercier les intervenants. Là encore, la présence de think tanks et d'ONG environnementales et de solidarité internationale ont permis à la fois de renforcer les coopérations existantes et d'envisager des collaborations plus poussées par la suite pour mieux prendre en compte les articulations entre local et global.

Internet, l'autre lieu

La présence massive de la société civile à Copenhague s'est également doublé d'une vitalité impressionnante sur internet, à la fois relai des actions conduites, moyen de diffusion en direct d'émissions quotidiennes lors de la COP, et formidable outils de mobilisation. L'espace Internet témoigne donc encore plus du foisonnement de liens au sein de la société civile, à la fois de manière verticale (les sites internet des ONG renvoient aux coalitions nationales, elles-mêmes liées à des coalitions internationales), et transversale (sites dédiés, blogs « en direct de Copenhague »...). Surtout, toute la palette d'outils « web 2.0 » a permis de sensibiliser et mobiliser le grand public, avec l'utilisation systématique de YouTube, Facebook, de « kits » de bannières pour les sites personnels, de flux RSS ou encore de géolocalisation pour trouver la manifestation la plus proche de chez soi. L'une des principales campagnes, TckTckTck a ainsi recueilli plus de 15 millions de signatures.

Ces outils de réseaux sociaux ont permis également l'émergence rapide de nouveaux acteurs. « 350.org », lancée en 2007, conserve un nombre extrêmement réduit de membres permanents, mais propose à tout à chacun de s'engager et monter ses propres actions locales, avec au final une visibilité digne des plus grandes ONG. Lors de la journée de mobilisation internationale du 24 octobre, 350.org a ainsi enregistré plus de 5200 actions dans 181 pays. L'un des fondateurs, Jeremy Osborn admet que la campagne, surfant sur les réseaux sociaux, n'aurait pas été possible il y a encore 3 ans. De son côté, Franny Armstrong, réalisatrice du film « The Age of the Stupid » a constaté avec surprise la rapidité avec laquelle son ONG « 10:10 » s'est imposée sur la scène britannique : « six semaines après le lancement, nous étions fascinés de voir que la Chambre des Lords parlait de nous comme si nous étions Oxfam ! ». Enfin, on peut noter l'abondance de blogs personnels et de comptes Twitter qui ont permis de suivre les négociations, parfois minutes par minutes, en parallèle des diffusions officielles sur le site de l'UNFCCC.

Un décalage croissant entre société civile et représentants politiques ?

Certes, il faut bien reconnaître que la densité de ces réseaux marque une prise de conscience des enjeux qui reste encore en devenir. Il reste par exemple à construire un cadre de compréhension commun entre ces différents mouvements, au-delà des slogans partagés. Pourtant, ce foisonnement d'idées et de débats esquisse une vision d'un avenir commun qui semble avancer plus rapidement au sein de la société civile qu'au niveau des négociations, ce qui n'est pas sans engager des questions de représentativité et de démocratie. D'un côté, le mot d'ordre « Reclaim power » du mouvement Climate Justice Now ; de l'autre, une interrogation soulevée par Yann-Arthus Bertrand lors des débats-projections organisés par GoodPlanet : « les politiques présents ici ont-ils vraiment reçus de leurs électeurs un mandat clair pour négocier un accord ambitieux ? ». Entre les deux, l'irruption symbolique et pacifique de Greenpeace au sein de l'Assemblée Nationale le 2 décembre dernier : le changement climatique est manifestement porteur de tensions qui ne se jouent pas seulement entre Etats mais également au cœur des démocraties.

L'après-Copenhague

Les diverses coalitions s'organisent déjà pour ne pas faire retomber la pression et préparer le prochain rendez-vous à Mexico fin 2010. Le Mexique bénéficiera alors de sa position intermédiaire entre pays développés et pays les moins avancés, et sera sans doute plus à même que la présidence danoise de trouver des équilibres entre chacun. De plus, la proximité géographique du pays hôte avec les Etats-Unis laisse deviner une mobilisation encore plus importante de la société civile du continent américain dans son ensemble : espérons que ces voix seront alors mieux entendues par les négociateurs...

Christophe Buffet

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