Billet de blog 8 août 2012

Marcel Garrigou-Grandchamp (avatar)

Marcel Garrigou-Grandchamp

Médecin Spécialiste en Médecine Générale

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«Pour humaniser les hôpitaux il ne suffit pas de placer des plantes vertes dans les salles d'attente...»

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Illustration 1

Disait mon illustre Maître Jean-Michel DUBERNARD, ancien Président de la section des Affaires Sociale à l'Assemblée nationale, mais que dirait-il en lisant ces lignes que je reproduis ci-dessous écrites par un usager de ce même hôpital où il a eu une carrière ponctuée de premières médicales mondiales notamment dans le domaine des greffes (rein/pancréas, avant-bras ...)

Derrière le style teinté d'humour le médecin sait ressentir la détresse et l'incompréhension qui se cachent derrière ce témoignage et j'hésite entre la révolte la honte ou la résignation: comment le système de santé français qualifié il y a encore peu de «meilleur au monde» en est-il arrivé là ?

Je m'efface et laisse la parole à la patiente:

 «...Hier, j'étais à Lyon pour voir le chirurgien qui m'a opérée afin d'effectuer mon 1er "contrôle technique". Je suis venue, j'ai vu et...j'ai été vaincue ! Déjà, ce n'est plus au pavillon des urgences orthopédiques mais au pavillon orthopédie adulte. Comme de bien entendu, pas de place pour se garer devant le pavillon, donc on me fait descendre et on me dit de rappeler dès que j'ai fini ma consultation, à moins qu'ils ne trouvent une place pour garer le VSL.

J'arrive donc au pied du pavillon, et là, je vois avec bonheur...des escaliers et pas de rampe d'accès ! Donc je sautille joyeusement de marche en marche (un peu de sport le matin, ça fait du bien ! ) Une fois arrivée, passage au secrétariat. La secrétaire me dirige vers le sous sol pour les radios et la consultation. "Au fait mademoiselle, j'oubliais de vous le préciser, l'ascenseur est en panne..."

Rebelotte, je re sautille (cette fois ci pour descendre les escaliers, mais un peu moins joyeusement car j'aime moins les descendre) Une fois en bas, j'apprends que la radio est au fond du corridor et la consultation à l'autre extrémité du couloir... Plus de fauteuil roulant disponible, mais c'est pas grave, vous êtes jeune, vous pouvez sautiller !!!

Donc, je sautille en bénissant le VSL qui m'a déposé avec 45 mn d'avance...J'arrive à la radio en nage. Et là, on me dit que le secrétariat du rez de chaussée s'est trompé dans mes étiquettes du bon de radio  !!! Argh, j'ai dû faire une drôle de tête car l'infirmier a eu pitié et s'est chargé lui même de remonter pour procéder à la rectification...

A la radio, on m'apprends que si, bien sûr il y a une rampe d'accès pour le pavillon mais pour l'atteindre, il faut passer par le pavillon d'à côté... Logique, non ? Bon, je le saurai pour la prochaine consultation. Ensuite, clic clac Kodak, on fait 2 clichés que l'on me remet ni une ni deux en main propre et on me dit d'aller à l'autre extrémité du couloir pour la consultation.

Situation problème : 2 cannes, fauteuil roulant toujours pas disponible, une grande enveloppe de radio à déplacer et vous avec... Solution : tenir l'enveloppe entre les dents, et re sautiller...Inutile de vous dire que mon empreinte dentaire est dorénavant ad vitam eternam sur les 2 radios susnommées...

 J'arrive (mais je suis une flaque...) devant le cabinet de consultation et le docteur m'accueille en me disant "vous avez 2 mn de retard... " Ben voui, désolée, j'ai fait du mieux que j'ai pu, mais visiblement, en bon lorrain qu'il est, la ponctualité c'est sacré, et le quart d'heure Lyonnais, c'est banni...

Il regarde les radios et m'annonce  tout de go que les vis et le clou se sont déplacés et que la hanche et le fémur ont légèrement basculé... Je lui demande si c'est grave. Réponse :"j'en sais rien"....J'adore !

Il me demande si j'ai mal. Je lui dit que oui et lui montre où Et là, j'apprends que "c'est logique car les vis ont aussi reculé, elles se seraient un peu dévissées donc touchent certainement le muscle voir un nerf"

Question : "pensez vous qu'il faille réopérer pour revisser ?"

Réponse : "J'en sais rien... Au fait, vous êtes ..... ?" (Je vous jure, comme si la profession avait une influence sur le fait que mes vis se soient dévissées !!!)

Bref, après 5 mn chrono de consultation, entre 2 portes, car la confidentialité, y'en a pas, tout le monde peut entendre, il a pris la décision de ...laisser faire encore 45 jours, puis de me revoir. (Toujours interdiction de prendre appui, donc je continue à sautiller). Soit le déplacement des vis se sera stabilisé et on verra si ça a marché (ou pas), soit il continuera et on verra aussi ce qu'on envisage de faire

De la kiné ?" Pas favorable..."

Un centre de soins post op pour soulager mes parents ? "Pourquoi, vous semblez vous en sortir  et puis l'exercice, ça maintient, non, non, vous êtes jeune, pas besoin !!!"

J'ai quand même suggéré que si je ne pouvais marcher, il y avait un petit risque de phlébite et là "Ah, vous avez raison,...Je vais vous prolonger vos piqûres"

Quand j'ai demandé mes radios "non, non, cela fait partie du dossier médical"

Moi  : "Oui, mais le dossier médical appartient au patient"

Lui : "vous êtes  ... , hein...? Si vous voulez votre dossier, faites une demande officielle. Bon, à la prochaine fois"

 Verdict: on me laisse comme ça, avec une ordonnance de piqûre, des "j'en sais rien" à gogo, et un nouveau rendez vous. Sur ce, les infirmiers du VSL arrivent tout fiers avec un fauteuil et sont étonnés de savoir que c'est déjà fini...Quand on arrive vers l'ascenseur, il ne fonctionne toujours pas, donc on remonte à pied...ô joie...

 Retour à la case départ en sautillant puis en VSL...chez mes parents qui,  heureusement, n'étaient pas là. J'ai pu me consoler en mangeant un "Cornetto"  Rhum Raisin avant qu'ils ne rentrent puis leur résumer la situation. Ils sont sidérés. Ah oui, j'oubliais le plus beau. La prochaine fois, je n'ai plus de VSL pour m'emmener à Lyon, parce qu'il faut penser à faire des économies... Le RV ne peut être qu'un vendredi matin parce que le médecin ne consulte que le vendredi matin...Comment je me débrouille ?

Lui : "ben, vous sautez dans le train, c'est comme cela qu'on dit, non ?" et il a rigolé...

Si c'est ça l'humour à l'hôpital, bonjour...

 Verdict :

1- si votre enfant veut faire chirurgie, bien intérioriser qu'il n'a pas besoin d'être psychologue

2- se dire que si l'on gagne au loto, penser faire un don à l'Hôpital Edouard Herriot pour faire réparer les ascenseurs, ce serait top pour les malades

3- penser qu'avec mes cuisses de junkie (à force d'être piquée dedans), je participe à ma façon aux Jeux Olympiques (j'ai des ronds bleus, noirs, jaunes, rouge, vert : j'ai les anneaux olympiques en permanence sur moi, c'est de circonstance !!)

4- garder le moral en toute occasion (d'ailleurs merci pour vos mails, vos cartes  et vos appels, cela m'aide beaucoup) ... »

Je l'ai rappelée pour lui apporter quelques précisions médicales et administratives notamment sur le fait qu'elle aurait à priori droit à un VSL étant en accident du travail, il suffit de déposer une demande d'entente préalable et c'est le médecin conseil qui décidera ! J'assumerai cette prescription en lieu et place de l'hôpital.

Mon RIAP (Relevé Individuel d'Activité et de Prescription) pour la ligne des transports sanitaires va gagner une étoile, mais à la différence du guide Michelin quand le médecin gagne une étoile ce n'est pas bon et il risque de se retrouver sous entente préalable pour ses prescriptions ...

Pourquoi croyez-vous que les jeunes confrères qui ont tout compris ne veulent plus venir s'installer en libéral ? Sont responsables de tout ces généralistes, ils prescrivent trop d'antibiotiques, trop de psychotropes, trop de séances de kinésithérapie, trop d'indemnités journalières ... le déficit de la sécu c'est eux, les déserts médicaux c'est encore eux ... et pourquoi pas aussi la crise, le Titanic, Fukushima et le vase de Soissons  !:-))

Elle était gênée me sachant en vacances, elle s'est excusée, un comble alors que c'est moi qui avait les excuses au bord des lèvres au nom de la profession, comment rester insensible à cette narration même s'il n'y a pas de plantes vertes dans ma salle d'attente !

M.G.G 69003 LYON 

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