Lettre ouverte au Directeur de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie,
Monsieur le Directeur,
En instaurant les CAPI (Contrat d'Amélioration des Pratiques Individuelles), vous avez voulu montrer que vous souhaitiez récompenser les médecins généralistes de bonne volonté qui se proposent d’aider la sécurité sociale à faire des économies.
Vous avez donc demandé à ces médecins de bonne volonté et souhaitant par quelques subsides supplémentaires améliorer leurs revenus, de patiemment modifier leur prescriptions en prescrivant dans la mesure du possible les médicaments dans le répertoire des génériques :
Par exemple, en prescrivant de l’Oméprazole (ou du Mopral, peu importe puisque le pharmacien substituera), plutôt que de l’Inexium (esomeprazole), qui est non généricable, étant entendu que la deuxième molécule (l’esomeprazole) n’a pas d’avantage particulier par rapport à l’omeprazole.
Et ainsi de suite. Je cite les inhibiteurs de la pompe à protons car vos médecins « conseils » nationaux vous ont sans doute informé qu’ils étaient une part de marché énorme du médicament.
Mais je serais très surprise que vous ne sachiez pas également que l’industrie pharmaceutique, dont le laboratoire qui commercialise l’Inexium a conclu des marchés avec les hôpitaux en leur vendant pour une poignée de lentille des médicaments comme l’Inexium, très onéreux dès qu’ils sortent de l’hôpital.
Ainsi, tout patient qui entre à l’hôpital sous oméprazole en ressort sous Inexium, même s’il n’y a passé que quelques jours, même si le changement de traitement n’a aucun intérêt pour sa santé.
Charge au pauvre généraliste de cent fois sur le métier remettre son ouvrage, détricoter la mauvaise ordonnance et retricoter la bonne.
Ainsi en a-t-il été pour un de mes patients est entré il y a quelque temps à l’hôpital pour y subir une chirurgie de la vessie, et qui s'est retrouvé à la sortie avec une ordonnance complètement bouleversée.
Il m’a donc fallu lui expliquer que, non, les médicaments qu’il avait avant n’étaient pas mauvais, que les nouveaux ne seraient pas meilleurs, après, si je voulais vraiment le convaincre, il me fallait lui expliquer toute l’affaire. Imaginez le débat intéressant avec un patient dont le principal souci est qu’il revient de l’hôpital où on lui a retiré la vessie et que ses urines lui sortent maintenant du ventre par un tuyau relié à une poche, que ses organes génitaux et urinaires ne lui serviront plus à rien, et qu’en plus il va devoir subir des chimiothérapies complémentaires et qu’entre parenthèse, il a bien compris que pour lui, ça sent le sapin.
Il va donc falloir lui dire de continuer avec ce traitement jusqu’à la prochaine fois (car il ne faut pas gaspiller), ou bien de mettre tous ces nouveaux médicaments de côté et reprendre les anciens, ce qui du point de vue iatrogénie (vous savez, c’est le risque de maladie induite par les médicaments), c’est peut-être préférable.
Et bien moi, Monsieur le Directeur de l’ASSURANCE Maladie , (je mets des majuscules car on a tendance à oublier que vous êtes d’abord un assureur) je n’ai plus envie de jouer à ce petit jeu de dupes, cette tartufferie où on n’épargne pas au médecin généraliste son temps et où on le prend pour le dindon de la farce.
Je vais dorénavant maintenir l’intégralité des prescriptions telles qu’elles seront faites à l’hôpital, et j’engage mes confrères à en faire autant, j’y gagnerai plus qu’en signant le CAPI et je serai moins tentée de tout laisser tomber. Et l'industrie pharmaceutique restera prospère.
Pendant que j’y suis, je change de sujet me permets de vous rappeler qu’on se demande comment diminuer la mortalité des jeunes par suicide, alcool, addictions : Juste un truc : l’accès aux soins des 16-25 ans. Offrez leur la CMU jusqu’à ce qu’ils trouvent un CDI, ça résoudra les situations kafkaïennes, par exemple chez les étudiants qui perdent leurs droits, leur médecin traitant, et l’accès à la pharmacie pour un papier perdu ou mal rempli, et les jeunes qui en ont besoin sauront retrouver le moyen d’être aidés. Cela coûtera moins cher qu’un passage aux urgences, en réanimation, ou à l’hôpital psychiatrique.
Êtes-vous certain que personne ne vous avait soufflé cette idée ?
Je suis à votre disposition pour tout autre conseil.