Billet de blog 12 juillet 2008

Marcel Garrigou-Grandchamp (avatar)

Marcel Garrigou-Grandchamp

Médecin Spécialiste en Médecine Générale

Abonné·e de Mediapart

200 produits d'automédication devant les comptoirs des pharmacies

Le "marché" du médicament et de l'automédication en dehors du circuit habituel (médecin-pharmacien-patient) semble intéresser beaucoup de monde (LEEM (1), pharmaciens, gouvernement) ce qui m'amène à poser les questions: s'agit-il d'un marché "juteux" ? Quels enjeux se cachent derrière cette décision ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le "marché" du médicament et de l'automédication en dehors du circuit habituel (médecin-pharmacien-patient) semble intéresser beaucoup de monde (LEEM (1), pharmaciens, gouvernement) ce qui m'amène à poser les questions: s'agit-il d'un marché "juteux" ? Quels enjeux se cachent derrière cette décision ?

C'est Michel-Edouard Leclerc qui a attaqué le premier les pharmaciens et leur monopole à grand renfort de spots télé. Ceux-ci ont également réagi dans les médias et même dans leurs officines en exposant symboliquement des denrées alimentaires pour défendre l'idée qu'un médicament n'est pas un bien de consommation comme les

Enfin le gouvernement vient d'autoriser un certain nombre de médicaments à passer du secteur de l'automédication au devant du comptoir. « Et pan sur le bec de LECLERC » comme le dit Claude BRONNER, Président d'ESPACE GENERALISTE.

Qu'est-ce que les patients ont à y gagner: peut être la possibilité de comparer les prix, et il faut dire qu'il y a des différences significatives: sur Lyon par exemple le prix des médicaments non remboursés (comme les veinotoniques par exemple) varient de 40% d'une officine à l'autre.

La volonté affichée du gouvernement est donc de faciliter l'automédication tout en conservant le conseil du professionnel du médicament, le pharmacien, et en permettant la lutte "contre la vie chère" par la concurrence (voir le dossier de presse du Ministère).

Il y a là néanmoins un double langage choquant, les médecins, et notamment les spécialistes en médecine générale subissant quotidiennement des pressions pour diminuer leurs prescriptions à grands renforts de publications et autres recommandations stigmatisant les français grands consommateurs de médicaments en se réfugiant derrière les risques liés à cette surconsommation à l'origine d'une coûteuse iatrogénie.

Même si les pharmaciens sont très vigilants, cette mise à disposition sera forcément responsable d'une iatrogénie mais j'ai l'impression que celle-ci ne gène pas le gouvernement dans la mesure où les médicaments qui en sont à l'origine ne sont pas remboursés par la sécurité sociale et tous les discours de modérations à l'encontre des généralistes tombent: la iatrogénie et la consommation de médicaments ne seraient préjudiciables que dans le cadre des produits remboursés par la sécurité sociale !

Le but réel de ces mises à disposition, outre satisfaire les pharmaciens face à la grande distribution, ne serait-il pas d'affaiblir encore plus les généralistes, retirant par ce biais de leur exercice tout ce qu'il est commun d'appeler la "bobologie" tout en permettant à l'industrie pharmaceutique (LEEM) de conserver ses bénéfices?

D'emblée je dis, "mauvaise pioche" ! Ce que nos énarques oublient un peu vite, c'est que ces consultations de "bobologie" sont souvent un temps privilégié de dépistage et de prévention notamment chez les jeunes (MST, tabac, alcool et autres addictions). Apparemment ils méconnaissent totalement l'exercice de la médecine générale et le contenu d'une consultation chez le spécialiste en médecine générale: toutes les études l'ont bien montré, une consultation chez un généraliste c'est 2,5 motifs de consultation.Par exemple, sur un certain nombre de département est enfin démarré un dépistage du cancer du côlon par HEMOCCULT (2) et c'est aux généralistes qu'il est demandé d'expliquer la marche à suivre et de distribuer le matériel, les patients ne recevant qu'un courrier d'information et un jeu d'étiquettes: l'immense majorité des patients attendent une consultation pour en parler à leur généraliste.

Cela fait des mois pour ne pas dire des années que les généralistes constatent la volonté affichée par certains lobbies avec la complicité de nos dirigeants à les rayer du paysage médical français (3): atteinte à la formation et à l'enseignement, étranglement financier, multiples contraintes à l'exercice et demain peut être à l'installation ... Il est déjà trop tard pour inverser la tendance de la prochaine décennie et rien ne semble vouloir arrêter « la voiture qui fonce droit dans le mur en klaxonnant »(4)

(1) LEEM: LEs Entreprises du Médicament

(2) HEMOCCULT: Test de recherche de sang dans les selles

(3)

http://www.mediapart.frhttp://blogs.mediapart.fr/edition/quoi-de-neuf-docteur/article/020708/la-sante-en-france-malade-de-ses-generalistes-0

http://www.mediapart.frhttp://blogs.mediapart.fr/edition/quoi-de-neuf-docteur/article/280608/medecin-generaliste-une-espece-en-voie-de-dispariti

(4) Je reprends là une citation imagée de Christian LEHMANN

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.