Billet de blog 14 octobre 2008

Lise Grammont

Abonné·e de Mediapart

Du pain, du vin et mon médecin !

Aujourd'hui, le soin devient définitivement un bien de consommation courante. Après le service après-vente déjà nourri d'une abondante jurisprudence, en passant par le fantasme d'un soin ou d'un remède zéro défaut dont rêve n'importe quel secteur industriel, arrive aujourd'hui en tête de gondole, l'information préalable avec l'obligation de présenter un devis au patient à partir de 70 euros d'honoraires, en cas de dépassement du tarif fixé par l'assurance-maladie.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Aujourd'hui, le soin devient définitivement un bien de consommation courante. Après le service après-vente déjà nourri d'une abondante jurisprudence, en passant par le fantasme d'un soin ou d'un remède zéro défaut dont rêve n'importe quel secteur industriel, arrive aujourd'hui en tête de gondole, l'information préalable avec l'obligation de présenter un devis au patient à partir de 70 euros d'honoraires, en cas de dépassement du tarif fixé par l'assurance-maladie.

La mise sur le marché de cette conversation obligatoire, qui relève plus du confessionnal que d'une négociation exige désormais des professionnels des explications et des justifications avant de réaliser les soins. Bien sûr, davantage de dialogue et d'explications seraient en tant que tels une réelle évolution, mais les médecins contraints de cette manière vont-ils avoir envie d'expliquer simplement les choses au patient qui devient un pur et simple client ?

Rien n'est moins sûr, d'autant que ces situations devraient en priorité concerner des actes lourds et des examens complexes que les patients sont d'une manière ou d'autre obligés de subir. Alors, le choix existe-t-il, et que peut-il être négocié lorsqu'il est question de rester autonome, de vivre dans de meilleures conditions ou simplement de survivre.

Ce dernier verrou qui vient de sauter entre le code de la consommation et celui de la santé publique n'ouvre même pas la voie à une liberté nouvelle puisqu’aujourd'hui chacun peut déjà choisir son médecin, son dentiste, son chirurgien et faire pleinement jouer la concurrence. L'esprit de la relation qui s'engage va par contre certainement en pâtir, mais cette question de confiance intéresse moins le ministre du budget et des comptes publics. C'est pourquoi un décret dont la publication est aussi attendue ces jours-ci devrait permettre aux caisses de sanctionner financièrement les médecins qui n'affichent pas les tarifs dans leur salle d'attente ou qui bafoue « le tact et la mesure. » Une vague notion que le conseil national de l'ordre des médecins n'a jamais crue bon de préciser et autour de laquelle les syndicats médicaux ruminent. Alors, c'est Roselyne Bachelot qui s'en approprie les contours, en estimant « que le manquement à ce principe est atteint lorsque que les honoraires facturés atteignent deux ou trois fois le tarif conventionnel. » Une marge de manœuvre de plus en plus étroite compte tenu des tarifs conventionnels qui font eux semble-t-il de moins en l’objet de négociations.

Cette mécanique comptable enferme désormais le soin dans la stérilité d'un système purement contractuel qui s'écarte du contact humain. Ceci permet de rappeler qu'il n'y a pas que dans l'automobile que l'on a besoin de changer des pièces détachées. Aujourd’hui, chacun peut déjà aller se faire changer les visses patinées où bon lui semble. Bientôt, les moins sensibles à la douleur attendront peut-être la période des soldes ?

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