Billet de blog 24 septembre 2012

Lise Grammont

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Surirradiés d’Épinal : Les responsables seront-ils coupables ?

Lise Grammont

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le procès qui concerne le plus grave accident de radiothérapie jamais survenue en France vient de s'ouvrir à Paris. Plus de 450 patients ont été exposés à des surdoses de radiation entre 2001 et 2006 et aujourd'hui 7 d'entre eux en sont décédés selon la justice. Sept ans après les faits, les patients n'attendent plus d'excuses.

Des machines mal réglées et mal utilisées pour venir à bout de cancers ont distribué des doses beaucoup trop fortes. Résultat : les cancers ont bien disparu, mais les rayons ont aussi détruit des organes voisins de manière irréversible. Ces patients dont l'état de santé peu à peu se dégrade souffrent encore aujourd'hui de douleurs permanentes. Les patients les plus touchés ont reçu entre 20 et 30 fois la quantité d'irradiation prescrite.

Aujourd'hui, les patients n'attendent plus d'excuses. Celles-ci auraient pu d'ailleurs intervenir beaucoup plus tôt. Voici simplement venu le temps de reconnaître la souffrance de ces familles. Pour la justice, le service de radiothérapie fonctionnait « en vase clos. » À l'époque, personne ne contrôlait les médecins ni le radiophysicien qui exerçaient dans ce centre hospitalier Jean-Monnet.

Des négligences qui se seraient régulièrement répétées puisque les surdosages auraient duré pendant 5 ans. Aujourd'hui, Jean Reinhart, l’avocat du radiophysicien qui a calculé les doses se replie derrière l’organisation de l’établissement et la surcharge de travail des équipes pour expliquer ce désastre. Avec deux machines qui tournent à plein régime, il déplore le manque de personnel.

Cette semaine, sept prévenus seront à la barre pour être jugés. Mais, une fois n'est pas coutume, médecins et  administratifs qui travaillent à la Ddass et à l'agence régionale d'hospitalisation se partageront le banc des accusés. Face à eux, plus de 200 parties civiles viennent demander justice. Avant toute demande de dommages et intérêts, ces patients et leurs proches viennent tout simplement réclamer la reconnaissance de ces erreurs répétées sans que personne ne s'en inquiète.

Des mesures de sécurité renforcées

Les 172 centres publics et privés qui font de la radiothérapie en France ont tous été scrupuleusement visités par les autorités sanitaires depuis ce drame. Des pratiques examinées à la loupe permettant de relever d'autres réalisations examens peu conforme. Tous les centres ont eu l'obligation de corriger très rapidement les dysfonctionnements observés, ce qui semble bel et bien avoir été réalisé partout en France puisqu'aucun centre n'a fermé. Un effort d'adaptation qui permet d'affirmer qu'aujourd'hui les normes paraissent bien respectées. « Les incidents d'Épinal » ont aussi permis de mettre en place des déclarations d'incidents et d'accident en radiothérapie permettant de déceler le moindre problème dès qu'il survient. Il est aussi devenu enfin obligatoire de suivre les patients pendant 5 ans après la fin du traitement.

Une catastrophe, qui ne doit pas remettre en cause ce type de traitement devenu essentiel dans l'approche contre le cancer. Chaque année, près de 160 000 personnes suivent des séances de radiothérapie. Les innovations technologiques permettent aujourd'hui d'utiliser des appareils de plus en plus sophistiqués qui diffusent des doses plus élevées, dans des plans de traitement qui englobent jusqu'à 30 ou 50 séances. Il devient donc de plus en plus important que les appareils soient aux normes et que le traitement soit le mieux ciblé possible sur l'organe à réparer. Une approche qui impose la réunion de toutes les conditions de sécurité qui ont très sérieusement manqué à Épinal.

Une image finalement bien désuète de la pratique de ces traitements aujourd’hui utilisés chez plus d’un patient sur deux atteints de cancer. Destinés à détruire les cellules cancéreuses en bloquant leur capacité à se multiplier, on ne peut admettre aujourd'hui qu'à Épinal ce soient les erreurs… qui aient pu se reproduire.

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