Billet de blog 27 juillet 2008

Marcel Garrigou-Grandchamp (avatar)

Marcel Garrigou-Grandchamp

Médecin Spécialiste en Médecine Générale

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Les spécialistes en Médecine Générale contraints d'abandonner les soins aux toxicomanes

Il fût un temps où aux côtés du curé, de l'instituteur, du notaire et du pharmacien le médecin était un notable à la fois craint et envié. Aujourd'hui encore il traîne une image de nanti alors que l'échelle des rémunérations s'est considérablement étirée et que nombre de Médecins Généralistes ont des revenus de cadres moyens.Bien que descendu de son piédestal pour les revenus, il n'en garde pas moins "l'aura" de celui qui côtoie la vie et à la mort, de celui que même les plus puissants et fortunés sont à la fois heureux et anxieux de consulter en cas de soucis de santé. Aussi, l'autorité de l'état, qu'elle soit administrative, policière ou juridique vit une certaine jouissance chaque fois qu'elle peut piéger dans ses filets un tel "poisson" ! Quelle revanche, et le zèle déployé notamment pour le respect tatillon des procédures dans le cadre de la garde à vue est là pour en attester.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il fût un temps où aux côtés du curé, de l'instituteur, du notaire et du pharmacien le médecin était un notable à la fois craint et envié. Aujourd'hui encore il traîne une image de nanti alors que l'échelle des rémunérations s'est considérablement étirée et que nombre de Médecins Généralistes ont des revenus de cadres moyens.


Bien que descendu de son piédestal pour les revenus, il n'en garde pas moins "l'aura" de celui qui côtoie la vie et à la mort, de celui que même les plus puissants et fortunés sont à la fois heureux et anxieux de consulter en cas de soucis de santé. Aussi, l'autorité de l'état, qu'elle soit administrative, policière ou juridique vit une certaine jouissance chaque fois qu'elle peut piéger dans ses filets un tel "poisson" ! Quelle revanche, et le zèle déployé notamment pour le respect tatillon des procédures dans le cadre de la garde à vue est là pour en attester.
Ainsi le témoignage de Pascal relate l'aventure de ce Confrère et de son épouse mis en garde à vue à la suite d'une plainte de la CPAM dont ils dépendent. Aucun ménagement, considérés comme des criminels (de source policière le traitement est censé faire "craquer" les prévenus et faciliter les aveux) !
Quel crime ou délit sont-ils supposés avoir commis ?

Sans doute celui de trop travailler selon les critères de "madame la caisse" et surtout de donner des soins aux toxicomanes.

Les critères du "bon soin" aux toxicomanes selon les CPAM n'ont rien à voir avec la réalité du terrain où le médecin est seul face à une pathologie et un patient complexes, parfois border line avec la délinquance ... Situation parfaitement détaillée par Maître Fabrice DI VIZZIO dans un courrier à la CPAM de Seine-Saint-Denis: Comment le médecin généraliste, seul dans son cabinet pourrait réussir là où les CPAM avec leur arsenal informatique, administratif et juridique ne font rien ?

Partout en France les médecins impliqués dans les programmes de substitution qui montrent pourtant leur efficacité, font l'objet de telles entraves. Très rapidement les spécialistes en médecine générale vont se désinvestir en masse de ces pathologies abandonnant la tâche à l'hôpital déjà complètement dépassé, mais je laisse la parole à Pascal:

« "travailler plus" ... et se retrouver en garde à vue ... ou une journée ordinaire dans une ville de province.
Médecin généraliste, 28 ans d'installation, mon confrère et son épouse ne méritaient certainement pas l'aventure qui leur est arrivée le 19 juin 2008.
Comme beaucoup de médecins généralistes à très forte activité, ce médecin se savait dans le collimateur de la CPAM locale depuis longtemps...
50 actes par jour, des journées de 12 à 14 heures, 6 jours / 7, une organisation sans faille avec deux secrétaires dont son épouse, véritable assistante, des dossiers informatisés, une réelle disponibilité, ...
Y-a-t-il une loi, un règlement qui interdise à un praticien , libéral qui plus est, de passer sa vie auprès de ses patients ?
Las, un directeur de CPAM ne l'entendait pas de cette oreille et voulait prouver que ce médecin faisait réaliser une partie de ses actes par son épouse, infirmière en pré-retraite.
En novembre 2007 un médecin conseil lui notifia qu'il allait faire l'objet d'un contrôle d'activité sans plus de détail. Il y eut bien quelques patients qui rapportèrent avoir été convoqués à la CPAM, curieusement la plupart sous Subutex (*). Puis plus rien, jusqu'à ce jour de début juin où ils furent priés tous deux de se rendre au commissariat; Madame à 9H, Monsieur à 11H.
La suite du récit est hallucinante, quand on pense qu'à aucun moment la CPAM n'a proposé de rencontrer le Dr et Mme X.
Arrivée la première, Mme X est "invitée" à se défaire de tout ce qui pourrait être dangereux: chaussures, bagues, alliance (elle ne pouvait pas l'enlever, ils n'ont pas été jusqu'à la couper) soutien-gorge, on l'a obligée à défaire son chignon.
commentaires sur le contenu de son sac à main, lunettes.....
Trois fois au cours de la journée elle sera sortie de sa cellule pour un interrogatoire, trois fois elle y sera ramenée; il lui sera donné un peu d'eau à boire (1/2 verre) et une barquette de riz pour le repas du midi.
Son mari a subi le même sort à partir de 11H.
A la fin de la journée, le dossier restant désespérement vide, on les a laissés rentrer chez eux....
Sept ou huit patients attendaient devant le cabinet et mon confrère a repris le cours de son travail.....
Un mois a passé depuis ce jour de juin où M et Mme X ont cru (un instant) que le monde s'écroulait sur leur tête.
Contacté en tant que membre d'Espace Généraliste ( syndicat national de médecins généralistes), je trouve inqualifiable l'attitude de la CPAM. En présence d'un tel dossier, paraissant por l'heure bien vide, une suite sera donnée à la hauteur du traumatisme subi.
L'incompréhension domine; à l'heure où l'on rabâche au plus niveau niveau qu'il va falloir modifier nos pratiques, déléguer certaines tâches, optimiser notre pratique, voire augmenter nos horaires et notre disponibilité pour espérer faire face à la chute démographique annoncée, une CPAM fait du zèle et se trompe de combat!
Ce médecin délègue ce qui peut l'être, sa femme prépare les consultations et les protocoles, les ordonnances selon ce que lui dit son mari, discute avec les patients, règle des problèmes d'ordre non médicaux (on peut dire qu'elle a le rôle de la nurse des cabinets médicaux en Angleterre), rend service aux patients en difficulté (portage de médicaments, voiturage au besoin)
il y 2 salles d'attente, 2 salles de consultation, une salle de soins, une secrétaire, une femme de ménage et Madame X.
ils travaillent de 8h30 à pas d'heure, jusqu'à 23 ou 24h, moyenne de 50 patients par jour 6 jours par semaine. Aiment (aimaient) leur travail.
En outre le Dr X prend en charge beaucoup de personnes à la dérive, des SDF, dont un certain nombre se sont réinsérés depuis la substitution et travaillent.
Chaque consultation est notée dans un dossier informatisé.

On peut s'étonner du nombre d'heures de travail, de la disponibilité, mais existe-t-il un règlement qui l' interdit ?
Je crois qu'il est grand temps, au plus niveau, de prendre en compte les difficultés de notre métier et notamment les demandes contradictoires qui nous sont faites: réquisitions pour celui qui veut dormir la nuit, garde à vue pour celui qui veut travailler jour et nuit.
Encore un effort et plus aucun jeune médecin ne choisira la médecine générale.
(*) Subutex: Buprenorphine: produit de substitution de l'Héroïne, prescrit par les médecins dans le sevrage.
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