Billet de blog 8 mars 2024

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Théophile Pardo

Retraité, militant.

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Le « Contournement de Beynac en Dordogne » en pleine actualité.

Cette première publication tente de présenter une situation critique dans le département de la Dordogne. Ici un pouvoir local ne respecte pas les décisions de justice et appauvrit la collectivité qu’il est censé gérer raisonnablement. Quid de la défense de l'éthique en politique et du contrôle du comportement d'élus irrespectueux des principes portés par la charte qui s'applique à leur statut ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pour plus de précisions merci de vous référer au site http://www.neodigd.fr

Vous n'ignorez sans doute pas le sujet du projet de "Contournement de Beynac", qui a fait l'objet de quelques articles dans la presse nationale. Projet routier très controversé parce que couteux et pas d'intérêt public majeur. Présenté en 2017 par le président du Conseil départemental à 32 M€ HT évalué en 2020, par ses opposants, à 70 M€ TTC.

Ce projet a obtenu une autorisation préfectorale de travaux le 28/01/2018. L'arrêté mentionnait expressément qu'il courait le risque d'être attaqué et donc invalidé. Le président du Conseil départemental, M. Germinal Peiro, qui l'avait relancé dès son arrivée à la tête du département en 2015, a lancé les travaux à grand train dès le 28 février 2018 sans attendre l'épuisement des recours menés par les opposants. Il a déclaré devant le CD que le pont de l’ile de Ré avait été jugé illégal une fois construit montrant ainsi qu’il était dans une course de vitesse avec la justice (document vidéo).

Le 28 décembre 2018 le conseil d'état, saisi en référé, arrêtait les travaux (3,2 km de voie nouvelle mais avec trois ouvrages d'art (deux ponts sur la Dordogne posés sur un total de 15 piles et un pont rail/ tunnel routier en zone inondable, sous une voie ferrée) dont l'avancement mené à marche forcée atteignait moins de 40 %.

L'année 2019 a vu les échecs successifs du Département en première instance, en appel avec arrêt annulant l'arrêté préfectoral et ordonnant la destruction des éléments construits (5 piles sur les 15) et la remise en état du site.

En 2020 le pourvoi du Département devant le conseil d'état ne fut pas admis, faute de moyens nouveaux, clôturant ainsi la procédure juridique.

Le président du CD a toujours affirmé qu’il ne démolirait pas ! Il a appelé ses partisans à se préparer à entrer en résistance et se mettre devant les bulldozers. Organisé plusieurs manifestations, pas toujours réussies, avec le concours d’une association « J’aime Beynac et sa vallée » constituée, entre autres, d’amis et de membres de sa famille. En particulier celle du 13 septembre 2020 à laquelle il a invité son ami, le député Jean Lassalle, à venir le soutenir aux frais du département (article sur le blog Territoire Magazines de Fabienne Ausserre, journaliste indépendante). Le blog a aujourd’hui été fermé mais des archives sont disponibles sur la toile, en particulier un article du 6 juin 2021 que la journaliste titrait : « Quand, pour avoir le soutien de Jean Lassalle, Germinal Peiro prévoyait la dispense de ses contingences matérielles. ». La manifestation avec fourches et bâtons a eu lieu réunissant à peine plus de 1.000 personnes (comptables sur une vidéo du défilé) mais donnée pour 3.000 par les organisateurs.

Des associations d’opposants saisirent à nouveau la Cour d’appel de Bordeaux qui donna 6 mois au Département pour commencer les travaux de démolition ! Si, après ce délai, ils n’avaient pas commencé, le Département était condamné à payer une astreinte de 3.000 €/jour pendant 6 mois puis 5.000 €/jour jusqu’à la remise en état totale du site.

La comptabilité des astreintes a commencé le 9 janvier 2023, une première liquidation d’astreintes de 489.000 € a eu lieu le 21 juin, une nouvelle audience de liquidation doit avoir lieu le 26 mars prochain. Le 10 juillet le Département a fait constater par huissier un « simulacre » de démolition en commençant à remettre dans l’état initial une route nouvellement construite située à l’extérieur de l’emprise du chantier des ouvrages d’art. Pour le Département les astreintes dues aujourd’hui seraient de 5.000 €/jour, pour certains des opposants elles seraient de 8.000 €/jour. Avec l’estimation départementale au 26 mars la liquidation des astreintes s’ajoutant aux 489.000 € serait d’environ 1.359.000, soit au total 1.848.000 €.

Aujourd’hui le Département évoque les restrictions budgétaires liées aux moindres rentrées d’argent et aux dépenses sociales croissantes, mais n’accélère pas pour avancer dans la démolition ; au contraire il a déposé un nouveau dossier sur le bureau du préfet après une concertation ordonnée par ce dernier sous l’égide de la CNDP. Pour les opposants le titre de « Boucle multimodale » tente de masquer qu’il s’agit à 95 % du même projet avec 5 % d’ouverture d’une gare désaffectée.  Tout ce qui concerne le contournement de Beynac est toujours présent, le nouveau projet s’appuie sur les quelques éléments déjà construits et que le département ne veut pas démolir avant l’enquête administrative et la décision préfectorale qui devrait intervenir, selon le journal Sud Ouest du 7 mars, dans une dizaine de mois..

Dans un article paru dans ce même journal le 20/11/2023, le président de la Cour administrative d’appel de Bordeaux déclarait à propos de Beynac : « Nous sommes face à un cas rarissime d’une collectivité qui ne voulait pas obtempérer. Il semble que le président du Département a provisionné le montant des astreintes. Dans ce cas de figure, les associations peuvent demander des astreintes plus importantes, ce qu’elles ont d’ailleurs fait. In fine, le procureur général de la Cour des comptes peut lui-même engager des poursuites s’il considère que la décision prise par le politique appauvrit la collectivité. »

Je suis le président de l’association pour Défendre l’Intérêt Général en Dordogne créée en juillet 2017. Opposant au projet, connaissant assez bien M. Germinal Peiro et son histoire familiale je suis scandalisé de voir dans quelle impasse il mène le département et sa population. J’ai choisi de m’installer dans ce département en 1981, essentiellement pour ses qualités environnementales mais aussi parce que je pensais que les périgourdins étaient les dignes descendants d’Étienne La Boétie. Quelle erreur ! Je vis dans un département où le clientélisme est roi et où tous ceux qui fonctionnent dans ce registre sont couchés.

Ici règne la peur et la soumission. Dans la 4ème circonscription, celle où se trouve Beynac et le célèbre « Triangle d’or de la Dordogne » classé à de multiples titres, réserve de biosphère de l’UNESCO, NATURA 2000… des élus se sont illustrés dans le passé « années 90 » par des dépenses pénalisantes pour une collectivité locale. Il s’agissait de développer une commune qui n’avait pas de bourg pour en faire la porte d’entrée du Périgord Noir. Porte sur laquelle arriverait la tant désirée voie de la vallée qui serait supportée par les ouvrages d’art du fameux contournement de Beynac.

Ici la députée (défavorable au projet) qui a battu aux législatives de 2017 le poulain de M. Peiro (bien sûr favorable au projet mais qui n‘est arrivé que 4 ème) a vu sa voiture et celle de son mari brûler devant chez eux au moment de la crise des gilets jaunes.

Ici aux dernières élections municipales dans des communes du Périgord Noir des observateurs ont vu des manipulations suspectes de bulletins de vote.

Ici une personne retraitée, veuve âgée de 70 ans, a vécu neuf ans avec un cancer, elle avait la peur au ventre après avoir subi un harcèlement ignoble d’un petit « baron » qui voulait déjà passer où il voulait. Cette personne, aujourd’hui décédée, a échappé à sa peur dont elle parlait régulièrement à celles et ceux qui l’approchaient.

Ici des atteintes aux biens se produisent et les lettres et appels anonymes menaçants sont parfois mis à exécution.

Ici le coût environné des enfants pris en charge par l’ASE dans la maison de l’enfance de Castelnaud-La-Chapelle, tout près du château des Milandes était en 2015 le double de la moyenne nationale sans que le Département daigne répondre au rapport de la Cour régionale des comptes relevant ce fait. Le président du Conseil départemental actuel a été maire de la commune pendant plus de 31 ans et a exécuté 4 mandats de député de la 4ème circonscription.

Ici comme l’ont déclaré plusieurs préfets dont Dominique Beillon « nous sommes en Corse, les bombes en moins ».

Ici nous attendons le 26 mars et le délibéré qui sera donné une quinzaine de jours plus tard pour savoir si l’appareil judiciaire maintient le cap. Car M. Peiro a réussi à approcher le président de la République et lui, petit baron local et fourbe politicien, qui dit respecter l’état de Droit, pense que le « temps politique » peut l’emporter après le temps juridique. 

Ce long exposé préliminaire vous aura peut-être permis d’appréhender une situation vécue ces quarante dernières années, dans cet emblématique Périgord Noir romancé par Eugène Le Roy et son « Jacquou le croquant ». Les barons ont changé de statut et ils se revendiquent résistants dans une « République des copains et des coquins » quand elle ne satisfait pas leur volonté. Les comportements et pratiques dignes de la mafia mériteraient une enquête de journalistes d’investigation. Certains penseront que la situation n’est pas exceptionnelle et qu’il faut laisser faire. Ce n’est pas l’avis de celles et ceux qui, je l’espère, rêvant d’éthique voudront bien s’exprimer dans cette édition.

DIGD a un site d’information (http://www.neodigd.fr). Il est possible d’accéder à toutes les publications effectuées sur le site et aux documents officiels (arrêtés préfectoraux, rapports divers, jugements et arrêts des institutions judiciaires…). Ainsi toute personne intéressée (particulier ou fonctionnaire de l’état) par le sujet d’une gouvernance quasi féodale et de pratiques douteuses pourra trouver des documents officiels.

Dans l’attente d’un éventuel accusé de réception de votre part je vous prie de croire en mes sentiments les plus cordiaux.

Théophile Pardo, président de DIGD, militant pour le respect de l’éthique en politique. Nombreux engagements militants depuis 1995.

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