par Guy Valette - LA SCIENCE DU PARTAGE

Au cours des nombreux articles de ce blog, nous avons tous compris comment un revenu de base, universel et inconditionnel, alloué de la naissance à la mort pourrait, en se substituant à toutes les aides ponctuelles complexes, coûteuses et stigmatisantes, être l'ADN d'une métamorphose de notre système social où chacun pourrait enfin s'émanciper et contribuer au bien commun en fonction de ses connaissances et de ses compétences acquises au lieu de subir l'oppression d'un monde qui lui est de plus en plus étranger.
Le problème est comment allouer à chacun un même revenu inconditionnel et universel alors que les situations individuelles sont si différentes et évoluent au cours du temps et des grandes étapes de la vie. C'est une question à laquelle nous allons essayer de répondre.
Si un des objectifs du revenu de base est d'assurer un minimum de ressources pour ne pas subir la précarité et la misère, il doit aussi et surtout permettre à chacun de s'émanciper de l'aliénation d'un emploi de survie pour pouvoir exercer ses talents dans des activités épanouissantes et utiles à la communauté.
Aussi nous devons faire attention à ne pas évaluer le montant du revenu de base, alloué à tous les membres d'une communauté, sur le seul cas des personnes, trop nombreuses, que le système actuel a exclues définitivement de ce monde marchand et de toute activité, en les condamnant au déclassement et à la déchéance. Ce serait tailler un costume bien trop grand et trop lourd à porter pour l'ensemble de la communauté. L'objectif de toute réforme sociale digne de ce nom est de faire en sorte qu'il y ait le moins possible de personnes en souffrance à la marge de la société et totalement dépendante d'un revenu d'assistance. Ces personnes, il faudra toujours les accompagner de manière spécifique, non seulement au niveau matériel mais aussi au niveau de la reconstruction de l'estime de soi pour qu'elles puissent à nouveau apporter à leur mesure leur contribution à la collectivité.
Nous avons montré qu'il est possible d'allouer à chacun un revenu de base de 600€ de la naissance à la mort (lire: "ça changerait quoi pour vous un revenu de base universel, inconditionnel, inaliénable tout au long de la vie ?") . Revenu insuffisant à priori pour vivre sans revenu complémentaire d'activité. Mais on peut envisager de moduler son montant à diverses périodes de la vie, (300€, 600€, 900€, 400€, 2600€, 1800€, 884€) en retenant une partie de celui-ci pendant un temps pour en augmenter le revenu à d'autres moments, pour pouvoir par exemple suivre des études, entreprendre la réalisation d'un projet ou se libérer partiellement ou totalement d'un emploi salarié pendant un temps. Nous allons esquisser quelques pistes pour permettre à chacun de faire de ce revenu de base un bon moyen de s'émanciper de sa propre condition.
UNE ENFANCE PROTEGEE AVEC LE REVENU DE BASE,
Un des premiers objectifs prioritaires de ce revenu minimum universel est de faire sortir tous les enfants de la pauvreté et de leur assurer les moyens de s'épanouir.
Si la plupart des parents ont un emploi, les revenus du travail peuvent ne pas suffire pour permettre à l'ensemble de la famille de sortir de la pauvreté. Ainsi dans un foyer composé d'un couple et de 2 enfants, dont un de plus de 14 ans, avec un seul salaire au niveau du SMIC ,ce sont 4 personnes dont 2 enfants qui vivent au dessous du seuil de pauvreté ( 1130€+Alloc: 130€+RSA : 650€) =1911€ pour un seuil de pauvreté à 50 % du revenu médian à 2008 € ). Avec un revenu de base de 600 € pour les adultes et 300 € pour les enfants de moins de 14 ans, les revenus nets de la famille seraient de l'ordre de 2790 €, soit une augmentation des revenus de la famille de plus de 45 % (1).
Ainsi,il suffit d'allouer la moitié du revenu de base jusqu'à 14 ans, puis la totalité jusqu'à 18 ans pour faire sortir la plupart des 1 700 000 enfants et adolescents qui vivent dans des familles pauvres ( moins de 50 % du revenu médian) parce que les revenus du travail sont insuffisants. (l'observatoire des inégalités). L'autre moitié du revenu de base, non alloué aux parents pendant l'enfance, pourrait être affectée à une allocation complémentaire de 300 € qui s'ajouterait au montant du revenu de base à partir de 18 ans et ce pendant 14 années.
L'ENVOL AVEC LE REVENU DE BASE

A partir de 18 ans chacun doit pouvoir assurer financièrement son indépendance et se consacrer à ses études et à la formation professionnelle de son choix avec un revenu de base minimum de 900€ brut ( 810 € net avec une cotisation retraite de 90 € ). Ainsi tout jeune adulte disposerait, pendant 14 années, de ce revenu minimum qui le protègerait de la précarité. Aujourd'hui ce sont 700 000 jeunes adultes qui ont des revenus inférieurs au seuil de pauvreté. Trop de jeunes par manque de moyens des parents ne peuvent pas poursuivre les études de leur choix ou sont obligés de consacrer trop d'énergie et trop de temps à un emploi alimentaire qui finit par mettre en péril leur projet de formation. Trop de jeunes sont aujourd'hui contraints de s'accrocher à un premier emploi souvent précaire, par crainte de se retrouver sans ressources. Sans formation et au chômage, devant les portes qui se ferment devant eux, beaucoup trop sombrent dans les jobs de l'économie parallèle et la criminalité mettant définitivement en péril leur avenir et leur existence.
Avec ce filet de sécurité élémentaire, on peut oser se lancer, renoncer à un emploi, changer de formation, entreprendre et rebondir et ainsi tracer sa route sans qu'un échec ne risque de l'interrompre définitivement.
Une fois sa place trouvée dans la société, les revenus d'activités complèteront le revenu de base et feront définitivement sortir de la pauvreté tous les salariés qui malgré leur travail sont dans la précarité ( on compte plus de un million de personnes qui exercent un emploi et vivent sous le seuil de pauvreté - lien -)
POUR NE PLUS PERDRE SA VIE A ESSAYER DE LA GAGNER (2)

Ce revenu minimum peut permettre à chacun de pouvoir se libérer partiellement d'un emploi chronophage et ainsi de contribuer à mieux partager les emplois existants par une réduction volontaire du temps de travail hebdomadaire sans perte de salaire (lire: "la semaine de 4 jours et le revenu de base")
On peut aussi, suivant sa situation familiale et ses revenus, consacrer pendant un temps une partie du revenu de base pour préparer une année sabbatique ou entreprendre une reconversion. Ainsi retenir 1/3 du revenu de base, soit 200 €, pendant 10 ans permettrait de financer un revenu complémentaire de 2000 € pendant un an assurant un revenu brut de 2600€.
De même retenir 1/3 du revenu de base pendant 3o ans permettrait de se limiter à un travail à mi-temps pendant les 5 dernières années de sa carrière professionnelle, avec un revenu complémentaire de 1800€ brut.
Les combinaisons sont infinies, à chacun de trouver la formule qui lui convient pour se libérer partiellement d'un emploi qui ne permet pas de se réaliser entièrement. Enfin par la réduction du temps de travail à la semaine de 4 jours ou à un mi-temps, par l'organisation d'années sabbatiques, le nombre d'emplois ainsi libérés dépasseraient rapidement le nombre de demandeurs d'emplois, faisant fondre cette armée de réserve qui pèsent aussi sur l'évolution des salaires et qui met en danger de nombreuses vies. ( Selon l'INSERM le chômage tue en France plus de 10 000 personnes par an- lien - )
Si le revenu de base ne se substitue en rien à l'assurance chômage qui assure les salariés face à la conjoncture et aux suppression de postes dans l'entreprise, il ne fait aucun doute que le coût de cette assurance, le coût des politiques gouvernementales de l'emploi, le coût social et humain à la fois du chômage et du travail subi s'en trouveront considérablement réduits.
ENFIN AVEC LE REVENU DE BASE: UNE RETRAITE ASSUREE.
Par la cotisation de tous à partir de 18 ans sur l'ensemble des revenus, y compris le revenu de base , il sera possible compte tenu de la structure de la population d'assurer inconditionnellement une pension de retraite minimale de 884 euros ( 600 €+284€), à laquelle s'ajoutera une retraite financée à la fois par une cotisation patronale sur les salaires( 15% SB) et par une cotisation individuelle ( 15 % de l'ensemble des revenus ). Ainsi c'est encore plus de 600 000 personnes âgées qui sortiraient de la pauvreté et, avec un régime par répartition, l'élargissement de l'assiette des cotisations, le plein emploi retrouvé, les revenus des retraités seront assurés et feront taire les chantres de la désespérance qui ne servent que les intérêts des systèmes de retraites par capitalisation.
VERS LA "DEPROLETARISATION" DE L'ETRE HUMAIN
En modulant le montant du revenu de base tout au long de la vie, tout en respectant le montant alloué inconditionnellement à chaque personne, nous avons montré combien cette allocation d'existence non seulement se substituerait plus efficacement à toutes les aides actuellement pour sortir les êtres humains de la misère, mais elle permettrait aussi de soustraire partiellement l'individu d'un emploi prolétarisé. Avec ce formidable capital humain ainsi libéré, elle ouvre aussi la porte à une "économie contributive territorialisée"(Bernard Stiegler ) où chacun retrouvera le plaisir de faire les choses et où chacun pourra récolter le fruit de sa contribution sous la forme d'un "revenu contributif" qui peu à peu pourrait prendre une part importante dans les revenus d'activités. Ainsi ce revenu d'existence même modeste est bien l'ADN qui contient le programme d'une véritable métamorphose d'une société gouvernée et corsetée à tous les niveaux par les machines, les procédures et les algorithmes, au seul service d'une minorité prédatrice, vers une société auto émancipatrice où chacun trouvera à nouveau le goût de faire des choses biens et de vivre dignement des fruits de son travail.
Guy Valette - LA SCIENCE DU PARTAGE
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(1) Note: Pour vous aider à vous libérer d'un emploi aliénant, essayez une simulation en comparant votre situation actuelle et celle avec un revenu de base.
(2) Lire le livre de B. Mylondo: " Ne pas perdre sa vie à la gagner- Pour un revenu de citoyenneté" Editions du croquant.