Devant nous, la promesse d’un désordre systémique (climatique, géo politique, socio-économique et peut être sanitaire) sans précédent si nous ne nous ressaisissons pas rapidement en tant que citoyens et en tant que nation.
Et pourtant, face à cette menace qui se précise, l’actualité fourmille d’exemples de mal adaptations :
- Lutte contre le réchauffement climatique ? Un moratoire de plus sur l’interdiction des glyphosates en France et la mise à l’index du pacte vert européen en guise de réponse au désespoir économique et professionnel des agriculteurs européens
- Meilleure répartition des richesses ? Procrastination à tous les étages (Europe, France) face à la pression des lobbies (industriels, distributeurs, plateformes et réseaux sociaux) et défenseurs des hyper riches
- Valorisation du travail et lutte contre le chômage ? Généralisation de jobs (de plus en plus ubérisés) le plus souvent mal payés, peu protecteurs et sans perspectives
- Plan Marshall pour la réindustrialisation du pays et sa souveraineté économique ? Quelques licornes High techs et des jeux du cirque (les jeux olympiques) hors de prix (empreinte carbone, montant de l’investissement, prix des billets) mais donnant lieu à une exfiltration de ceux que l’on devrait aider (travailleurs pauvres, SDF, étudiants)
- Dégradation des services publics ? Une avalanche de novlangue pour magnifier l’hôpital, l’école public, l’intérêt général et « en même temps » l’austérité budgétaire et la poursuite des fermetures de lits, de classes,..
- Revitalisation démocratique et lutte contre l’abstention ? L’accumulation de dispositifs (cahier des doléances, grand débat, Convention citoyenne pour le climat, Ségur à répétition) hautement instrumentalisés et la multiplication des atteintes aux libertés individuelles et collectives (drones, caméras de vidéosurveillance, interdiction de manifester avec ou sans casseroles, arrestations préventives..)
Les ingrédients du cocktail qui nous attend sont déjà connus :
- Une fracture sociale abyssale avec le risque permanent d’implosion/explosion de ce qui reste du vivre ensemble
- L’accession au pouvoir d’un régime autoritaire et sectaire
- La multiplication des accidents climatiques et des tragédies humaines associées
- L’enfoncement dans la pauvreté et la précarité d’une partie croissante de la population
- La montée des tensions géo politiques et l’imposition d’une économie de guerre
Dans ce contexte de montée des périls, nous pourrions nous attendre à une mobilisation massive et pacifique des peuples pour la promotion d’une société plus « Care » (plus démocratique et respectueuse de la planète et de ceux qui l’habitent). Un refus de l’inacceptable : Projets écocides et incurie climatique, massacre des palestiniens, paupérisation des agriculteurs, épuisement des soignants, répression des mouvements écologistes, ..
Las ! La plupart des sapiens ne bronchent pas ou si peu et poursuivent leurs routines tant que leur intérêt particulier n’est pas directement inquiété.
Comment expliquer cette absence de réaction face à la montée des périls ?
Au cœur de tout : Une relation au temps devenu pathologique
Coursiers, cadres en entreprise, mères isolées avec enfant à charge, étudiants bossant chez Mac Do, nous sommes de plus en plus nombreux à courir après le temps, à accumuler/enchaîner les activités (vie professionnelle, démarches administratives du quotidien, contraintes familiales). Pour ceux dont les emplois du temps sont les plus chargés, les quelques moments de temps libre sont consacrés à la réparation (dormir, se reposer) ou au délassement (se changer les idées, oublier la machine).
Si certains sont effectivement épuisés, fracassés par le système économique, d’autres sont en revanche responsables de cet empilement d’activités : Cadres et dirigeants d’entreprise enchaînant les réunions inutiles, adorateurs de Netflix et de jeux vidéo, ..
Ainsi, librement ou par obligation, nous sommes dans le guidon et tentons de nous dégager du peloton quitte à donner des coudes à nos co citoyens considérés comme concurrents.
Nous voici devenus hamsters compulsifs asservis à une roue du temps qui semble de plus en plus nous échapper.
Tant d’énergie gaspillée à détruire la planète.
Pire, certaines de nos activités et de nos inclinations nuisent à la planète : tourisme, mode, alimentation,..
Si « On ne tombe pas amoureux d’un taux de croissance », ayons enfin le courage d’interroger ce culte de la croissance à 2 chiffres et de l’hyper consommation. Ai-je absolument besoin de ce smart phone de dernière génération ou de ce tailleur Zara ?
Saccager la planète et mettre au travail l’humanité jusqu’à 64, 65 ou 66 ans ? Dans quel but ? Pour quel projet de société ? Pour quel projet de vie en commun ? Au bénéfice de qui ?
L’hyper consommation et l’hyper activité nous rend elle heureux ?
« L’américain moyen dépense soixante fois plus d’énergie que le chasseur-cueilleur moyen de l’âge de pierre. Est-il pour autant soixante fois plus heureux ? » Yuval Noah Harari
Nous savons que non. Alors pourquoi ne pas ralentir ?
Le monde ira mieux le jour où nous exigerons des voitures légères et sous équipées ; le jour où nous refuserons de nous endetter pour consommer toujours plus. Le jour où nous revendiquerons l’oisiveté.
Arrêtons de nous épuiser à perpétrer des activités et des rythmes de vie qui nous empêchent de réaliser la situation périlleuse dans laquelle se trouve notre espèce et donc d’agir.
Il est urgent de prendre du recul par rapport aux évènements qui s’accélèrent et se bousculent. Il nous revient de comprendre la marche du monde pour reprendre le contrôle de nos existences.
À la recherche de tout ce temps perdu ….
Pour ceux qui le peuvent économiquement, réapprenons l’oisiveté et savourons la lenteur propice à la réflexion et à la méditation.
Pour tous, il s’agit de miser sur la sobriété et la sélectivité (« qui trop étreint mal embrasse »)
Réapprendre l’empathie et se rendre disponible à l’autre (ses combats, ses difficultés, ses aspirations) et à soi-même (notre être, nos aspirations, nos rêves).
Prendre le temps de la réflexion, c’est la possibilité de passer de :
- L’amnésie et l’aveuglement provoqués par les réseaux sociaux et les chaînes d’info en continue à la pleine conscience des évènements qui comptent vraiment
- L’insensibilité généralisée à la compassion et à l’empathie pour les fracassés
- La consommation compulsive et écocide à la consommation sélective et responsable
Comment ralentir ? Comment retrouver ce temps perdu ?
Objectif « Dégager de mon temps »
Tout commence par mettre de l’ordre dans ses pratiques (consommations, engagements associatifs, agenda professionnel) afin de sanctuariser ne serait ce que trente minutes quotidiennes.
Il s’agit de mettre à profit un peu de ce temps pour :
- S’enquérir de la marche du monde, lire autre chose que l’Équipe ou Femme actuelle, s’intéresser à l’histoire, à la géo politique, à l’économie.. S’instruire.
- Participer à des réunions, à des débats, conférences
- Même si cela n’est pas sans risques, parler politique avec ses proches et ses amis
- Prendre le temps d’écouter les alertes des scientifiques (climatologues, sociologues) et des associations humanitaires et d’écouter enfin sa conscience (suis-je satisfait de cette vie de hamster ?)
Objectif « Ralentir »
- Se consacrer intensément à une seule activité à la fois (manger, visiter un monument, discuter avec son interlocuteur OU regarder son smart phone)
- Ne pas vouloir tout faire vite mais privilégier la lenteur et la contemplation (découvrir Paris en 3 jours, Non, non et non !).
- Savourons intensément chaque instant de chaque activité. Apprenons à aimer les objets, à les faire durer et la planète s’en portera mieux (et notre porte-monnaie aussi)
La vie de hamster est compulsive ; à l’instar d’une drogue à accoutumance, il nous faudra du courage pour lâcher la roue. Et pourtant, nous devons ralentir et vite !
Good night and good luck